Photovoltaïque sur bâtiments agricoles
Le photovoltaïque dans les starting-blocks

Même s'il est, lui aussi, confronté à la problématique de la hausse des matières premières, le photovoltaïque sur bâtiments agricoles fait partie des secteurs qui devraient profiter à plein du redémarrage économique, à la sortie de la crise sanitaire. Mais les professionnels et leurs clients attendent depuis un an et demi la sortie d'un décret donnant plus de souplesse aux projets de ce type...

Le photovoltaïque dans les starting-blocks
Les acteurs du photovoltaïque sur bâtiments agricoles doivent composer avec des hausses de matières premières qui, néanmoins, ne remettent pas en cause l'engouement de leurs clients pour ces dispositifs. (crédit Clef Energies)

Selon Bruce Febvret, le fondateur et dirigeant d'O'Sitoit, entreprise dont le siège se situe à Aiserey, en Côte-d'Or, les volumes d'installations photovoltaïques en toitures de bâtiments devraient être multipliés par quatre, par rapport à ce qu'ils sont actuellement en France, pour que notre pays atteignent les objectifs qu'il s'est fixé, en termes d'énergies renouvelables. Un écart important qui n'a besoin que d'une décision pour commencer à être comblé : la parution du décret concrétisant la décision du gouvernement de repousser la limite de dépôt d'un appel d'offres pour une installation photovoltaïque en toiture de 100 Kilowatts crête (kWc) actuellement, à 500 kWc. Une décision qui avait été officialisée au Salon de l'Agriculture en... février 2020. Depuis, son décret d'application se fait attendre. Il pourrait être signé cet été... ou pas. Une incertitude qui pèse, autant pour les professionnels de ce type d'installation que pour leurs clients, porteurs de nombreux projets. Le secteur est dans les startings-blocks. « Tout le monde est demandeur, poursuit Bruce Febvret, il faut juste que l'État signe le décret qu'on nous fait miroiter depuis des mois... On a une filière agricole dynamique, demandeuse de solutions, et qui représente 60 % de notre activité alors il faut y aller ! » 

Un verrou qui saute


Sans attendre ce décret, son entreprise, qui intervient dans le photovoltaïque sur de grandes toitures (bâtiments industriels, bâtiments tertiaires, grandes surfaces commerciales et bâtiments agricoles) et emploie une vingtaine de personnes a toutefois pu réaliser des projets de plus de 100 kWc grâce aux appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (Cre). « Cela nous a permis d'amener des solutions concrètes à des clients qui avaient des besoins de surfaces plus importants ». Globalement, O'siToit pose entre 50.000 et 60.000 m2 de panneaux photovoltaïques chaque année sur le centre-est de la France. L'activité, elle est aussi très soutenue du côté de Clef Energies, notamment en raison du maintien du niveau du taux de réfaction sur les coûts de raccordement au réseau qui a été maintenu à 40 % (taux de prise en charge du coût de ce raccordement). Mais là aussi, comme le confirme Bastien Ménage, responsable d'agence au sein de l'entreprise dijonnaise, le relèvement du plafond de 100 à 500 kWc, c'est un verrou phénoménal qui devrait sauter et « booster » considérablement le marché du photovoltaïque sur bâtiments agricoles... « C'est une énorme croissance du secteur qui s'annonce, prédit-il. Rien que sur la Côte-d'Or, nous avons une quarantaine de projets en lien avec cette évolution ». En un an, Clef Energies est passé de 18 à 35 salariés, preuve de la montée en puissance des chantiers, avant même l'évolution législative tant attendue. L'ambiance d'attente du coup de pistolet donnant le départ de la course, on la trouve aussi chez un troisième acteur important du secteur, toujours en Côte-d'Or, chez Crai Energies, à Semur-en-Auxois. « De manière plus générale, explique son gérant, Benoît Chaudron, le marché est très porteur. Le déplafonnement du 100 kWc va pousser l'activité de manière très importante. Nous avons déjà fait plusieurs chiffrages de projets dans ce cadre. Les gens n'attendent plus que la sortie des décrets ». Cette entreprise, fondée en 2010, est complémentaire du constructeur de bâtiments Crai et elle recrute actuellement pour accompagner sa montée en puissance sur les installations photovoltaïques. 

