Vinifications des cépages blancs
Favoriser l'extraction de jus de qualité

Publié par Cédric Michelin
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Pour les chardonnay - présentant des baies petites et séparées - et le cépage aligoté, le Vinipôle Sud Bourgogne conseille de respecter quatre points clés : éviter la sur-maturation des vins blancs secs ; extraire le maximum de jus de qualité ; Maîtriser avec toujours plus de rigueur la cinétique de la fermentation alcoolique et bien gérer le bilan acidimétrique des vins blancs.
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Peuvent être considérés comme sur-maturés en Saône-et-Loire, des raisins présentant des teneurs en sucres supérieures ou égales à 225 g/l. Ce qui généralement, en fonction des terroirs, entraine soit des pertes de volumes par concentrations, soit des vins riches en alcool et peu acides, quelquefois déséquilibrés, soit des vins qui peuvent évoluer trop vite, soit des risques d’arrêt de fermentation alcoolique plus importants (F.M.L sur sucres) avec des difficultés de reprise proportionnelles au niveau de sur-maturité.
Il est donc conseillé de compléter les études de maturité par une estimation des volumes d’extraction et par une mesure des pH et de l’acide malique. Et ce, afin d'anticiper la vitesse de progression de la maturation via ces contrôles - plus nombreux - à la propriété. Car attention à l’effet amplificateur des jours longs et ensoleillés sur le déroulement de la maturation, met en garde Patrice Joseph. Et évidemment, attention aux phénomènes météo pouvant amplifier cette vitesse : vent chaud avec concentration des moûts.
Au final, le Vinipôle Sud Bourgogne conseille aux vignerons de rechercher, pour les sucres des moûts, une moyenne comprise entre 205 et 215 g/l. A moduler en fonction des rendements en alcool observés les années passées et des plannings de récolte. Egalement, ne pas hésiter à réserver plutôt les moûts les plus sucrés et les plus acides pour les vinifications en pièces.


Extraire le maximum de jus de qualité



Après un été chaud et sec, les baies de chardonnay sont petites et séparées. Il faut donc chercher à extraire le maximum de jus de qualité. Mais là encore, attention à l'état de la vendange. Les rendements en jus risquent d'être plus faibles avec surtout un poids relatif des rafles plus élevé. Ce qui malheureusement augmente les risques de trituration et de goûts végétaux.
Une solution autre peut consister à favoriser l’extraction des jus par enzymage de la vendange pendant le pressurage. Ce dernier procédé permet de réduire la viscosité de la vendange, d'extraire un maximum de jus à basses pressions, de limiter les triturations (donc les fameuses nuances herbacées) et d'espérer augmenter le volume final de l'ordre de 5 à 6 %. En pratique, il faut donc choisir des pectinases (purifiées FCE). Il faut ensuite diluer ces enzymes dans du moût pour une répartition homogène dans la masse de la vendange et ensuite essayer - si possible - d’augmenter le temps de contact enzymes/baies de raisins. L'idéal est d'approcher les deux heures de contact sur vendanges saines. Les doses sont à moduler évidemment - entre 3 à 5 grammes pour 100 kg de vendanges - en fonction du niveau de maturité, de la température de la vendange, et du rendement en jus des premières pressurées.
Quels sont les effets indirects produits ? Ils sont nombreux. Côté positif, on observera en premier lieu un meilleur tassement des bourbes. Le volume de bourbes à filtrer sur filtre presse sera plus faible. On observera aussi une meilleure précision du débourbage et de la gestion de la turbidité. L'intensité du pressurage diminuera et permettra ainsi un gain de temps et d'énergie. Enfin, dernier point positif, la filtrabilité des vins après fermentations alcooliques et malolactiques s'en trouvera améliorée. Mais des points négatifs sont à surveiller dans le même temps. Avec cette macération plus importante, il existe un risque de population bactérienne initiale plus élevée, surtout si le pH est élevé. Il faut donc bien veiller à le moduler en jouant sur la température de récolte, le tartricage et/ou par le sulfitage des moûts. Il peut advenir aussi des démarrages de fermentation alcoolique spontanée, si la récolte s'est faite par temps chaud alors que la capacité de refroidissement de l’exploitation est limitée (assurer une bonne hygiène des cuves de débourbage).

