Patrice Fortune
Une certaine désespérance de ne plus travailler

Régis Gaillard
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Président de l’Union Viticole 71 et du Syndicat Intercommunal Chânes-Crêches-sur-Saône, Patrice Fortune souligne combien la situation est difficile dans le sud de la Saône-et-Loire. À tel point qu’il souhaite l’annulation des cotisations pour certains domaines qui vont très vite se trouver en extrême difficulté.

Une certaine désespérance de ne plus travailler
Patrice Fortune appelle notamment les banques à repousser les échéances.

Quelle est la situation dans le sud de la Bourgogne ?

Il y a de grosses différences dans le secteur Beaujolais d’une exploitation à l’autre. Les vignerons ont fait de gros efforts et ont diversifié leur mode de commercialisation. Ces dernières années, des aléas climatiques ont impacté leur fonctionnement. L’accumulation de ces aléas a rendu la situation compliquée. De plus, il y a aujourd’hui des réelles difficultés en terme de commercialisation. La vente au négoce est à la peine actuellement. Par contre, les contrats de l’automne devraient être respectés. Il reste des volumes disponibles depuis 2018, y compris dans certaines appellations plus connues comme Chénas, Saint Amour et Beaujolais Villages rouge.

L’années 2019 a-t-elle amplifié le phénomène ?

Dans le Beaujolais, le millésime est rémunérateur quand il trouve acheteur. À condition de ne pas manquer de volume. Cependant, le gel a créé un petit manque de volume en rouge et un gros manque en blanc. Néanmoins, ces petits volumes de 2019 ont fait augmenter le prix auprès du négoce. Une hausse de prix qui n’est pas le cas en vente directe.

La situation actuelle a-t-elle amplifiée les soucis de vente de la bouteille ?

Il y a une réelle désespérance de ne plus « travailler ». Voire, dans certains cas, une certaine panique. Tous les salons, foires, expositions ou même portes ouvertes ont été annulés. Les cafés, les hôtels et les restaurants ont été fermés, les mariages et les fêtes de famille retardés. Le chiffre d’affaires de la moitié de l’année, pour l’instant, est complètement perdu ou, au mieux, bien retardé. Et la vente par Internet ne compense pas, loin de là. Les pertes de volumes aux États-Unis, en Angleterre et, dernièrement, en Chine viennent accentuer ce sentiment d’insécurité économique. 

Qu’en est-il de la question de la réserve ?

Faire de la réserve est très compliqué pour des exploitations faisant des multi-appellations avec de petites quantités à stocker. Dès lors que le volume est conséquent, la réserve devient un bel outil pour pallier les aléas climatiques.     

Même si beaucoup d’incertitudes subsistent, comment appréhendez-vous le futur et plus particulièrement les vendanges ?

Trouver de la main d’œuvre apte à faire une saison de vendange complète est depuis des années quelque chose de compliqué. Mais là, il y a les frontières fermées et des vendanges qui s’annoncent précoces. Il y a aussi une réelle crainte avec les mesures de sécurité pour les vendanges manuelles en terme d’hébergement, de transport et de repas. Cela s’annonce vraiment très complexe. Malgré tout, il y a des nouveaux outils comme wizifarm qui améliorent la mise en relation entre les personnes à la recherche d’emploi et le monde agricole.

Y-a-t-il des solutions pour limiter les conséquences de l’actuelle crise au sein des exploitations ?

Il faudra voir au cas par cas pour des reports de cotisations et même des annulations pour certaines exploitations. Les banques devront accepter de repousser, le temps qu’il faudra, les échéances de crédits. Les investissements devront être réenvisagés. La MSA a aussi son rôle à jouer.