Petit gibier
La reproduction du lièvre en question

Marc Labille
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Présent un peu partout en Saône-et-Loire, le lièvre connait pourtant une baisse de reproduction depuis une quinzaine d’années. Une étude est menée pour quantifier le phénomène et mieux comprendre ses causes. 

La reproduction du lièvre en question
Chaque année, environ 2.500 lièvres sont prélevés par les chasseurs en Saône-et-Loire.

Le lièvre fait partie des espèces emblématiques de la faune cynégétique. Sur certains territoires de la Bresse, trois chasseurs sur quatre pratiquent la chasse au lièvre. L’espèce se plaît dans les zones de cultures et la Bresse, le Val de Saône et le Val de Loire sont les secteurs de Saône-et-Loire qui lui sont le plus favorable. On recense entre 19 et 24 lièvres pour 100 hectares en Val de Loire, fait valoir Anthony Morlet, technicien à la Fédération départementale des chasseurs (FDC 71). S’il est moins répandu dans le Charolais-Brionnais, le lièvre s’adapte, malgré tout, à tous les territoires du département où il est présent en plus ou moins grand nombre.

Au début des années 1980, les populations de lièvres ne se portaient pas bien, au point que les chasseurs avaient décidé des toutes premières mesures de gestion collective. Un plan de chasse était mis en place sur certaines communes à partir de 1988. Cet outil de gestion reposait sur des comptages annuels permettant de fixer des quotas de prélèvements pour la chasse tenant compte de l’évolution des populations. Par la suite, le plan de chasse est devenu un plan de gestion intégralement géré par la FDC 71.

Plan de gestion

Le département est divisé en 22 entités petit gibier ou EPG. Trois de ces EPG sont engagées en niveau 3 du plan de gestion : l’EPG 13 « Clunisois », l’EPG 20 « Centre Bresse » et l’EPG 15 « Vallée du Doubs ». Dans ces territoires, la chasse au lièvre est soumise à la date d’ouverture générale et aux mesures spécifiques du plan de gestion. À savoir que chaque année, les chasseurs de ces territoires doivent faire une demande auprès de la FDC 71 pour obtenir des dispositifs de marquage. Le nombre de dispositifs de marquage attribué détermine le nombre de lièvres à prélever sur chaque territoire. Ce quota est décidé en fonction du résultat des comptages et de l’avis des chasseurs.

Taux de reproduction en baisse

Cette méthode fine de gestion a porté ses fruits. Mais à partir de l’année 2007, on a observé une diminution des comptages lièvres dans beaucoup de secteurs du département. Les populations ont continué à bien se porter malgré tout, grâce aux efforts de gestion des chasseurs qui, avec ou sans plan de gestion, adaptent leurs prélèvements à la dynamique des populations. Mais un problème de reproduction et de survie des jeunes a été constaté en Saône-et-Loire comme dans d’autres départements. Cette prise de conscience a débouché sur la création en 2014 d’un réseau lièvre national avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Analyses des cristallins

Dans le cadre de ce réseau, une étude a été lancée en 2015 sur huit communes du Val de Loire (Digoin, Vitry-en-Charolais, Saint-Yan, Versaugues, Montceaux-l’Étoile, Vindecy, Varenne-Saint-Germain et l’Hôpital-le-Mercier), avec le concours des chasseurs. Ces derniers sont invités à déclarer leurs prélèvements de lièvres. Les comptages de populations alimentent aussi cette étude. Les chasseurs sont également sollicités pour récupérer les yeux des animaux prélevés à la chasse. En effet, l’analyse (pesée) des cristallins des lièvres permet de déterminer leur âge avec précision. Un levraut atteint le gabarit d’un individu adulte dès l’âge de deux mois et demi d’où la difficulté de différencier les jeunes des adultes. « Les premiers résultats de cette étude ont permis de confirmer une forte baisse du succès de la reproduction chez cette espèce, de l’ordre de 50 % comparativement aux années 1990. Aujourd’hui, ces travaux ont été étendus à d’autres secteurs du département dans le cadre de l’Éco-contribution * : Vallée du Doubs, Centre Bresse, Bresse jurassienne, plaine de Saône, Outre Loire, Clunisois et Vallée de la Grosne », énumère Anthony Morlet.

Une multitude de facteurs

Les causes de cette baisse de reproduction ne sont pas encore connues pour l’heure. Beaucoup de facteurs peuvent influencer la dynamique du lièvre sans que l’une puisse être confirmée. La prédation en fait partie, mais si les renards s’en prennent de temps en temps aux levrauts, on a déjà constaté qu’une population importante de renard n’était pas forcément incompatible avec une densité élevée de lièvres. Les conditions météo ont un impact significatif sur la reproduction, notamment l’humidité et les fortes crues printanières qui déciment les jeunes, informe Anthony Morlet. De nouvelles maladies sont aussi observées dans les populations de lièvres, signale le technicien.

Qualité de l’habitat…

La qualité de l’habitat et la capacité d’accueil qu’il recèle pour le lièvre sont un facteur important. Si le lièvre est à peu près présent partout, même dans les grandes plaines céréalières, les pratiques agricoles ont une influence déterminante sur sa population, rappelle Anthony Morlet. La reproduction du lièvre s’étale de février à octobre avec un pic en mai-juin-juillet qui tombe en pleine période de récolte fourragère. De plus en plus pratiquées par les éleveurs, les fauches printanières précoces ne sont pas sans conséquence sur la reproduction des lièvres, explique le technicien de la FDC 71. Comme les faons, les levrauts apeurés par un bruit de machine se tapissent dans la végétation et périssent au passage des engins. En Ille-et-Vilaine, une étude réalisée dans des parcelles de luzerne destinées à la déshydratation a révélé une mortalité allant jusqu’à vingt levrauts pour 100 hectares, fait valoir Anthony Morlet.

Adapter les pratiques agricoles

Des adaptations dans les pratiques peuvent permettre d’éviter ces dommages : diminuer la vitesse de fauche, éviter le travail de nuit, récolter en commençant par le centre de la parcelle pour finir par les bords, utiliser des barres d’effarouchement… Des aménagements parcellaires peuvent aussi contribuer à mieux préserver la faune sauvage tels que les couverts d’intercultures, les jachères environnement et faune sauvage… « Acteurs de leur territoire, les agriculteurs ont un rôle à jouer pour les populations de lièvre », conclut le technicien de la FDC 71.

*À l’initiative de la FNC, la loi chasse du 24 juillet 2019 a créé un fonds biodiversité dans le cadre du nouvel Office français de la biodiversité (OFB). Ce fonds est abondé par une éco-contribution des chasseurs et de l’État afin de financer des projets par les fédérations des chasseurs pour la protection de la biodiversité.