Machines agricoles
Des caméras pour optimiser la capacité

Les caméras associées à l’intelligence artificielle offrent de nouvelles perspectives en termes de détection et d’automatisation, dans le but d’améliorer la productivité des machines et de mieux valoriser les intrants.

Des caméras pour optimiser la capacité
L’analyse des images issues des caméras autorise la détection des adventices, qui pourront ensuite être ciblées par le pulvérisateur. Crédit : Dilepix

L’analyse d’images issues de caméras embarquées devient incontournable dans l’automatisation des machines agricoles. Exemple le plus connu, le désherbage mécanique de précision, avec une bineuse utilisant une interface de guidage dotée d’une caméra, fait ses preuves dans les champs depuis plusieurs années. Les constructeurs de moissonneuses-batteuses utilisent également des caméras pour analyser la propreté et la casse du grain dans le but d’affiner automatiquement les réglages de la machine. Plus récemment sont apparues des caméras montées sur la rampe d’un pulvérisateur, autorisant un ciblage des adventices ou de la culture à traiter, ou encore la détection de zones de cultures touchées par une maladie ou un ravageur. Dans tous les cas, le but est de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, sans impacter l’efficacité du traitement. 

La pulvérisation localisée en ligne de mire

Plusieurs constructeurs de pulvérisateurs réalisent des essais depuis quelques années en collaboration avec des fournisseurs de solutions d’analyse d’images, tels que Carbon Bee, Bilberry et Bosch. Bien que leur coût reste encore dissuasif, ces dispositifs de pulvérisation localisée, souvent baptisés avec le terme anglais "spot spraying", sont en cours de commercialisation. L’enjeu est de taille puisque les économies d’intrants annoncées atteignent parfois les 80 %. « Les applications autour de la pulvérisation imposent l’utilisation d’une intelligence embarquée à adapter en fonction du niveau de précision désiré », analyse Aurélien Yol, directeur technique et cofondateur de la start-up Dilepix, spécialisée dans la vision par ordinateur et l’intelligence artificielle. L’application la moins gourmande, mais aussi la moins précise, est de scanner la parcelle avec un drone équipé d’une caméra. Les images sont analysées pour créer une carte de préconisation, qui sera ensuite utilisée avec le pulvérisateur. 

Compromis entre précision et vitesse d’analyse

Dans ce cas, le drone ne permet que de définir de grandes zones dans la parcelle. Pour aller plus loin dans le niveau de précision, la caméra avec son intelligence embarquée est incontournable, de façon à faire de l’analyse d’image en temps réel et d’offrir un pilotage buse par buse. Si l’on considère la surface ciblée par une buse standard, le niveau de précision reste encore à la portée de dispositifs combinant des réseaux de neurones pas trop complexes associés à des algorithmes, autorisant une bonne rapidité d’exécution et ainsi que des vitesses de travail élevées. En revanche, dès lors que l’on souhaite cibler plus précisément les adventices ou la culture pour mettre en œuvre, par exemple, du désherbage chimique ou mécanique ultralocalisé, cela devient tout de suite plus coûteux en termes de développement et les vitesses d’intervention sont plus réduites.

Binage et pulvérisation plante par plante

Ces applications de haute précision sont notamment retenues pour être valorisées sur des engins autonomes, mais pas seulement. L’Anglais Garford emploie ainsi une détection de haute précision pour sa rampe de désherbage ultralocalisé Robocrop SpotSprayer ou sa bineuse intrarang Robocrop InRow. Le Hollandais Steketee (groupe Lemken) propose également une solution de binage intrarang avec son IC-Weeder. Plus récemment, le Suisse Ecorobotix a développé un pulvérisateur de six mètres de large doté de six caméras analysant chacune un mètre carré de surface 20 fois par seconde. Les buses disposées tous les 4 cm peuvent cibler une zone de 8 cm de large sur 3 cm de long, lorsqu’elles sont placées à 15 cm du sol et que la vitesse atteint 7 km/h.

La caméra devient l’œil du robot

Les caméras offrent d’autres fonctionnalités en association avec les engins robotisés. Elles permettent notamment la détection de l’environnement pour garantir un guidage encore plus précis en complément du GPS RTK, du Lidar (laser 3D) et de l’odométrie. « En élevage, on peut imaginer valoriser l’analyse d’image sur des robots d’alimentation pour détecter les aliments à charger, ou encore sur des robots de raclage ou repousse-fourrage, pour analyser les zones qui méritent un passage du robot », illustre Aurélien Yol. Concernant les robots des champs, la caméra peut être mise à profit pour détecter des obstacles. Elle peut aussi  vérifier si l’automate a bien travaillé en analysant, par exemple, la finesse du travail du sol ou en validant l’absence de manques. Sur un robot de désherbage, outre la détection des adventices, les caméras peuvent être valorisées pour analyser l’état de la culture : développement, maladie, ravageurs… « Dans le cas des automates utilisés en arboriculture, l’analyse d’image va permettre un comptage et une estimation de la maturité des fruits à récolter, afin d’intervenir au bon moment ».
Michel Portier