Violences faites aux femmes
La ruralité n’est pas épargnée

La délégation aux droits des femmes du Sénat a décidé d’inscrire à son agenda de 2021 un rapport sur la situation des femmes dans les territoires ruraux. Pour l’enrichir, elle a organisé une table sur les violences faites aux femmes en milieu rural.

La ruralité n’est pas épargnée

Bien qu’il soit difficile d’établir des statistiques précises des violences faites aux femmes en milieu rural, nul ne conteste que le phénomène existe et « que les territoires ruraux ne sont pas suffisamment pris en compte », affirme la présidente de la Délégation, la sénatrice Annick Billon (Vendée). Le phénomène concerne toutes les catégories socioprofessionnelles mais l’environnement rural constitue une sorte de facteur aggravant, soulignent les différents intervenants. En effet, les victimes sont généralement dépendantes de leur conjoint : sur le plan financier, sur celui de la mobilité (souvent une seule voiture et peu de service public de transports). Elles connaissent également des difficultés d’accession à la propriété foncière et sont pénalisées par un « moindre accès aux services de santé et aux services de justice », mais aussi « par l’absence d’anonymat et de solutions d’hébergement », développe Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du Service des droits des femmes. « La moitié des féminicides ont lieu en milieu rural », précise-t-elle. Selon Nora Husson, de la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF), « l’isolement social et géographique touche 73,3 % des demandes formulées par ce public ».

Spécificité rurale

Reste qu’en milieu rural « la dénonciation des violences est complexe et les femmes sollicitent moins les dispositifs qui peuvent les soutenir dans leur démarche », constate Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). D’ailleurs, les femmes rurales ne représentent seulement que 26 % des appels au numéro d’écoute, le 3919, opérationnel depuis 1992. Il existe une spécificité rurale qui peut notamment « s’illustrer par l’interdiction de prendre la voiture ou le contrôle du kilométrage par le conjoint violent », remarque Hélène Furnon-Petrescu. « Le seul recours dont elles disposent est très souvent le 17 », témoigne le lieutenant-colonel Denis Mottier, adjoint au chef du bureau de la Sécurité publique à la Gendarmerie nationale, qui présente sept propositions (lire encadré). L’officier supérieur souligne également les limites, notamment en termes de temps d’intervention, de certains outils comme le téléphone grand danger (TGD) mis à la disposition des victimes de violences conjugales pour prévenir les féminicides.

La peur du qu’en-dira-t-on 

« Le moindre anonymat des campagnes pèse sur la libération de la parole » ainsi que « la persistance de réflexes sexistes dans un milieu resté patriarcal », renchérit Françoise Brié. « Le confinement a accentué les difficultés notamment pour les couples vivant encore ensemble », ajoute Nora Husson. Les victimes n’osent pas toujours ouvrir la porte des associations, par peur du qu’en-dira-t-on, aussi par peur des éventuelles représailles du conjoint violent. C’est pourquoi certaines d’entre elles forment des bénévoles en mesure de détecter les femmes en détresse et leur livrer des conseils pour qu’elles se sortent de leur silence.

Sept propositions pour accompagner les victimes 

Lors de son intervention devant la délégation sénatoriale, le lieutenant-colonel Denis Mottier a présenté sept propositions pour accompagner les victimes de violences conjugales en milieu rural, en plus des dispositifs qui existent déjà :

1)  Poursuivre le recrutement des intervenants sociaux en gendarmerie dans les territoires ruraux

2)  Doter tous les départements de Maison de confiance et de protection des familles

3)  Aider à la mobilité des victimes

4)  Développer l’accès aux services numériques notamment les services de téléassistance

5) Développer l’itinérance d’offre de sécurité par l’accès aux Maisons France service, par le déploiement de car ou bus d’information et de prévention mais aussi par le recueil des plaintes par les hôpitaux

6)  Densifier le réseau de partenariats entre les forces de sécurité et les associations

7) Mieux comprendre le territoire en créant des plateformes participatives et en mutualisant les statistiques policières et celles de la précarité et de l’emploi.