“ L’équipe de France agricole doit faire passer des messages ”

Élu député européen (liste Renaissance portée par LREM) après avoir présidé le syndicat Jeunes agriculteurs (JA), éleveur de charolaises en Saône-et-Loire, Jérémy Decerle voit dans la présidence française du Conseil de l’Union européenne l’opportunité de faire converger les vingt-sept sur plusieurs dossiers stratégiques. Entretien.

 

“ L’équipe de France agricole doit faire passer des messages ”
Jérémy Decerle : « La France doit profiter de la présidence du Conseil de l’Union européenne pour vendre son agriculture, la typicité de ses modèles, ses outils… et remettre la souveraineté alimentaire au coeur des débats ».

La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) va coïncider avec l’élection présidentielle (10 et 24 avril 2022). Ce hasard du calendrier vous paraît-il problématique ?
Jérémy Decerle : « Il n’y a pas de question de cet ordre-là à se poser. Peu importe si cette présidence va tomber pendant la campagne présidentielle française, l’essentiel est de profiter de cette opportunité. L’évènement est suffisamment rare pour en saisir toute la portée. Pendant six mois, l’administration française va avoir ce souci de répondre aux sujets européens, et on sous-estime souvent la portée d’un tel évènement. Cela représente une responsabilité énorme, mais aussi un moyen d’ancrer un certain nombre de messages. »


Comment se prépare cette présidence française du Conseil de l’Union européenne ?
J. D. : « Il y a déjà eu des rendez-vous entre les ministres français à Bruxelles et Strasbourg. Pour préparer la PFUE, la France a également consulté la République tchèque et la Suède, les deux pays qui lui succéderont, pour élaborer des objectifs communs. Chaque pays met ensuite en avant ses propres priorités pour six mois. L’administration française à Bruxelles est en échange permanent avec les députés, comme sur les clauses miroirs qui font désormais l’unanimité auprès des groupes politiques. Pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, il s’agira de dégager une ou deux autres priorités sur lesquelles nous sommes tous d’accord : la démographie avec le renouvellement des générations, la structuration de filières ou encore l’organisation des marchés. L’équipe de France agricole doit faire passer des messages et le ministre de l’Agriculture en sera son capitaine. »


Quels sont les dossiers agricoles qui doivent être prioritairement défendus ?
J. D. : « Le président de la République, Emmanuel Macron, connaît bien les enjeux européens et notamment au niveau agricole. La France a aujourd’hui toutes les cartes en main pour défendre l’agriculture. Parmi les principaux enjeux, obtenir la réciprocité dans le commerce est une priorité majeure. La présidence française doit inscrire cette nécessité de manière plus franche dans le cerveau européen. Le caractère du juste échange doit devenir une règle, c’est ce qu’on appelle les clauses miroirs. Les questions agricoles et alimentaires doivent pouvoir être traitées dans un cadre dédié pour avoir de la réciprocité. L’une des priorités du ministre de l’Agriculture est notamment de mettre en place des clauses miroirs sur la limite minimale de résidus de pesticides et antibiotiques. »


Comment parvenir à faire aboutir ces dossiers ?
J. D. : « Il y aura deux étapes importantes. D’abord pour la Pac, il y aura dans le texte législatif de l’organisation commune de marché (OCM) une déclaration commune des trois institutions européennes s’engageant à une meilleure prise en compte des normes environnementales
européennes et à une réciprocité effective. Inscrire cela dans les textes législatifs est un pas important. Nous savons que si aujourd’hui, le dossier de libre-échange avec le Mercosur était soumis au vote, le Parlement européen serait contre. Maintenant, il s’agit de profiter de cet alignement des planètes pour amener le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à débattre sur ces sujets.
La France pourra profiter de son pouvoir pour amener des positions, poser des jalons, donner le tempo des rendez-vous importants et in fine, nous l’espérons tous, influencer davantage. »


Quels sont les alliés de la France pour avancer sur cette réciprocité des normes ?
J. D. : « Les ministres de l’Agriculture de l’Espagne et de l’Autriche sont plutôt de notre côté. Au sein du Parlement européen, nous pouvons aussi aller chercher les Néerlandais. Jusqu’ici, les Allemands étaient peu partisans de ces contraintes mais avec la nouvelle coalition intégrant des écologistes, et notamment à la tête du ministère de l’Agriculture, ils pourraient devenir des alliés de poids. Ce qui est positif pour nous, c’est que le problème de réciprocité des normes est désormais clairement identifié. Au moment du débat sur le Ceta (accord de libre-échange avec le Canada), le doigt a d’ailleurs été mis sur cette concurrence déloyale. »
Propos recueillis par Sophie Chatenet