Reconnaissance en Premiers crus
Pouilly-loché & pouilly-vinzelles entrent dans la cour des grands
Après de longues années de procédure, les vignerons de pouilly-loché et pouilly-vinzelles pourront revendiquer les 1ers crus dès le millésime 2024 ! Une nouvelle ère commence pour les deux "petites" appellations tapies à l'ombre des pouilly-fuissé, ayant déjà accédés à cette reconnaissance.
Les philosophes nous enseignent que l’attente fait partie des plaisirs, alors les vignerons de pouilly-loché et pouilly-vinzelles ont été gâtés. Actuel président de l’ODG, Olivier Giroux se souvient encore qu’en 2006, les appellations avaient entamé un travail de prospection et de cartographie des sols avec Isabelle Letessier du cabinet Sygales, puis œuvré à l’identification et la valorisation des meilleurs terroirs avec Bruno Rivier. « Par la suite, on avait déposé le dossier de reconnaissance des 1ers crus le 26 mars 2010, le même jour que pouilly-fussé, mais l’Inao a souhaité dissocier les dossiers ».
Finalement, les 1ers crus sont arrivés quatre ans après chez leur « grande sœur », les trois pouillys se retrouvent désormais dans la cour des grands. Et pour le président de l’ODG, c’est d’abord un sacré soulagement, car la dissolution de l’Assemblée nationale et le flottement politique qui a suivi avaient fait craindre un nouveau retard d’un an.
Si le comité national de l’Inao avait bien validé le dossier en juin, il manquait la parution au Journal officiel avec la signature des ministères concernés. « Il a fallu faire un peu le forcing ces dernières semaines, il nous fallait la signature avant la déclaration de récolte. En amont, on avait demandé aux vignerons de respecter le cahier des charges dans l’attente de la bonne nouvelle », explique Olivier Giroux.
Cahier des charges : des engagements forts
L’histoire retiendra donc la date du 18 novembre 2024 comme acte de naissance des 1ers crus. Qu’est-ce que cela implique ? « Il y a dans le cahier des charges de production deux mesures fortes. La première : la fin de tous les désherbants, c'est-à-dire même ceux à base de molécules « vertes », non chimiques, genre beloukha. Pour nous, c’est essentiel à la vie des sols et au respect du terroir, on a bien compris que l’érosion est un fléau. Il y a déjà pas mal de domaines en AB qui pratiquent un travail du sol intégral ». L’autre mesure phare, c’est l’interdiction de la récolte mécanique. « Je crois que seulement cinq appellations interdisent la machine à vendanger en France, c’est un choix fort ». Cette décision, sans doute la plus délicate, a fait naître quelques crispations, notamment lors de la PNO (procédure nationale d’opposition). « Aujourd’hui, on vendange bien les crémants à la main, ça ne pose pas problème, alors les 1ers crus, on doit être capable de le faire également », justifie le président. Les vignerons disposeront toutefois d’un système dérogatoire de quatre ans pour s’adapter à ce retour à la récolte manuelle.
Autres mesures significatives du cahier de charges : une baisse de rendement à 58 hl/ha (au lieu des 60 hl/ha pour l’appellation) et un élevage (tous contenants) prolongé jusqu’au 1er juillet avec une commercialisation au 15 juillet (contre le 15 avril).
Une trentaine d’hectares de 1ers crus
Trois terroirs sont concernés par ces 1ers crus sur Vinzelles : les Longeays (7,50 ha), les Pétaux (2,76 ha) et les Quarts (12,45 ha) et un seul sur Loché : Les Mûres (7,09 ha), soit 7 propriétaires à Loché et une trentaine à Vinzelles. « Mais c’est une décision qui dépasse les hommes en place actuellement, c’est une décision pour l’histoire, pour le futur », insiste Olivier Giroux. « Les lieux dits sont connus comme plus qualitatifs depuis longtemps, ils donnent des vins profonds, avec de belles maturités. On n’a rien inventé, c’est juste la reconnaissance ! »
Si l’arrivée des premiers crus ne devrait donc pas bouleverser la vie de ces "petites" appellations (32 ha pour le pouilly-loché, 52 ha pour le pouilly-vinzelles et environ 70 adhérents), elle devrait permettre de sortir de l’ombre des pouilly-fuissé et de "désinhiber" les producteurs par rapport à leurs voisins du Nord. « Les gens ont pris conscience du potentiel des Mâconnais et certains domaines montrent déjà la voie. Nous étions convaincus de notre légitimité, mais il fallait le prouver à tous », renchérit le vigneron du Clos des Rocs.
Et maintenant ?
Est-ce que l’ensemble des surfaces seront revendiquées en 1ers crus dès la première année ? « Peut-être que certains producteurs proches de la retraite ne se lanceront pas, mais dans l’ensemble, je crois que oui. L’objectif, c’est que les gens valorisent et certains sont fins prêts ». Et selon le président, les 1ers crus ne bouleverseront pas la commercialisation. « Les meilleurs terroirs sont déjà vendus 20 % plus chers. Il faut être prudent surtout si le commerce se ralentit. L’avantage, c'est que nous ne sommes pas dépendants du négoce contrairement à d’autres appellations plus importantes On a les cartes en main pour en faire une réussite ».
