BOEING-AIRBUS
« Il faut arrêter cette escalade sur un conflit qui n’est pas le nôtre »

Le 30 décembre, les États-Unis ont annoncé une hausse de 25 % des droits de douane sur des produits agricoles et agroalimentaires européens, notamment sur les vins non pétillants et les eaux de vie à base de raisin. Jérôme Despey secrétaire général de la FNSEA et président du Conseil spécialisé Vins et spiritueux de FranceAgriMer, revient sur la réunion d’urgence qui s’est tenue le 7 janvier avec quatre membres du gouvernement. 

Après l’annonce de l’administration Trump de surtaxer les vins et spiritueux français et allemands, vous avez pris contact immédiatement avec le Gouvernement ? 

Jérôme Despey : « Oui, nous n’avons pas tardé. Nous avons contacté le ministère de l’Agriculture et celui de l’Économie pour trouver une sortie de crise rapide, car cette situation est dramatique pour toute la filière des vins et des spiritueux qui est plusieurs fois pénalisée : elle souffre du manque de débouchés sur les marchés nationaux en raison de la fermeture des bars et restaurants en raison de la crise sanitaire ; en plus, elle est injustement taxée et surtaxée sur le dossier Boeing/Airbus. Enfin, les compensations que nous devions recevoir après la décision de l’OMC d’octobre dernier n’ont jamais reçu les réponses appropriées. Autant de raisons pour que nous rencontrions les membres du Gouvernement concernés par ce dossier. »

Comment s’est déroulée la réunion d’urgence du 7 janvier ?  

J.D. : « Cette réunion a rassemblé le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie ; le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire ; celui du Commerce extérieur et de l'Attractivité, Franck Riester et enfin celui des Petites et moyennes entreprises, Alain Griset. Pour ma part, je représentais la filière vins et spiritueux avec César Giron, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). Nous avons commencé par évaluer l’impact de l’ensemble des mesures américaines qui s’appliquent depuis le 12 janvier : la perte s’élève à un milliard d’euros. Ce chiffre est à comparer avec le chiffre d’affaires annuel des vins et spiritueux que la France a exporté en 2019 aux États-Unis : 1,2 milliard d’euros. La perte de parts de marché s’élève à plus de 83 % et celles-ci sont prises par d’autres concurrents. Un milliard d’euros de pertes équivaut également à rayer de la carte tout un vignoble comme celui de l’Occitanie ou les Côtes-de-Provence. »

Avez-vous tout le soutien du Gouvernement ?  

J.D. : « Oui nous l’avons et nous lui avons fait comprendre que la situation devient intenable. Il faut arrêter cette escalade sur un conflit qui n’est pas le nôtre. C’est celui de l’aéronautique. Je rappelle que notre filière, ce sont 500 000 emplois directs et indirects et qu’elle est le deuxième contributeur à la balance commerciale française. » 

Concrètement quel est votre plan d’actions ? 

J.D. : « Les ministres nous ont dit qu’ils allaient se rapprocher de Bruxelles pour engager des négociations diplomatiques pour travailler sur cette désescalade. Chacun sait que l’ouverture de cette négociation est conditionnée au départ du président américain actuel et à l’installation officielle de Joe Biden. Nous savons également qu’elles prendront du temps. Cependant le nouveau président semble être dans de meilleures dispositions vis-à-vis de l’Europe que son prédécesseur. Il l’a montré en déclarant revenir dans l’Accord de Paris sur le climat1. » 

Mais en attendant, quelles sont les mesures concrètes pour les viticulteurs ?  

J.D. : « Nous demandons à Bruxelles d’activer sans délai le fonds de compensation qui aurait dû voir le jour après l’application des mesures des États-Unis envers l’UE en octobre 2019. Bruno Le Maire a d’ailleurs jugé « inacceptable » cette inaction de Bruxelles. Nous allons également mettre en place un groupe de travail pour faire bénéficier les viticulteurs de l'indemnisation à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires mensuel, jusqu'à 200 000 euros, mise en place fin 2020 pour les entreprises affectées par la crise sanitaire. Ce groupe de travail va aussi plancher avec les banques et Bruxelles pour reporter d'un an le début du remboursement des Prêts garantis par l’État (PGE) accordés aux entreprises pénalisées par la pandémie. Il va aussi se pencher sur les mesures de stockage et étudier la manière de renforcer le soutien à l'export et à la compétitivité de la filière française. Des premières propositions devraient voir le jour assez rapidement, autour du 15 janvier. Maintenant, on veut des actes. »

Propos recueillis par Christophe Soulard

1. Les États-Unis ont quitté l’Accord de Paris le 4 novembre dernier.