Interview de Luc Smessaert, président de la Commission communication de la FNSEA
Le travail des agriculteurs doit être reconnu

Cédric MICHELIN
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En cette période de crise, on redécouvre que tous les gestes quotidiens des agriculteurs sont indispensables au fonctionnement de la chaîne alimentaire et permettent de retisser les liens avec les Français.

Le travail des agriculteurs doit être reconnu

Vous venez de lancer une campagne de communication - #OnVousNourrit - sur les réseaux sociaux ? En quoi consiste-t-elle ?

Luc Smessaert : Aujourd’hui, nous devons faire face à trois urgences, d’abord se soigner pour préserver notre santé, se protéger pour éviter la propagation du virus et se nourrir. On découvre que l’agriculture est face à un enjeu stratégique pour alimenter 66 millions de Français maintenant, dans les semaines et dans les mois qui viennent malgré des conditions sanitaires éprouvantes et les difficultés engendrées par la crise. Il nous appartient de valoriser la mobilisation, l’énergie et la passion que mettent les agriculteurs et tous ceux qui travaillent dans les filières agroalimentaires pour assurer dans les meilleures conditions une alimentation de qualité, sure et tracée de nos compatriotes. Ainsi, avons-nous décidé de diffuser sur les réseaux sociaux, essentiellement sur Facebook et Twitter, des images de femmes et d’hommes au travail, dans leurs gestes quotidiens. On peut y voir un agriculteur en train de semer, un éleveur amenant son troupeau à la traite, un maraîcher en train de remplir des cagettes…. En tout plus de 200 photos qui décrivent concrètement, quelquefois avec humour, le fonctionnement et la continuité de la chaîne alimentaire jusqu’au consommateur.

Comment récupérez-vous ces images et ces commentaires ?

LS : Nous avons demandé à tout notre réseau et aux agriculteurs de faire remonter des photos qui illustrent leur travail au jour le jour et qui permettent aux consommateurs de faire le lien entre ce qu’ils voient sur la photo et ce qu’ils ont dans leur assiette. Les JA, les associations spécialisées et toutes les organisations professionnelles qui nous sont proches se sont associés spontanément à notre démarche. Dans cette période exceptionnelle il nous paraît opportun de faire ressortir les gestes du quotidien des agriculteurs qui peuvent paraître banaux mais qui révèlent aujourd’hui toute leur importance et leur valeur.

La campagne s’inscrit elle dans la durée ?

LS : Notre démarche est très appréciée des agriculteurs. C’est aussi une façon pour nous de nous rapprocher des Français, de les encourager et de les soutenir dans cette épreuve. La campagne va se poursuivre dans les semaines qui viennent en valorisant aussi tous les métiers et toutes les petites mains qui sont indispensables au fonctionnement de la chaîne alimentaire : ceux qui font la cueillette dans les champs, ceux qui travaillent dans les abattoirs, ceux qui enlèvent les animaux morts dans les élevages, ceux qui transportent les denrées, les mécaniciens qui interviennent pour dépanner dans les exploitations…bref, tous ceux qui travaillent dans la chaîne d’approvisionnement des exploitations agricoles et dans la chaîne de transformation alimentaire.

Plus de 170 000 personnes (2 avril)

La campagne « desbraspourtonassiette » a-t-elle atteint ses objectifs ?

LS : Dès la mise en place du confinement, il est apparu aussitôt que l’agriculture allait manquer de bras pour faire les premières récoltes et remplacer les saisonniers. Nous avons lancé un appel aux Français, aux bonnes volontés, aux étudiants, à tous ceux qui étaient mis en chômage partiel ou en inactivité pour qu’ils rejoignent les exploitations agricoles. Sur la plateforme WiziFarm « desbraspourtonassiette », 173.000 personnes ont déposé leur candidature. C’est un vrai succès et je dirai même inespéré. Des « people » se sont même portés candidats, comme Karine Lemarchand et aussi des sportifs comme le tennisman Lucas Pouille, des footballeurs, des judokas… Je les remercie profondément. Nous agriculteurs, nous apprécions ce geste spontané qui a d’ailleurs été compris et soutenu par les pouvoirs publics. Et pour ce qui nous concernent nous nous engageons à ce que les tâches soient réalisées dans le strict respect des règles de précaution sanitaires.

Tous les agriculteurs sont-ils bien informés de ces initiatives ?

LS : C’est un vrai enjeu. Dans cette période inédite, les agriculteurs n’ont jamais eu autant besoin d’informations. Soit par manque de personnel, soit par rupture d’approvisionnement en matière de fournitures, quelques journaux départementaux n’ont pas pu paraître la semaine dernière. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour accompagner la presse départementale et faire en sorte que les journaux soient fabriqués et acheminés jusque chez les agriculteurs. En tout cas cette situation exceptionnelle a favorisé le développement des nouvelles technologies et le basculement vers le multimédia. Ce qui est aussi un moyen de pérenniser nos titres et de réfléchir à la durabilité de notre modèle économique.