Biodiversité
Étude Fondapol : « Penser différemment les écosystèmes »

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) a publié le septième de volet de sa série consacrée aux agritechnologies et aux biotechnologies. Placée sous la direction scientifique de Catherine Regnault-Roger, professeur des universités émérite à l’université de Pau et des Pays de l'Adour (E2S), cette étude, réalisée par Christian Lévêque, tente de répondre à la question « Reconquérir la biodiversité, mais laquelle ? »

Étude Fondapol : « Penser différemment les écosystèmes »

Adoptée en 2016, la loi sur la biodiversité ne manque pas d’interroger. Au mois de septembre dernier, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dressait un bilan plutôt décevant de cette loi expliquant qu’elle était mal appliquée. Deux mois plus tard, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) se demandait si la biodiversité et l’alimentation avaient un avenir en commun, concluant sur la nécessité de répondre aux attentes de la société et de redonner une ambition aux agriculteurs. Dans sa longue note d’une trentaine de pages, Christian Lévêque, directeur de recherches émérite de l’Institut de recherches pour le développement (IRD) et président honoraire de l’Académie d’agriculture de France, se pose la question de la définition de cette biodiversité à défendre.

« Le futur ne sera jamais le passé » 

Pour lui, cette biodiversité est protéiforme et fluctue au gré du temps. Elle est « le produit d’une co-construction entre processus spontanés et aménagements qui se sont succédé au cours des siècles. Elle a changé en permanence sous l’effet des changements climatiques, de l’anthropisation des territoires et des nombreuses espèces introduites volontairement ou accidentellement », explique-t-il. Avec beaucoup de pédagogie, il explique cette « anthropisation très ancienne », citant l’exemple des agriculteurs venus du Croissant fertile apportant avec eux des espèces qu’ils cultivaient « mais aussi les espèces commensales ou les plantes messicoles ». L’agriculture elle-même a apporté sa pierre à l’édification de la biodiversité en valorisant des systèmes écologiques que l’on ne remet pas en cause : la Camargue, les Dombes, la Sologne, etc. « Le passé explique l’état présent mais le futur ne sera jamais le passé », avertit Christian Lévêque.

« Regarder la réalité en face » 

Poussant plus loin sa réflexion, il explique que l’équilibre de la nature est un « concept écologique équivoque ». Il reprend ainsi l’intervention de Michel Serres devant le Forum pour une agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement (Farre) en 2006 qui affirmait : « (…) la nature est toujours en évolution, donc toujours en déséquilibre. Sauver un équilibre est un concept politique, ce n’est pas un concept savant (…) ». Ce qui aboutit à l’affrontement de deux conceptions de l’organisation et du fonctionnement des écosystèmes : d’une part, une conception déterministe de la nature, qui privilégie un « ordre de la nature » et dont les tenants « appuient leurs discours sur une vision romantique de la nature » ; et d’autre part, une conception opportuniste dans lequel la nature s’adapte, sans projet précis. Puis le président honoraire demande de « regarder la réalité en face », notamment sur la question des espèces « nuisibles » qui ont été rebaptisées dans la loi de 2016 « animaux susceptibles d’occasionner des dégâts » et sur celle des espèces devenues invasives et qui, une fois installées ont du mal à être éradiquées. 

« Droit flexible et réactif »

Pour l’ancien directeur de recherches, la question de la protection de la biodiversité se pose différemment selon les régions du monde, lesquelles n’ont pas la même histoire climatique et évolutive et qui en sont à des degrés d’anthropisation très différents. Ainsi « que vont devenir nos bocages si nous mangeons moins de viande et si l’élevage périclite ? », s’inquiète-t-il ? Militant pour un droit de l’environnement « flexible et réactif », il ne s’agit pas, pour lui, de privilégier la nature au détriment de l’homme, « mais de travailler de façon à rendre compatibles usages et préservation des écosystèmes ». Une démarche adaptative et pragmatique en somme ! Ce document est disponible sur le site de la Fondapol : www.fondapol.org