D'énormes progrès technologiques


Le contexte est d'autant plus favorable qu'il s'accompagne de progrès importants dans la technologie des panneaux. Les panneaux photovoltaïques ont vu leur rendement progresser de manière très conséquente, ce qui a un impact sur les surfaces de toits de bâtiments agricoles : « Il y a dix ans, poursuit Benoît Chaudron, il fallait 1.000 m2 pour une puissance de 100 kWc. Aujourd'hui, il en faut moitié moins. Le rendement surfacique des panneaux a été quasiment doublé. Il y a une dizaine d'années, nous posions des panneaux en 175 Wc. Aujourd'hui, ces panneaux font 400 Wc ». L'évolution de la législation avec la suppression du plafond à 100 kWc correspond, selon Bruce Febvret, à une forte attente du marché : « En 2009, lorsque j'ai débuté, 100 kWc représentaient pratiquement 1.000 m2, aujourd'hui on peut placer la même puissance sur 500 m2. Le rendement des modules photovoltaïques a énormément progressé, mais les agriculteurs sont d'abord intéressés par la taille de leur bâtiment. De ce fait, la limite à 100kWc n'était plus du tout adaptée ». Sur le marché du bâtiment agricole, plusieurs approches en matière de photovoltaïque cohabitent : certains exploitants ont besoin de créer un bâtiment et le photovoltaïque va être une source de financement, d'autres profitent de la nécessité de rénover une toiture pour l'équiper en panneaux, et enfin, l'autoconsommation peut aussi être un élément déclencheur. 

L'autoconsommation, un autre moteur


Cette dernière approche est aussi un facteur qui favorise l'expansion du photovoltaïque sur bâtiments agricoles, même si, comme le reconnaît Bastien Ménage, la formule est majoritairement choisie pour des bâtiments industriels qui ont à faire face à des besoins énergétiques plus importants. « La volonté première, précise-t-il, c'est de réduire les coûts énergétiques. Mais l'évolution de la législation joue aussi son rôle, avec la parution de plusieurs décrets facilitant l'autoconsommation, depuis 2017.  À cela s'ajoutent les possibilités d'autoconsommer et de revendre le surplus d'énergie produit sur le réseau, ou bien encore de stocker l'électricité en batterie ». « Nous avons de plus en plus de demandes en autoconsommation sur des bâtiments agricoles » confirme de son côté Benoît Chaudron. Chez O'Sitoit l'autoconsommation est en progression « mais, précise Bruce Febvret, la revente totale de ce qui est produit reste le segment dominant. Toutefois, dans l'agricole, l'autoconsommation progresse surtout auprès de clients qui font de la transformation et de la vente sur leurs fermes. Là, on a des consommations électriques importantes liées à la présence de frigos ou de vitrines réfrigérées ». Reste la question de la hausse des matières premières, observée depuis fin 2020 et qui impacte tout les métiers du bâtiment. « Pourtant, constate le gérant de Crai Energies, cette hausse, qui a forcément un impact sur nos prix, ne remet pas en cause les projets qui sont dans les tuyaux, ce qui en dit long sur l'intérêt de nos clients pour le photovoltaïque... ». Les hausses constatées sur l'acier ou les panneaux photovoltaïques sont liées à un contexte de demande très forte alors que les fournisseurs avaient pensé que la crise sanitaire allait mettre un coup d'arrêt au marché. Il n'en n'a rien été. « Heureusement, conclut Bastien Ménage (Clef Energies), nous avons d'importants stockages sur les modules solaires, ce qui nous permet d'atténuer une partie de cette hausse ». 

Berty Robert