Le loup
Le loup constitue un réel danger pour l'élevage de nos régions, comme le rappelle à juste titre Albert Masson

Ancien conseiller Machinisme à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et à la FDCuma, Albert Masson livre ici une tribune libre remplie de bon sens alors que la présence du loup dans nos campagnes est désormais avérée. Pour lui et sans aucun doute, le loup constitue un danger pour l’élevage.

Le loup constitue un réel danger pour l'élevage de nos régions, comme le rappelle à juste titre Albert Masson

Apparu dans les Alpes-Maritimes dans les années 90, le loup a dès le début provoqué de vives controverses entre éleveurs et écologistes partisans de sa protection. Depuis, le prédateur a envahi tout l’Arc alpin, il colonise le Massif central et les Vosges et gagne de nouveaux territoires au fil du temps. Dans un bref tour d’horizon, nous allons essayer de comprendre cet animal, les conséquences actuelles de sa réintroduction, les risques qu’il représente pour l’élevage et les rares actions possibles pour minimiser ses dégâts.

Un animal social intelligent

Le loup vit le plus souvent en meute hiérarchisée de 5 à plus de 15 individus, un couple dominant assurant seul la reproduction avec des portées de 4 à 8 louveteaux par an au printemps.

Des animaux solitaires se déplacent toutefois entre les territoires des meutes avant de former de nouveaux couples lesquels s’établissent ailleurs pour lancer une nouvelle meute qui se constituera en deux ou trois ans. Les jeunes louveteaux allaités par leur mère reçoivent ensuite une alimentation dispensée par toute la meute qui dégurgite à leur intention la nourriture avalée. En fin d’e leur première année, ils chasseront avec les adultes. Entre deux et cinq ans, certains quitteront la meute pour vivre en solitaire ou former de nouvelles meutes. Un loup adulte consomme en moyenne 3,5 à 4 kg de viande par jour.

Doués d’un odorat et d’une audition très développés, d’une bonne vision nocturne et d’une mâchoire puissante, capables de s’organiser et se coordonner en équipe, les loups disposent d’une aptitude à chasser exceptionnelle. Entre hurlement, gémissements et aboiements, ils utilisent un langage efficace pour se rassembler, coordonner une attaque ou s’enfuir en cas de danger.

Rien d’étonnant dès lors à ce que les hommes le considèrent historiquement comme un adversaire redoutable, il a fallu les armes à feu pour en venir à bout à la fin du XIXe siècle. Entre le Moyen-Âge et le XXe siècle, des historiens sérieux estiment à plus de 150.000 les victimes humaines du loup en France.

Un déni de vérité

A partir des années 90, le loup réapparait dans les Alpes-Maritimes. Selon les dernières analyses génétiques effectuées par un laboratoire allemand à la demande des éleveurs, une partie de ces animaux seraient des hybrides de chiens errants formés pendant la guerre dans le sud de l’Italie. Ce que dément l’ONCFS (Office national de la Chasse et de la Faune sauvage) qui se refuse à publier ses propres analyses génétiques.

Depuis la réintroduction du loup, la production ovine subit un recul de -40 % sur l’ensemble de l’Arc alpin. Sans doute d’autres causes interviennent-elles, mais présenter le loup innocent de ce recul constitue un déni de vérité.

Dans le Massif central, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Lozère et l’Aveyron subissent depuis peu des attaques et des loups sont signalés dans l’ensemble du Massif, situation identique dans les Vosges avec identification de loups originaires des Carpates.

Le chiffre d’animaux officiellement victimes des loups est passé de 2.650 en 2005 à11.700 en 2017, mais les pertes réelles dépassent largement ce chiffre avec des animaux perdus ou tués par accident suite à une attaque de troupeau. L’effectif de prédateurs est estimé par l’ONCFS à 360 en 2017 ; il se situerait plutôt entre 1.200 et 1.800 d’après les organisations d’élevage (Même José Bové évoque une population supérieure à mille individus). Et cet effectif progresse d’environ +10 % par an…

L’absence de discernement…

La convention de Berne signée en 1979 et appliqué en France depuis 1982 protège 28.074 espèces animales et végétales considérées comme menacées, dont le loup fait partie alors qu’aucune menace d’extinction ne pèse sur cette espèce. Dès lors, la destruction de cette espèce est considérée comme un délit et entraîne des sanctions.

Actuellement, l’administration française applique avec rigueur cette convention, les pays voisins dont la Suisse l’interprètent avec plus de discernement. Contrairement à ce que prétendent certains écologistes, nos voisins italiens connaissent les mêmes difficultés de coexistence avec le loup.

Les agents de l’ONCFS surveillent et protègent les portées de loups dans les zones où sa présence est confirmée, l’abattage d’un loup entraîne des sanctions sévères.

