Viticulture et coronavirus
La viticulture obligée de s'adapter au jour le jour suite à l'impact du Covid-19

Régis Gaillard
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Que ce soit au sein d’un domaine ou d’une coopérative, du côté des ODG ou de l’interprofession, le manque de visibilité actuel lié à l'épidémie de Covid-19 - sans oublier le Brexit, les taxes Trump... - font planer une grande incertitude au sein de la viticulture départementale.

La viticulture obligée de s'adapter au jour le jour suite à l'impact du Covid-19

L’effet papillon est une métaphore. Elle fut formulée pour la première fois par le météorologue Edward Lorenz lors d’une conférence en 1972, par la question suivante :

« Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ». Cet effet papillon se matérialise par une suite d’événements dont le précédent a une influence si infime soit-elle sur le suivant. Ainsi, d’évènement en évènement, on part d’un fait insignifiant pour arriver à l’autre bout de la chaine à un évènement très différent.

Effet papillon

En 2020, on ne peut s’empêcher de penser à cette théorie lorsque l’on constate que la malchance de Chinois au fin fond d’une province inconnue de tous il y a encore peu a un impact mondial, personne n’étant épargné. Notamment chez nous avec, pour la viticulture de Saône-et-Loire, d’énormes conséquences (sanitaires et économiques surtout) dont l’impact reste encore difficile à évaluer tant le flou règne sur l'intensité de la gravité et de la dangerosité du covid 19.

Néanmoins, dès à présent, les annulations se succèdent. Avec le plus emblématique des rendez-vous : Les Grands Jours de Bourgogne. Une vitrine exceptionnelle pour la profession et un lieu d’échange particulièrement précieux. Néanmoins, ce n’est pas une annulation mais un report à l’année prochaine grâce au soutien des partenaires et de la filière. Lorsque l’on se penche sur les conséquences pour la filière vitivinicole, le directeur du BIVB Christian Vanier avoue avoir quelques légitimes inquiétudes. « Nous avons du mal à évaluer les conséquences. Cela va être très, très dur pour quantité de restaurateurs. Par ailleurs, pour ce qui est du travail dans les vignes, dans une période charnière, il est compliqué de mettre en place un mode de fonctionnement. Pour ce qui est de l’aspect commercial, cela a des conséquences négatives pour le marché intérieur et les marchés proches. Par contre, pour l’export plus lointain, il y a eu des achats de couverture, notamment aux Etats-Unis. Et il faut noter qu’économiquement, la Chine est en train de redémarrer ».

On n’oubliera pas, dans notre département, le prestigieux concours national des Grands Vins de France à Mâcon. Lequel a, pour l’instant, été reporté à la date du 6 juin. Une date qui demeure au conditionnel en fonction de l’évolution de l’épidémie. On n’oubliera pas, non plus, bon nombre de salons professionnels ainsi que ceux à destination du grand public. A l’image de Vinéquip, organisé pour la première fois dans la cité préfectorale de Saône-et-Loire, qui est reprogrammé du 30 juin au 2 juillet.

Des exploitations en danger

Mais l’impact du Covid-19 va bien au-delà. Ainsi, les conséquences pour Jean-Claude Royet, viticulteur à Couches, sont déjà très importantes. « La vente au caveau depuis début mars a été divisée par trois avant les dernières annonces d’Emmanuel Macron... Pour les prochaines semaines, tous les salons ou manifestations viticoles sont annulés. Pour nous, c’est une perte importante du chiffre d'affaire. Il faut aussi savoir que 80% de nos ventes se font à la cave. La saison commence vraiment pour Pâques et nous pensons qu'il y aura peu voire pas de touristes cette année ».

Pour sa part et avant les toutes dernières annonces du président de la République, Jonathan Brunot, viticulteur à Givry, estime que « c'est un peu tôt pour moi pour répondre des conséquences du Covid-19. Je n'ai aucun recul. Ce que je peux craindre comme tous, c'est une réduction significative des commandes. Déjà, l’annulation du marché au vin représente une perte d'environ 1.000 bouteilles au prix caveau soit pas loin de 13.000 ou 14.000 € ».

Installé à Romanèche-Thorins, Georges David précise que « je ne subis pas d’impact au niveau de mon personnel car je n’en ai pas. Mais il va y avoir un énorme impact en terme de consommation de vin, dans les restaurants (NDLR : avant l’annonce de la fermeture actuelle) et au niveau des achats. En outre, il va y avoir très peu voire pas de touristes. Nous connaissons déjà une situation compliquée, cela ne va faire qu’aggraver les choses. J’ai peur que certaines exploitations ne puissent s’en relever ».

Des annulations en rafale

Pour sa part, Jérôme Chevalier, président de l’UPVM, avoue qu’il est bien difficile de se projeter dans le futur. « Il faut voir au jour le jour. Nous n’avons aucune visibilité ». Et d’évoquer différentes annulations. A l’image de la Distinction Saint-Vincent programmée le 26 mars. « Dans l’absolu, ce n’est pas trop grave. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise ». Et d’envisager la non-tenue de l’assemblée générale de l’UPVM prévue le 16 avril. Quant aux Mâcon Wine Note, l’incertitude est là aussi de mise.

Les orfèvres du vin à Charnay-lès-Mâcon n’ont, par la voix de leur président Luc Chevalier, pas lieu de paniquer. « Même s’il y a de légitimes inquiétudes à avoir du côté des Etats-Unis. On peut également avoir des inquiétudes au niveau monétaire et de l’économie dans sa globalité. Pour l’instant, nous ne sommes pas trop impactés. Il ne faut pas s’affoler même s’il y a très peu de visibilité. Néanmoins, personne ne pensait que nous en arriverions à un tel point ». Et Luc Chevalier d’évoquer les conséquences de la délocalisation de certaines productions et l'impact que l’on constate aujourd’hui dans certains secteurs. « Mais, au final, la santé passe avant tout ».

Le président de la Cave de Lugny Marc Sangoy met en avant l’impératif besoin de préserver la santé de tous face au Covid-19. « Nous venons d’avoir deux réunions de crise. Nous nous organisons avec notamment du télétravail. Nous avons également fermé nos points de vente. Si besoin, nous allons recourir au chômage partiel, aux congés… Et il n’y a qu’une personne par bureau. Côté production, c’est moins impactant. Et, commercialement, nous avons un produit, le vin, qui n’est pas périssable. Nous espérons qu’une partie de ce qui n’est vendue aujourd’hui le sera demain. Même si nous savons que nous ne récupérerons pas toutes les ventes non effectuées aujourd’hui ».