Bovins viande
Un calme bien trompeur…

Le calme apparent qui règne cet été est bien trompeur. La sourde violence de la crise continue sa basse besogne. La FNB l’a rappelé avec force au ministre de l’Agriculture le 26 juillet. Il y a urgence.
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Dramatique, le contexte l’est, tant pour les éleveurs laitiers qu’allaitants, sans distinction aucune. Les récentes mesures de l’Union européenne semblent bien tardives au regard de la situation des éleveurs français et sans aucun doute inadaptées et insuffisantes. Rappelons qu’il s’agit d’une aide d’urgence de 500 M€, dont une partie (49,9 M€ pour la France) peut être utilisée par chaque pays selon ses priorités (lire à ce sujet notre édition du 22 juillet en page 5). Pour décliner et préciser la mise en place en France, une réunion était organisée au ministère de l’Agriculture, le 26 juillet.
« Aujourd’hui, ce sont près du tiers des 80.000 exploitations spécialisées en élevage bovin qui pourrait disparaître dès cet automne. C’est colossal, c’est dramatique ! », alertait Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération nationale bovine (FNB), au sortir d’une réunion de travail avec Stéphane Le Foll, le 26 juillet. Paradoxe incompréhensible et symbole navrant de cette crise, ce tiers correspondrait principalement aux éleveurs ayant donné un focus tout particulier à la qualité en investissant dans des outils de production modernes.
Le secteur bovin subit une crise sans précédent, une crise qui s’est intensifiée depuis deux ans. Depuis 2014, le prix payé au producteur affiche, rappelle Jean-Pierre Fleury, une baisse de 60 centimes d’€ le kilo, soit une perte sèche d’environ 300 € par animal (pour un poids moyen de 400 kilos) !
A l’occasion de cette rencontre, les représentants de la filière bovine ont tous souhaité alerter le ministre sur la gravité du moment. « Les éleveurs n’attendront pas trois mois de plus », a prévenu le président de la FNB. Des mesures structurantes sont attendues par toute la profession pour redresser les cours, et en particulier sur deux volets majeurs : l’export et l’assainissement du marché intérieur.

Débloquer l’export


Un des moyens proposés par les producteurs pour soulager la situation actuelle serait d’augmenter les ventes à l’international. Et cela, d’autant plus que les perspectives s’annoncent lourdes (lire notre édition du 29 juillet en page 10).
Pour cela, l’Egypte, l’Iran, la Turquie et la Lybie sont des pays prioritaires selon la FNB. Or, « dans ces pays, l’export ne fonctionne pas », déplore Jean-Pierre Fleury. Deux raisons principales sont avancées. En premier lieu, la rédaction du certificat sanitaire est trop longue et donc inadaptée pour ces pays qui présentent des marchés volatils. La réactivité française est ainsi trop faible. Autre point problématique relevé, celui des cautions, des garanties et des crédits exports. « Il y a une méconnaissance de ces dispositifs », souligne le représentant de la FNB. Selon lui, de nombreuses PME françaises voudraient se projeter à l’export, mais pâtissent d’un handicap de moyens.
« Les grandes entreprises du secteur qui pourraient exporter, préfèrent verrouiller le marché », déplore Jean-Pierre Fleury, et cela à des fins de maintenir les prix bas sur le marché intérieur… A ce titre, la FNB demande solennellement des comptes à la plateforme "Viande Export" lancée en octobre 2015. Les représentants des producteurs aimeraient connaître les tonnages exportés depuis sa création.

Assainir le marché intérieur


Par ailleurs et en parallèle, la FNB propose un autre axe de réflexion : assainir le marché intérieur en accompagnant financièrement les catégories d’animaux bas de gamme dans les secteurs laitier et bovin.
Un dispositif d’aide alimentaire pourrait être donné à ces structures pour les « sortir du marché alimentaire classique », explique Jean-Pierre Fleury qui évoque de possibles mécanismes liés à l’aide alimentaire ou au pet food, pour dégager un maximum de viandes "bas de gamme" du marché. Une partie de l’enveloppe des 49,9 millions d’€ octroyée récemment par Bruxelles pourrait être utilisée dans ce but. L’objectif, plaide la FNB, est de trouver la bonne formule pour que les secteurs laitier et bovin, tous deux en crise, soient gagnants, en évitant tout « saupoudrage » et par l’instauration de « mesures structurantes ».
En conclusion de cette réunion, la Fédération bovine dit ressortir avec plus de questions que de réponses. Selon elle, la filière est désormais condamnée à prendre elle aussi ses responsabilités. Toutes ses responsabilités.




De sérieuses craintes

« On ne sauvera pas tous les éleveurs cet automne », met en garde Jean-Pierre Fleury à la sortie de la réunion avec le ministre de l’Agriculture. Il craint notamment qu’un nouvel afflux de vaches de réforme ne fasse de nouveau plonger les cours de la viande bovine. Dans ce contexte, ce sont « près du tiers des éleveurs spécialisés » qui sont menacés. Les pouvoirs publics ne diront pas qu’ils ne le savaient pas. Pas plus que les élus.







Et aussi…


Lors de cette rencontre, la FNB est par ailleurs revenue sur les décisions prises par le ministre de l’Agriculture au sujet des aides couplées en bovin viande (ABA) à partir de 2017 (lire notre édition du 29 juillet en page 8). La FNB a ainsi regretté que Stéphane Le Foll n’ait pas accepté sa proposition d’intégrer « un stabilisateur pour les nouveaux entrants ». Pour la profession, le ministre donne là un mauvais signal aux éleveurs laitiers qui voudraient convertir une partie de leur troupeau en bovins viande pour compenser la baisse des prix : « il laisse croire aux gens qu’on peut empiler les vaches », s’agace Jean-Pierre Fleury qui s’inquiète également que la Commission européenne ne remette en cause de caractère de "filière en difficulté" à la filière Viande bovine, si les volumes produits venaient à repartir à la hausse.




Cœur de Gamme

Un engagement payant !


Système U vient de payer les premiers animaux au prix "Cœur de gamme", soit un complément de 232 € par animal. Alors que d’autres enseignes travaillent à rejoindre à leur tour la démarche, il est fondamental que les éleveurs continuent à se mobiliser sur ce sujet.