L’Etat français indemnise les éleveurs pour les animaux tués par le loup après constat par un agent de l’ONCF. Les indemnités par tête restent correctes, mais aucun dédommagement n’intervient pour les animaux blessés, stressés ou perdus ni d’ailleurs pour les pertes d’exploitation qui en résultent.

Le nouveau Plan loup prévoit des aides substantielles pour subventionner les dispositifs de protection. Par contre, plus aucune indemnité ne leur sera versée s’ils n’adoptent pas ces dispositifs pourtant difficiles à mettre en place et d’une efficacité discutée. Dans les régions bocagères pour les élevages de vaches allaitantes, on ne voit pas quelles dispositions pourraient s’appliquer ?

Les moyens de protection

Les écologistes soucieux de prouver la coexistence possible de l’élevage et du loups préconisent depuis les années 90 plusieurs solutions.

Les chiens "Patous" et "Abruzzes" élevés au sein d’une troupe ovine défendent celle-ci contre les attaques, mais ils s’en prennent parfois aux promeneurs et à leurs chiens. S’ils font face aux attaques isolées, ils ne peuvent contenir une meute menant une attaque coordonnée qui les attire loin du troupeau avant d’agir. D’autre part, ces animaux coûteux à l’achat et à l’entretien restent en charge toute l’année. Un seul Patou ne constitue pas une garantie, il en faut au moins deux pour 150 à 200 moutons.

Le regroupement des brebis en parc pour la nuit peut fonctionner, mais les loups sautent au-dessus des filets électrifiés classiques et il faut opter pour des filets de 1,80 mètres ; ils cherchent aussi à affoler les moutons qui finissent par se jeter sur la clôture et l’arrachent ou même creuser des trous sous le filet. Le double filet de 1,80 mètres avec des "patous" entre les deux semblerait efficace, sinon il faudrait un grillage de 2 mètres enterré sur 30 centimètres. D’autre part, en été, les ruminants profitent de la fraîcheur pour brouter et le parcage nocturne se traduit par une perte de productivité. Pour les bovins, nous ne disposons d’aucune solution crédible.

Le déroulé des attaques

Les loups isolés se contentent souvent d’une ou deux victimes, un moindre dommage. Par contre, les meutes établies constituent un véritable fléau pour le voisinage. Les troupeaux attaqués subissent de nouvelles attaques. Les protections nocturnes entraînent de plus en plus des attaques diurnes faisant moins de victimes.

Pour les ovins et caprins, les loups peuvent faire un véritable carnage car ils tuent pour tuer et pour deux animaux effectivement consommés on peut retrouver 10, 15, 20 ou même davantage de bêtes étranglées : à l’automne 2017, près d’Hyères dans le Var, 83 brebis ont été massacrées ; en février de cette année, toujours dans le Var, 43 brebis étranglées près du camp de Canjuers…

Pour les bovins nous disposons de moins de références mais, dans les Alpes, les attaques se multiplient. Deux exemples : ma fille et mon gendre, éleveurs près d’Albertville, ont ainsi perdu deux génisses. En 2014, dans la nuit, une meute a attaqué le troupeau de génisses parquées près de la cabane du berger d’un alpage collectif dans le massif du Beaufortain. La centaine de bêtes affolées s’est alors éparpillée dans la nature et plusieurs se sont tuées en tombant d’une barre rocheuse. Il a fallu dix jours de recherche pour regrouper les survivantes devenues ingérables. Pour cela, aucune indemnité n’est prévue : elles n’avaient fort heureusement aucune trace de morsure !

En janvier à Seyne-les-Alpes (04), un éleveur était alerté par le beuglement de ses vaches et intervient en fin de soirée dans un parc situé près de sa maison d’habitation ; armé d’un fusil, il s’est retrouvé encerclé par plusieurs loups à moins de 20 mètres, il les a mis en fuite en tirant en l’air. Que se serait-il passé s’il était venu sans fusil ?

Dans les zones allaitantes, les bovins d’un an et les veaux de l’année tout comme les vaches en fin de gestation constituent des proies vulnérables. Une meute de loups cherche alors à détacher une bête d’un troupeau d’adultes pour l’isoler et l’attaquer ensuite, les clôtures en place aujourd’hui ne les arrêtent pas.

Que faire pour le moment ?

La menace reste latente avec des attaques avérées dans la Loire et des signalements dans le Morvan côté Nièvre. Compte tenu de l’expérience alpine, des attaques isolées de loup en migration peuvent se produire sans trop de conséquences. On peut espérer un répit de trois à cinq ans après les premiers signalements, avant que des meutes consistantes ne s’installent et causent de sérieux dégâts.