Maîtriser la cinétique de la fermentation alcoolique



Il est en effet primordial de maîtriser avec toujours plus de rigueur la cinétique de la fermentation alcoolique. Pour mémoire, les facteurs de croissance des levures sont principalement les compléments azotés à rajouter en fonction des niveaux d’azote assimilable des moûts, les compléments de réhydratation pour les L.S.A et les acides gras apportés par les bourbes fines (gestion des niveaux de turbidité des moûts).
La survie des levures dépend ensuite de l’oxygène apporté en début et en fin de fermentation (micro-oxygénation), des détoxifiants (écorces de levures) et des stérols exogènes (levures inactivées).
Alors, comment bien choisir ses levures ? Cette année, en raison de l'état sanitaire exceptionnellement sain, le Vinipôle Sud Bourgogne mettait en avant les levures indigènes. Ces dernières permettent des fermentations spontanées avec une hétérogénéité génétique - valorisant la biodiversité des parcelles saines - qui est propre au domaine. Ces levures indigènes peuvent également être utilisées pour des fermentations spontanées avec l'utilisation de pieds de cuve fabriqués à la propriété (plusieurs techniques possibles). Dans les deux cas, gare toutefois à ne jamais négliger le sulfitage des moûts qui élimine les levures indigènes de mauvaise qualité. Car sans sulfitage, en cas de démarrage spontané de la fermentation alcoolique, il existe des risques de mauvais goûts. Mieux vaut donc éviter les réensemencements cuve à cuve (risques de propagation de mauvaises souches) ; laisser chaque cuve pleine démarrer isolément ; détartrer et désinfecter les cuves ayant présenté une acidité volatile supérieure à la normale en 2014. Et ne pas oublier que combinés : sulfitage du moût + turbidité faible + levures indigènes + teneur en sucres élevée = acidité volatile supérieure à la normale. Il faut donc bien gérer les acidités volatiles de l’ensemble des récipients vinaires.
Bien connues, les Levures Sèches Actives (LSA) apportent encore leurs cortèges d’innovations. L'offre commerciale importante permet de choisir les levures en fonction des résultats des récoltes précédentes et en fonction des spécificités de l’année (faible besoin en azote, production d’acidité volatile faible, résistance à l’éthanol..). Nouveauté : des préparations communes ou séparées de deux levures différentes existent maintenant avec toujours une reproduction sécurisée des fermentations spontanées permises par les L.S.A.


9 clés pour bien gérer l'acidimétrie



Le Vinipôle Sud Bourgogne invite également les vignerons à chercher à bien gérer le bilan acidimétrique de leurs vins blancs.





- Apporter plus d’attention à l’évolution des acidités au cours de la maturation (en particulier les parcelles tardives),





- Éventuellement pressurer sélectivement pour rechercher des pH de moûts compris entre 3.18 et 3.23 en séparant les fins de presses ( il est toujours possible de réaliser un assemblage en fonction du volume de production autorisé),





- Ne pas négliger les tartricages sur moûts (en fonction de la réglementation). Moduler les apports d’acide tartrique pour avoir un pH compris entre 3.20 et 3.25 après fermentation alcoolique,





- Bloquer éventuellement la F.M.L sur une cuvée pour assemblage éventuel (après dégustation précise).





- Vinifier pour favoriser la fraîcheur et l’aptitude à la garde.





- Maîtriser le débourbage pour pouvoir affiner l’expression aromatique (corrélation positive entre moût de turbidité < 100 NTU et finesse aromatique).





- Ralentir les fermentations alcooliques en jouant sur les températures de fermentations.





- Conserver plus de fraîcheur et de fruit en utilisant éventuellement des bactéries lactiques sélectionnées qui limitent la synthèse de diacétyl.





- Favoriser la garde des vins à basses températures et sur lies fines (d’autant plus facilement que le moût d’origine a été fortement débourbé).