Congrès des Œnologues de France
Le moment de vérité consommateur proche du zéro !

Cédric MICHELIN
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Dans la suite logique des vins "sans sulfite ajouté", des labels environnementaux, des étiquettes électroniques (lire nos précédentes éditions), les Œnologues de France réunis à Pierreclos le 28 avril en congrès, ont fini leur journée - dédiée à "La bouteille vous parle" - en se demandant si l’étiquette est toujours un point clé dans l’acte d’achat. Cela dépend de plus en plus…

Le moment de vérité consommateur proche du zéro !
Grand témoin du Congrès, Olivier Borneuf, rédacteur en chef du magazine vin La Tulipe Rouge, appelait oenologues et vignerons à ne pas oublier leur « sensibilité » et à ne pas verser dans le tout technologique.

Connaissez-vous la notion de « moment de vérité », ce « premier instant où le consommateur entre en interaction avec votre produit ou votre service », demandait le consultant de SoWine, Harold Farnham. « Ce sont ces quelques secondes du premier contact avec le packaging où se fait la décision d’achat, particulièrement pour les produits de grande consommation (PGC) ».

C’est particulièrement vrai dans un linéaire de vins avec « 700 références en super et 2.000 dans un hypermarché », rappelait-il. Sa conclusion était que « le packaging reste le premier média du vin ! ». Tout le « challenge » alors consiste à aller « le plus loin possible pour réussir à se distinguer sans dépasser la limite qui vous fait sortir de la catégorie, car vous n’êtes plus crédible dedans », selon la définition Maya de Raymond Loewy. Il citait des contre-exemples à ne pas reproduire : Rock N’Rhone, Émotif, Chamarré… « vos clients veulent retrouver les codes des vins français, même à l’export », afin de retrouver cet univers symbolique qui fait la valeur (origine, histoire…). C’est toute la « légitimité » des vins AOC, bien que « ce modèle soit chahuté » par quatre « phénomènes », analyse-t-il aujourd’hui.

Les codes AOC chahutés

Le premier se trouve dans la diversité des conditionnements. 25 % des achats se font « hors bouteille traditionnelle », les BIB affichant d’insolentes croissances (+10 % en 2020). La praticité du volume d’une canette en aluminium, les prix, etc., « cassent alors les codes ».
Deuxième phénomène, la « contre-étiquette est devenue la vraie étiquette » principale, faisant la différence sur les choix se portant de plus en plus sur les demandes de « transparence » des pratiques et « contraintes légales ». Ainsi de nouveaux producteurs en profitent car ces contre-étiquettes leur ouvrent de « nouveaux espaces de marché ».
Le développement de « nouveaux codes d’expression et d’univers symboliques » est le troisième phénomène, laissant plus de place encore « aux marques fortes », supplantant l’appellation d’origine, voire n’en ayant plus besoin, citant en exemple Jean Loron ou Gérald Bertrand. Il invitait à regarder les marchés anglo-saxons qui sont en avance, technologiquement notamment (NFC, réalité virtuelle…), citant la « série » de 19 vins Night in crimes en Australie (15 millions de cols/an). Des technologies pouvant aussi servir à mieux « expliquer le travail de la vigne et du vin ».

L’étiquette de soi sur Instagram

Enfin, c’est évidemment l’évolution des canaux de distribution et la hausse des ventes numériques qui viennent concurrence les étiquettes. 41 % des acheteurs de vin achètent également en ligne. 53 % pour les 26 à 35 ans. Pour eux priment la qualité de l’information sur le vin à 34 %, l’avis d’experts et de critiques (24%) et au même niveau (24 %) l’avis d’autres acheteurs. « À quoi sert votre packaging sur des sites comme Veepee, Vinatis… ? », ces sites d’e-commerce mettant en avant les promotions, prix, notes, et des informations « beaucoup plus sous la forme de la narration, le storytelling ».
Résultat, au final, les critères d’achat se diversifient : 34 % sur l’information, 24 % se base sur des avis d’experts, au même niveau que sur des avis d’acheteurs. « 65 % des grands acheteurs de vin achètent d’autres conditionnements que la bouteille », démontrant une ouverture d’esprit plus importante. Et Harold Farnham de poser la question : « est-ce que ces modèles alternatifs, ces niches, vont-ils devenir la principale catégorie de marché » ?
Qu’est-ce qui lui fait penser à cela ? Le fameux « zero moment of truth » puisque désormais 75 % des Français déclarent se renseigner en ligne sur Internet avant d’acheter. La réputation d’un vin ou d’un domaine précède donc l’achat en ligne ou en magasin ou au caveau. L’étiquette puis la dégustation constituent alors le deuxième et le troisième moment. La boucle est bouclée enfin avec « la photo postée sur Instagram », contribuant à la réputation du vin, note - bonne ou mauvaise - et les avis de la dégustation ou du temps passé avec le vendeur ou producteur.

Vignerons, sortez de vos bouteilles

Le grand témoin « orateur » du Congrès des œnologues de France, Olivier Borneuf, rédacteur en chef du magazine vin La Tulipe Rouge, espérait alors que « le grand oublié de ces contenants hyperconnectés » ne soit pas demain le goût du vin en lui-même, critiquant au passage « l’archi-réalisme » de toutes ces données, dénaturant « l’œnologie, science de la vie et des projets esthétiques ». Il plaidait pour plus de « sensibilité et de fragilité » pour « réhabiliter notre part d’humanité » et pour que « l’œnologie soit bue ». Sa conclusion était donc une vision complètement différente des intervenants en invitant œnologues et vignerons : « sortez de la bouteille. L’étiquette vous appartient tout autant que les vins ». Tels des génies se libérant finalement de la prison des données et du marketing …

Recyclage : Afficher ses matériaux recyclés

Adelphe est une société privée, agréé par l’État, à but non lucratif, qui « assure la prise en charge totale de votre obligation REP (responsabilité élargie du producteur) dans le but de recycler les emballages ménagers », expliquait le responsable marchés vins et spiritueux, Medhi Besbes. La France a ainsi fait un bond dans le recyclage, passant de 18 % des emballages ménagers recyclés en 1993 à 75 % aujourd’hui. « On est bon sur le verre mais moins sur les plastiques », résumait-il à grand trait. Pour passer encore un cap, les lois (Agec et Climat et résilience) obligent à penser la fin du cycle de vie d’un produit dès le début en vue de : réduire, éco-concevoir, collecter, recycler, consigner, réemployer…
Et cela passe par de l’information aux consommateurs avec de nouvelles consignes de tri. « Tous les emballages ménagers sont concernés en France, sauf pour les cafés, hôtels, restaurants et à l’export », nuançait Medhi Besbes. Les nouvelles consignes info-tri « indissociables » seront obligatoires à partir du 9 mars 2023, avec des « repères harmonisés pour les points de retour » permettant d’afficher des allégations environnementales, type pourcentage de matériaux recyclés
Adelphe met à disposition des outils d’auto diagnostiques : « Tree pour tester la recyclabilité de vos emballages ; Feel pour un diagnostic en 15 minutes ; Less pour réduire vos emballages inutiles ; Bee pour les auditeurs ». Également disponible gratuitement, une plateforme d’e-learning pour se former sur campuscirculaire.adelphe.fr.

Il faut télécharger une application smartphone pour voir les étiquettes de 19 Crimes s'animer en réalité virtuelle, ou encore la star du rap, Snoop Dog parler.