Ce serait donc maintenant le moment d’agir si la législation le permettait. La seule action envisageable légalement se situe dans l’information des éleveurs et celle d’un public qui ignore totalement la réalité du problème, ainsi que dans la contestation de la règlementation appliquée par les pouvoirs publics.

 

Le loup constitue un réel danger pour l'élevage de nos régions, comme le rappelle à juste titre Albert Masson

Apparu dans les Alpes-Maritimes dans les années 90, le loup a dès le début provoqué de vives controverses entre éleveurs et écologistes partisans de sa protection. Depuis, le prédateur a envahi tout l’Arc alpin, il colonise le Massif central et les Vosges et gagne de nouveaux territoires au fil du temps. Dans un bref tour d’horizon, nous allons essayer de comprendre cet animal, les conséquences actuelles de sa réintroduction, les risques qu’il représente pour l’élevage et les rares actions possibles pour minimiser ses dégâts.

Un animal social intelligent

Le loup vit le plus souvent en meute hiérarchisée de 5 à plus de 15 individus, un couple dominant assurant seul la reproduction avec des portées de 4 à 8 louveteaux par an au printemps.

Des animaux solitaires se déplacent toutefois entre les territoires des meutes avant de former de nouveaux couples lesquels s’établissent ailleurs pour lancer une nouvelle meute qui se constituera en deux ou trois ans. Les jeunes louveteaux allaités par leur mère reçoivent ensuite une alimentation dispensée par toute la meute qui dégurgite à leur intention la nourriture avalée. En fin d’e leur première année, ils chasseront avec les adultes. Entre deux et cinq ans, certains quitteront la meute pour vivre en solitaire ou former de nouvelles meutes. Un loup adulte consomme en moyenne 3,5 à 4 kg de viande par jour.

Doués d’un odorat et d’une audition très développés, d’une bonne vision nocturne et d’une mâchoire puissante, capables de s’organiser et se coordonner en équipe, les loups disposent d’une aptitude à chasser exceptionnelle. Entre hurlement, gémissements et aboiements, ils utilisent un langage efficace pour se rassembler, coordonner une attaque ou s’enfuir en cas de danger.

Rien d’étonnant dès lors à ce que les hommes le considèrent historiquement comme un adversaire redoutable, il a fallu les armes à feu pour en venir à bout à la fin du XIXe siècle. Entre le Moyen-Âge et le XXe siècle, des historiens sérieux estiment à plus de 150.000 les victimes humaines du loup en France.

Un déni de vérité

A partir des années 90, le loup réapparait dans les Alpes-Maritimes. Selon les dernières analyses génétiques effectuées par un laboratoire allemand à la demande des éleveurs, une partie de ces animaux seraient des hybrides de chiens errants formés pendant la guerre dans le sud de l’Italie. Ce que dément l’ONCFS (Office national de la Chasse et de la Faune sauvage) qui se refuse à publier ses propres analyses génétiques.

Depuis la réintroduction du loup, la production ovine subit un recul de -40 % sur l’ensemble de l’Arc alpin. Sans doute d’autres causes interviennent-elles, mais présenter le loup innocent de ce recul constitue un déni de vérité.

Dans le Massif central, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Lozère et l’Aveyron subissent depuis peu des attaques et des loups sont signalés dans l’ensemble du Massif, situation identique dans les Vosges avec identification de loups originaires des Carpates.

Le chiffre d’animaux officiellement victimes des loups est passé de 2.650 en 2005 à11.700 en 2017, mais les pertes réelles dépassent largement ce chiffre avec des animaux perdus ou tués par accident suite à une attaque de troupeau. L’effectif de prédateurs est estimé par l’ONCFS à 360 en 2017 ; il se situerait plutôt entre 1.200 et 1.800 d’après les organisations d’élevage (Même José Bové évoque une population supérieure à mille individus). Et cet effectif progresse d’environ +10 % par an…

L’absence de discernement…

La convention de Berne signée en 1979 et appliqué en France depuis 1982 protège 28.074 espèces animales et végétales considérées comme menacées, dont le loup fait partie alors qu’aucune menace d’extinction ne pèse sur cette espèce. Dès lors, la destruction de cette espèce est considérée comme un délit et entraîne des sanctions.

Actuellement, l’administration française applique avec rigueur cette convention, les pays voisins dont la Suisse l’interprètent avec plus de discernement. Contrairement à ce que prétendent certains écologistes, nos voisins italiens connaissent les mêmes difficultés de coexistence avec le loup.

Les agents de l’ONCFS surveillent et protègent les portées de loups dans les zones où sa présence est confirmée, l’abattage d’un loup entraîne des sanctions sévères.

L’Etat français indemnise les éleveurs pour les animaux tués par le loup après constat par un agent de l’ONCF. Les indemnités par tête restent correctes, mais aucun dédommagement n’intervient pour les animaux blessés, stressés ou perdus ni d’ailleurs pour les pertes d’exploitation qui en résultent.

