Élections régionales
L’agriculture biologique à l’épreuve des programmes

Les réseaux Bio Bourgogne et Interbio Franche-Comté ont rencontré les représentants des listes en course pour les élections régionales des 20 et 27 juin. Alors que le secteur exprime sa déception vis-à-vis des arbitrages liés à la future Politique agricole commune (Pac), les approches des candidats étaient très attendues. 

L’agriculture biologique à l’épreuve des programmes
À Saint-Jean-de-Losne, en Côte-d’Or, les représentants des listes engagées dans la campagne des élections régionales (à l’exception du Rassemblement national) ont livré leur vision de la place du bio dans l’agriculture régionale.

Au lendemain d’une mobilisation parisienne (#labioapoil) destinée à exprimer leur mécontentement face aux arbitrages de la future Politique agricole commune (Pac) qu’ils estiment défavorables (voir encadré), les agriculteurs bio de Bourgogne Franche-Comté (BFC) fédérés au sein des réseaux Bio Bourgogne et Interbio Franche-Comté, s’étaient donnés rendez-vous à Saint-Jean-de-Losne. La petite ville de Côte-d’Or servait de cadre, le 3 juin, à une réunion dont l’objectif était de connaître la position des différentes listes impliquées dans la campagne des élections régionales des 20 et 27 juin sur l’agriculture biologique. Chacune avait envoyé un représentant, à l’exception du Rassemblement national. « Il est important pour nous de voir comment nous pourrons collaborer avec la future majorité régionale, quelle qu’elle soit, et de poser des jalons pour l’avenir », affirmait en préambule Philippe Camburet, agriculteur de l’Yonne et nouveau président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). 

Un tournant ?

Ces élections et les négociations de la Pac interviennent dans un contexte où l’agriculture bio semble être parvenue à un tournant. Elle a cessé d’être marginale (215.000 ha en BFC), a changé d’échelle et cette mutation génère, en son sein, des débats et des divergences de vues, quant aux pistes à emprunter pour l’avenir. Philippe Camburet rappelait que la Fnab prône la différenciation « parce que toutes les bio ne se ressemblent pas ». C’est donc dans ce cadre qu’étaient attendus les différents points de vue des représentants des listes. Le soutien à l’agriculture bio est partagé par les candidats présents, mais la représentante de la liste République en marche, Sarah Hassan (Saône-et-Loire), rappelait que « si le bio est un moteur, il faut garder en tête la diversité des modes de production. Le bio porte un projet de société en lien avec les enjeux de la transition agro-écologique, mais nous constatons aussi qu’il y a des agriculteurs qui ne trouvent pas leur compte dans le bio. Nous voulons être là pour tous. À la Région, nous voulons disposer des outils qui permettront la mutation des agriculteurs et nous aiderons à la structuration et à la commercialisation du bio ». Du côté de la liste Le Temps des Cerises, représentée par Juliette Guespin, par ailleurs conseillère à la chambre d’agriculture de Haute-Saône, on situe les ambitions sur un projet sociétal très marqué : lutte contre l’agrandissement des fermes, contre la spécialisation des territoires, accompagnement financier des repreneurs. « Nous prônons un arc social et écologique en BFC », soulignait la jeune femme qui poursuivait : « nous voulons prolonger les aides à la conversion bio sur cinq ans et remettre en place les aides au maintien ». 