Après cette validation administrative, vient donc le temps du faire savoir. L’ODG prévoit de réaliser et de mettre à disposition des producteurs des outils cartographiques adaptés pour communiquer auprès du grand public et des prescripteurs.
Pour autant, l’ODG n’imagine pas faire des folies en matière de promotion. « Même si le BIVB nous soutient, nous n’avons pas de gros moyens, nous sommes petits ». La promotion passera par l’organisation de dégustations dans le courant de l’année 2025. Et de conclure par un message aux adhérents : « les 1ers crus nous obligent, soyons méticuleux, qualitatifs. Notre rareté, c’est notre force ».
Cave des Grands Crus blancs : Satisfaits mais…
Basée à Vinzelles, la coopérative des grands crus blancs est un acteur incontournable des deux appellations avec environ 40 % des surfaces. « Et elle nous a toujours accompagnés dans la démarche 1ers crus », signale Olivier Giroux.
Le président de la cave, Richard Goyat, ne cache donc pas sa satisfaction : « C’est une très bonne chose, ça va nous tirer vers le haut et aider à faire connaître nos deux petites appellations ». La coopérative - visionnaire dans son nom ayant déjà même anticipé la prochaine étape - possède environ 5 ha de futurs 1ers crus et elle déjà prête à les mettre en avant. « On valorise déjà les terroirs pouilly-loché, les mures et pouilly-vinzelles les quarts depuis plus de 15 ans, car il se dégage une vraie typicité. Ce sont nos cuvées haut de gamme. Il faudra sans doute les revaloriser avec l’arrivée des 1ers crus, mais attention, il ne faudra pas s’enflammer sur les tarifs », prévient, prudent, le coopérateur.
En revanche, Richard Goyat n’en démord pas : « les vignerons ne sont pas prêts à se passer de la machine à vendanger. Elles ont progressé et font un très bon travail. Nous avons une dérogation pour les premières années, on aimerait qu’elle perdure. Pourquoi s’en passer alors que d’autres appellations y ont droit ? ».
Clos des Rocs / Olivier Giroux, le finisseur
En 20 ans, le vigneron a su placer son domaine, anciennement domaine Saint-Philibert, sur la carte des vins du Mâconnais.
À 47 ans, après trois ans de présidence de l’ODG, Olivier a joué, comme son homonyme footballeur, le rôle de finisseur en concrétisant une belle action collective en cours depuis plus de 15 ans.
Fils d’un vigneron de pouilly-fussé, Olivier ne s’est pas installé sur le domaine familial, exploité aujourd’hui par son frère. Après son BTS, il a bien embrassé une carrière viticole, mais dans le Sud. « Auparavant, j’étais dans les côtes-du-rhône gardois où j’avais acheté un domaine avec un ami hollandais. Je suis revenu dans la région pour retrouver un domaine à taille humaine. C’était une belle opportunité, mais nous étions nombreux à nous positionner. Quand je suis arrivé en 2002, certains disaient que j’allais me casser la gueule ». La suite prouva que non.
À l’époque, le domaine s’étendait sur 7,20 ha, aujourd’hui, il en fait 13 dont 6 ha Pouilly-Loché - avec 3,30 ha de 1ers crus - et 6,5 ha de mâcon-loché ainsi qu’un peu de pouilly-fussé et de mâcon-fuissé. Il y ajoute une activité complémentaire de négoce avec du pouily-fuissé, mâcon-fuissé, pouilly-loché les mures et morgon.
À la vigne, il vise à rendre son activité « le moins impactant possible pour la nature ». Le domaine entretient avec soin, haies et espaces verts autour des parcelles et n’hésite pas à faire appel à des… ovins pour brouter l’hiver entre les rangs. S’il n’a jamais utilisé une goutte de désherbant sur le domaine, il a entamé sa conversion Bio en 2011 « à partir du moment où le cahier de charges intégrait aussi le travail de la cave, je trouvais ça plus cohérent ».
Sa conviction s’est forgée au fil des rencontres. « Car à l’école on ne nous parlait pas de culture biologique », regrette-t-il. Et de citer, en local, l’influence des frères Bret qui ont commencé leur carrière juste avant la sienne ou encore le Belge Jean-Marie Guffens.
Partage et transmission
Au-delà de la réussite du Clos des Rocs, le vigneron se distingue par son sens du collectif et de la transmission. Il est membre des artisans vignerons de Bourgogne du sud où il apprécie « le partage d’expériences, les retours techniques pour aider les jeunes à comprendre, car on n’est pas né en sachant ! J’invite toujours mes stagiaires à regarder les vidéos de Claude et Lydia Bourguignon », les médiatiques agronomes fervents défenseurs de la vie des sols.
À la cave, le vigneron « cherche à faire des vins les plus épurés possibles, représentatifs du terroir, pas bodybuildé ». Il élève en fûts de 500 litres pour ne pas trop marquer, mais également dans des fûts en inox.
Il exporte 55 % de ses volumes dans une cinquantaine de pays. « On veut toucher tout le monde avec nos cuvées, de l’amateur averti au néophyte. On gagne notre vie en procurant du plaisir ».