Le nouveau Plan loup prévoit des aides substantielles pour subventionner les dispositifs de protection. Par contre, plus aucune indemnité ne leur sera versée s’ils n’adoptent pas ces dispositifs pourtant difficiles à mettre en place et d’une efficacité discutée. Dans les régions bocagères pour les élevages de vaches allaitantes, on ne voit pas quelles dispositions pourraient s’appliquer ?

Les moyens de protection

Les écologistes soucieux de prouver la coexistence possible de l’élevage et du loups préconisent depuis les années 90 plusieurs solutions.

Les chiens "Patous" et "Abruzzes" élevés au sein d’une troupe ovine défendent celle-ci contre les attaques, mais ils s’en prennent parfois aux promeneurs et à leurs chiens. S’ils font face aux attaques isolées, ils ne peuvent contenir une meute menant une attaque coordonnée qui les attire loin du troupeau avant d’agir. D’autre part, ces animaux coûteux à l’achat et à l’entretien restent en charge toute l’année. Un seul Patou ne constitue pas une garantie, il en faut au moins deux pour 150 à 200 moutons.

Le regroupement des brebis en parc pour la nuit peut fonctionner, mais les loups sautent au-dessus des filets électrifiés classiques et il faut opter pour des filets de 1,80 mètres ; ils cherchent aussi à affoler les moutons qui finissent par se jeter sur la clôture et l’arrachent ou même creuser des trous sous le filet. Le double filet de 1,80 mètres avec des "patous" entre les deux semblerait efficace, sinon il faudrait un grillage de 2 mètres enterré sur 30 centimètres. D’autre part, en été, les ruminants profitent de la fraîcheur pour brouter et le parcage nocturne se traduit par une perte de productivité. Pour les bovins, nous ne disposons d’aucune solution crédible.

Le déroulé des attaques

Les loups isolés se contentent souvent d’une ou deux victimes, un moindre dommage. Par contre, les meutes établies constituent un véritable fléau pour le voisinage. Les troupeaux attaqués subissent de nouvelles attaques. Les protections nocturnes entraînent de plus en plus des attaques diurnes faisant moins de victimes.

Pour les ovins et caprins, les loups peuvent faire un véritable carnage car ils tuent pour tuer et pour deux animaux effectivement consommés on peut retrouver 10, 15, 20 ou même davantage de bêtes étranglées : à l’automne 2017, près d’Hyères dans le Var, 83 brebis ont été massacrées ; en février de cette année, toujours dans le Var, 43 brebis étranglées près du camp de Canjuers…

Pour les bovins nous disposons de moins de références mais, dans les Alpes, les attaques se multiplient. Deux exemples : ma fille et mon gendre, éleveurs près d’Albertville, ont ainsi perdu deux génisses. En 2014, dans la nuit, une meute a attaqué le troupeau de génisses parquées près de la cabane du berger d’un alpage collectif dans le massif du Beaufortain. La centaine de bêtes affolées s’est alors éparpillée dans la nature et plusieurs se sont tuées en tombant d’une barre rocheuse. Il a fallu dix jours de recherche pour regrouper les survivantes devenues ingérables. Pour cela, aucune indemnité n’est prévue : elles n’avaient fort heureusement aucune trace de morsure !

En janvier à Seyne-les-Alpes (04), un éleveur était alerté par le beuglement de ses vaches et intervient en fin de soirée dans un parc situé près de sa maison d’habitation ; armé d’un fusil, il s’est retrouvé encerclé par plusieurs loups à moins de 20 mètres, il les a mis en fuite en tirant en l’air. Que se serait-il passé s’il était venu sans fusil ?

Dans les zones allaitantes, les bovins d’un an et les veaux de l’année tout comme les vaches en fin de gestation constituent des proies vulnérables. Une meute de loups cherche alors à détacher une bête d’un troupeau d’adultes pour l’isoler et l’attaquer ensuite, les clôtures en place aujourd’hui ne les arrêtent pas.

Que faire pour le moment ?

La menace reste latente avec des attaques avérées dans la Loire et des signalements dans le Morvan côté Nièvre. Compte tenu de l’expérience alpine, des attaques isolées de loup en migration peuvent se produire sans trop de conséquences. On peut espérer un répit de trois à cinq ans après les premiers signalements, avant que des meutes consistantes ne s’installent et causent de sérieux dégâts.

Ce serait donc maintenant le moment d’agir si la législation le permettait. La seule action envisageable légalement se situe dans l’information des éleveurs et celle d’un public qui ignore totalement la réalité du problème, ainsi que dans la contestation de la règlementation appliquée par les pouvoirs publics.