Rétablir des aides au maintien

Des aides qui, comme le rappelait Stéphane Woynaroski (Côte-d’Or) représentant l’équipe sortante de Marie-Guite Dufay, « n’ont pas été supprimées par nous au départ, mais par l’État qui s’est désengagé en 2017 ! Nous souhaitons rouvrir l’aide au maintien sur la période de transition entre les deux Pac, de 2021 à 2023 ». La liste PS sortante propose également l’instauration d’un « Pass conversion biologique ». « Nous ambitionnons, ajoutait Stéphane Woynaroski, 50 % de produits bio dans les cantines des lycées, mais le problème réside dans le fait que les gestionnaires de ces cantines dépendent de l’Éducation nationale, et pas de la Région... ». Pour sa part, Daniel Prieur (Doubs), représentant Gilles Platret (LR), faisait le constat de la place prise par le bio depuis cinq ans : « en BFC, ce type d’agriculture est une véritable solution pour les gens qui ont des terres au potentiel relativement limité. Nous pensons qu’il faut s’appuyer sur les Projets alimentaires territoriaux (PAT) pour aller plus loin. La Région n’est pas là pour dire ce que l’on doit faire, mais pour faciliter des micro-projets territoriaux. Si nous sommes élus, nous créerons un parlement de l’agriculture où tout le monde aura sa place afin de définir des orientations ». Selon Pascal Blain (Jura-liste Écologistes et Solidaires) le but est d’aller vers l’autonomie alimentaire de la Région et pour cela, « la politique des petits pas sur le bio est hors de propos. La conversion au bio est une priorité, une urgence et nous voulons aussi inverser la tendance de l’agrandissement ». Une volonté d’autonomie qui, selon Philippe Camburet, pourrait se heurter au manque d’outils de transformation régionaux, notamment les abattoirs. Juliette Guespin avançait également l’idée d’une prise en charge, par la Région, du surcoût à l’achat de produits bio, afin de permettre un accès le plus large possible des consommateurs. Face à toutes ses pistes, Laure Beauffigeau-Darphin, agricultrice bio en Côte-d’Or, rappelait une chose : le bio, ce n’est pas du conventionnel auquel on se serait contenté de retirer tout produit chimique. C’est d’abord une approche systémique de l’agriculture. Le rappel d’une complexité qui doit s’appuyer sur des choix politiques, mais qui ne peut pas être développée de manière simpliste. 

Berty Robert

Des arbitrages justifiés

Brice Guyau, vice-président de la commission bio de la FNSEA, revient, dans une tribune, sur les arbitrages de la Pac qui, de son point de vue, ne sont pas en défaveur de l’agriculture biologique :

La répartition du budget de la Pac est un sujet complexe : elle prend en compte l’ensemble des situations, en bio et en conventionnel. L’arbitrage est une question d’équilibre, pour accompagner l’activité de tous les agriculteurs français, il ne doit pas défavoriser certains au profit d’autres (...). Depuis plusieurs semaines, les arbitrages de la Pac (…) s’accompagnent de vives réactions sur la question du financement de l’accompagnement de l’agriculture biologique (…). Rappelons que le budget annuel Feader dédié à l’agriculture biologique passe de 250 millions d’euros sur la programmation en cours à 340 millions d’euros dans la prochaine programmation, et ceci sans prendre en compte le budget des éco-régimes dont bénéficieront les agriculteurs bio de manière automatique. Cela représente une hausse de 36 %, pour un budget total de 1,7 milliards d’euros. Cette hausse vise à accompagner un nombre plus important de conversions (...). Pointons également que le financement actuel a entraîné une grande hétérogénéité des soutiens au travers de l’aide au maintien et est à l’origine de distorsions entre régions. Dans la programmation en cours, les agriculteurs bio peuvent bénéficier d’une aide au maintien dans le cadre du second pilier, sous réserve de financement par leur région. La plupart des régions ont fermé l’aide au maintien à partir de 2017 ou mis en place un plafond (...). La nouvelle architecture environnementale et le passage à un éco-régime accessible à l’ensemble des agriculteurs bio ne devraient pas entraîner de variations conséquentes des soutiens. Les agriculteurs bio, du fait du respect d’exigences environnementales, devraient être directement éligibles à l’éco-régime et donc accéder à l’ensemble des aides du premier pilier. Cependant, l’interdiction de double financement dans le règlement financier européen ne permet pas de financer pour le même engagement des actions par des voies différentes : la certification biologique donnant l’accès à l’éco-régime de niveau supérieur, du fait du respect du cahier des charges et ce, dès la première année de conversion, le simple fait de respecter ce cahier des charges ne permet pas d’ouvrir d’aide au maintien dans le cadre du second pilier. Pour pallier la perte de l’aide au maintien, les agriculteurs bio pourront bénéficier d’un crédit d’impôt dès lors qu’au moins 40 % de leur chiffre d’affaires provient de productions certifiées bio (...).Toutefois, il est légitime de se poser la question d’une aide complémentaire dans le second pilier de type reconnaissance des externalités positives de l’agriculture biologique. Des engagements MAEC supplémentaires ou des investissements peuvent être financés dans le second pilier en plus de l’éco-régime. Avec 8 % de surfaces (...), l’agriculture biologique a réussi son essor et a rencontré son marché. Il faut veiller à maintenir cette valorisation en ayant aussi une approche économique. Le prix payé au producteur doit permettre de prendre le relai pour couvrir les charges après les cinq années de soutien à la conversion.