Céréales
La filière s’engage dans la stratégie bas carbone

Par leurs pratiques culturales, les agriculteurs s’adaptent au réchauffement climatique. Ils sont même en mesure de contribuer à la lutte contre le changement climatique en lançant une démarche bas carbone qui leur permettra de mettre sur le marché des crédits carbone.

La filière s’engage dans la stratégie bas carbone

L’agriculteur peut atténuer les effets du changement climatique en favorisant le stockage du carbone dans le sol. Ce qui suppose augmenter la production de biomasse, certes par les cultures, mais aussi par la mise en place de couverts végétaux qui sont ensuite restitués au sol. Un hectare de blé produit 7,5 tonnes de grains et 7,5 tonnes de pailles et de racines, soit 20 tonnes de CO2 grâce à la photosynthèse, alors qu’il en émet environ 3 tonnes par les pratiques culturales (fertilisation, carburants…).

Ce sont ces contributions des agriculteurs que la profession céréalière souhaite valoriser en déposant un label carbone, actuellement à l’étude au ministère de l’Agriculture. Il s’agit d’une méthode pour quantifier le stockage du carbone par les agriculteurs. Selon leur bilan carbone, ils pourront émettre des crédits carbone qui seront ensuite rachetés par entreprises excessivement émettrices.

Stockage à froid

Cet engagement vers une économie bas carbone est relayé par l’interprofession céréalière, Intercéréales, qui vient de créer un comité « Responsabilité sociale et environnementale » pour développer des solutions bas carbone et d’économie des ressources. À commencer par l’eau pour laquelle la filière malt a mis en place un processus de réutilisation qui aboutit à une économie de 30 % par exemple, ou une moindre utilisation de la chimie pour lutter contre le parasitisme dans les silos de céréales. Ainsi un nouveau processus de stockage à froid permet d’éliminer larves et parasites. Des pistes de travail sont également lancées pour réduire les emballages qui sont produits avec du carbone fossile. Autre point sur lequel, la filière focalise ses efforts : la logistique responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre (GES). La filière souhaite développer le transport fluvial et ferroviaire, quand on sait qu’un train remplace 40 camions ! « Nous devons changer de modèle et démontrer que les productions agricoles et alimentaires peuvent s’inscrire dans une économie décarbonée pour produire en quantité et en qualité », plaide Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales.

Réchauffement climatique : un constat sans ambiguïté

« 2020 a été l’année la plus chaude depuis 150 ans à l’échelle planétaire, les dix dernières années sont également les plus chaudes », a déclaré Jean Jouzel, climatologue, ancien membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Autrement dit l’élévation des températures est une réalité en raison du changement de la composition de l’atmosphère, lié à l’augmentation de la concentration des GES. En équivalent CO2, « les émissions ont doublé en 50 ans, entre 1970 et 2019 », précise le climatologue. Ce réchauffement de la planète, on l’observe surtout dans les océans par une élévation du niveau des mers de 3 à 4 millimètres par an provoqué par la dilatation des eaux et la fonte des glaces. Mais on le constate aussi en agriculture à l’échelle planétaire. Le changement climatique qui s’accompagne aussi d’une modification des précipitations a un impact sur les rendements. « La tendance est à la diminution et les pertes sont plus importantes que les gains », estime Jean Jouzel, même si certaines régions peuvent enregistrer une amélioration de la production et une extension des cultures comme la Sibérie.

Le constat du climatologue partagé par la plupart des scientifiques est sans appel : l’élévation de la concentration en CO2 est liée aux activités humaines.  Ce qui veut dire que les hommes détiennent les solutions pour la combattre. En sachant, que cette mobilisation concerne les années 2050 et au-delà car pour ce qui est des années qui viennent « c’est jouer, avec un réchauffement attendu d’au moins 1 degré », en raison de l’accumulation des GES. Par contre, si rien n’est fait, l’élévation des températures pourrait atteindre 4 à 5 degrés à la fin du siècle, avertit Jean Jouzel.

Selon Stéphane Jézéquel, directeur d’Arvalis, la production céréalière française subit depuis une trentaine d’années les effets du changement climatique. Après une augmentation continue des rendements entre 1960 et 1990, une rupture est apparue au milieu des années 90. Il l’attribue à l’apparition d’aléas de plus en plus fréquents, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses, de vagues de chaleur ou de gels que le progrès génétique ne parvient plus à compenser. Les rendements stagnent en moyenne, mais ils sont aussi beaucoup plus variables, comme ceux de 2016 qui se sont révélés catastrophiques en raison d’excès de précipitations qui ont favorisé le développement des maladies. Les années suivantes n’ont guère été plus favorables, sécheresse en 2017 et en 2018 en automne, vague de chaleur en juin 2019, inondations en 2020 qui ont retardé les semis. « Bref, il ne se passe pas une année sans aléa climatique impactant », observe le directeur d’Arvalis.

Autre conséquence du réchauffement climatique, la remontée vers le nord de certaines céréales. Comme celle du blé dur dont l’aire de production était circonscrite au sud et qui s’étend désormais dans le Centre et en Poitou-Charentes, ou le sorgho essentiellement implanté dans le sud-ouest et que l’on retrouve maintenant dans des zones plus septentrionales.

Recherche variétale
Les céréaliers n’ont pas attendu pour s’adapter à ce nouveau paradigme. D’abord en investissant dans la recherche variétale, en privilégiant désormais la résistance aux différents aléas qu’il s’agisse de la sécheresse et des inondations par exemple. Tout en sachant qu’il faut dix ans pour mettre au point une nouvelle variété et que les recherches qui sont lancées aujourd’hui seront la réponse au climat qu’il fera dans 20 ou 30 ans. Autre piste, le développement des outils d’aide à la décision pour que l’agriculteur adapte ses choix au profit climatique de l’année ou du moment en matière de fertilisation, d’irrigation ou de prévention des maladies… Ce qui n’exclut pas d’aller plus loin en revoyant le système de culture, l’introduction de légumineuses, un moindre travail du sol, pour s’inscrire dans un système plus résilient économiquement et agronomiquement. Mais avertit Stéphane Jezéquel, « ces solutions ne sont pas universelles, elles sont à mettre en œuvre en fonction des conditions régionales et selon les différents terroirs ».