Manifestations, saison 2, acte 1
150 agriculteurs et 40 tracteurs à Mâcon

Cédric Michelin
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Venus de Bresse, du Mâconnais, du Beaujolais, une quarantaine de tracteurs ont envahi le rond-point de l’Europe à Mâcon ce lundi 18 novembre. Dès 19 heures, la préfecture de Saône-et-Loire était coupée en deux par plus de 150 agriculteurs, venus de tout le département en voitures pour les plus éloignés.

150 agriculteurs et 40 tracteurs à Mâcon

Direction ensuite la préfecture pour réveiller – pas que symboliquement – le Préfet et son administration, n’avançant pas sur la simplification normative. Des convois — armés de drapeaux, panneaux déboulonnés de communes, de slogans contre le Mercosur… — se dirigeaient ensuite dans toutes les sous-préfectures de Saône-et-Loire. De nombreux jeunes agriculteurs étaient visiblement contents de se retrouver mais prévenaient que la crise couve et ce « feu de la colère » vient rallumer la mèche d’une poudrière encore plus grosse que lors des manifestations de cet hiver. Cette crise sans fin, sans solution concrète a encore été aggravée par les mauvaises récoltes, faibles vendanges, aléas climatiques à répétition (excès d’eau…) et autres fléaux sanitaires.

« On ne veut plus rester au milieu du gué »

Sans oublier un contexte économique morose. La colère est d’autant plus grande et justifiée que les agriculteurs avaient été soutenus dans leurs revendications légitimes par toute la population, à l’exception des habituels antitout. Et ce, dans tous les pays d’Europe. La déception et l’attente sont d’autant plus grandes, que des victoires syndicales avaient été traduites en promesses politiques et devaient être converties en texte de loi. Les élections Européennes et les résultats en France ont entraîné la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République. Sans majorité à l’Assemblée, le gouvernement Barnier a été nommé, lui qui soutient les revendications précédentes, malgré la crise de la dette Française qui s’est invitée depuis. « On est resté au milieu du gué », expliquait en préambule, Christian Bajard, président de la FDSEA de Saône-et-Loire, devant les manifestants.

« Valider » les acquis syndicaux

Mais peu importe, l’agriculture Française se meurt et avec elle, mène à la faillite des milliers de paysans. Et le syndicalisme majoritaire, avec JA 71, « souhaitent maintenant valider ce qu’on a travaillé tout le printemps ». L’accord Mercosur n’étant qu’un premier prétexte pour ressortir les tracteurs et mettre la pression. « On se mobilisera sur plusieurs actions, car les acquis syndicaux s’obtiennent grâce à la mobilisation de chacun », remerciait Maxime Bonnot, président JA71. Sur le rond-point de l’Europe à Mâcon, on notait la présence de plusieurs élus, dont André Accary, président du Département et le député de la circonscription, Benjamin Dirx. Présents également, deux éleveurs "connus", l’ex eurodéputé, Jérémy Decerle et la « Grande Gueule » de RMC-BFM TV, Didier Giraud. « On va gagner petit à petit, il faut garder espoir », disait lucide Didier Giraud qui avait « emprunté » un panneau faisant la promotion de fruits du Brésil en promotion. Comme un énième symbole d’une société et de politiciens en perpétuelles contradictions et frappés d'amnésie collective quotidienne.

Les GMS « ne doivent plus déconner »

Les agriculteurs de Saône-et-Loire et les manifestants du soir ne sont heureusement pas seuls, loin de là. Dans 84 autres départements « aussi, on mouille la chemise », redisait Christian Bajard qui avait des nouvelles du réseau FNSEA. Et de conclure que cet acte I de la saison 2 des manifestations va avoir un prochain épisode, certainement autour des questions de revenus. Avec des « centrales d’achats et grandes distributions pour cibles. D’ici Noël, on les surveillera et elles n’ont pas intérêt à déconner », voulant aller vérifier que de la viande du Mercosur ne s’y trouve pas vendue. « On ne se laissera pas faire et on videra les rayons. Alors faites attention à ne pas énerver les agriculteurs ». Rendez-vous était donc déjà pris pour une nouvelle manifestation avec les grandes surfaces clairement « sous-surveillances ».

Alléger les contraintes administratives

Et de prévoir certainement un troisième épisode autour des contraintes de l’État. « Le mot production n’est pas un gros mot. C’est notre métier », concluait le président de la FDSEA. Après un bon barbecue au bois des ceps de vigne, apporté par de nombreux vignerons, accompagné des vins du Mâconnais et Beaujolais, le rond-point de l’Europe était rendu propre, avec juste quelques bennes de ceps en souvenir. « Car comme dans plein de cultures, on se retrouve dans des impasses pour produire », en raison des réglementations sans solution, dénonçait Patrice Fortune, président de l’Union viticole. Les deux secrétaires généraux pour la FDSEA et JA, Anton Andermatt et Jérémy Gravallon levaient la manifestation « dans le calme », sans toutefois laisser quelques messages forts au passage sur la préfecture et sous-préfectures.

Solidarité vigneronne et clauses miroirs

Alors que les viticulteurs, comme d’autres producteurs (fromagers…), pourraient être tentés de voir une opportunité commerciale dans l’accord Union Européenne avec le Mercosur, de nombreux viticulteurs - du Mâconnais et du Beaujolais principalement - étaient venus soutenir leurs collègues éleveurs ou cultivateurs qui seront négativement impactés en cas de signature de l’accord. Cette solidarité se justifie simplement par le fait de ne pas « importer des produits que nous ne voulons pas avec des normes environnementales et sociales moins disantes ». Les fameuses clauses-miroirs qui sont en lien avec une surcharge administrative en France, des impasses techniques et donc une distorsion de concurrence manifeste pour l’agriculture française plus vertueuse. A de nombreuses reprises, le syndicalisme majoritaire a redit ne pas être contre les accords internationaux mais avec réciprocité des normes. Le Mercosur doit s’harmoniser sur le mieux disant Européen et non l'opposé.