Influenza aviaire
Quand l’influenza devient endémique : une nouvelle donne pour la volaille

Après un épisode 2021-2022 dévastateur – 1.400 cas, plus de 20 millions de volailles abattues –, l’épizootie d’influenza aviaire se poursuit cet automne, menaçant les filières volailles d’une nouvelle crise majeure. La contamination de l’environnement et des oiseaux sauvages autochtones laisse présager une endémisation de la maladie sur le territoire français. Une nouvelle donne qui soulève des questions cruciales pour l’aviculture. 

Quand l’influenza devient endémique : une nouvelle donne pour la volaille

Comment réussir à isoler et déconcentrer le maillon génétique, regroupé dans les Pays de la Loire et ravagé au printemps ? Comment dédensifier l’implantation des élevages et adapter les installations en plein-air ? Comment mettre en place la vaccination, principal espoir des professionnels, sans pénaliser l’export ? Autant de chantiers qui engagent la pérennité des filières volailles françaises.

Avec un hiver à haut risque sanitaire, le scénario redouté par les aviculteurs prend forme : l’influenza aviaire est en passe de devenir endémique en France. Contrairement aux années précédentes, le virus n’a pas cessé de circuler durant l’été, avec de très nombreux cas en faune sauvage. Résultat : au 16 novembre, on compte déjà 60 foyers en élevages, quand le premier cas de l’an dernier avait été observé le 27 novembre. « On sait qu’on va devoir vivre avec », résume Joël Limouzin, président de la chambre d’agriculture de Vendée. Dès lors, la question n’est plus seulement de lutter contre la maladie, mais de s’organiser pour continuer à produire.

Première réponse à cette nouvelle donne : la vaccination, en cours d’expérimentation en France sur les canards. Alors qu’elle divisait les filières avicoles il y a peu, cette solution est désormais attendue par tous. C’est particulièrement le cas en canards gras, l’espèce la plus sensible aux virus circulant actuellement. Attendu au mieux pour l’automne 2023, le vaccin « nous permettrait d’être moins vulnérables, avec des animaux qui excrètent moins de virus », résume la directrice du Cifog (interprofession du foie gras) Marie-Pierre Pé.

« La vaccination ne réglera pas tout », nuance Joël Limouzin. Avant tout parce qu’« on n’aura vraisemblablement pas un vaccin stérilisant », selon Gilles Salvat, directeur général délégué au pôle Recherche et référence de l’Anses. Les produits actuellement testés sur les canards pourraient « ralentir la contagion entre animaux », avec l’espoir de « ralentir le front d’une épizootie », selon lui. Un gain de temps qui doit permettre aux mesures de lutte, comme l’abattage, de produire leurs effets.

Déconcentrer le maillon génétique

Dans ce contexte, la priorité des filières avicoles reste de « préserver le cœur du réacteur », autrement dit le maillon sélection-accouvage, résume Yann Nedelec, le directeur d’Anvol (interprofession des volailles de chair). Une priorité partagée par les différentes espèces, alors que ce maillon a été fortement touché au printemps. L’enjeu est de déconcentrer la génétique avicole, aujourd’hui regroupée dans les Pays de la Loire. L’étape suivante consistera à « voir ce qui peut être fait en fonction des moyens » car il est question de « déplacer des sites de sélection pour les sortir des grandes zones avicoles ». Des investissements « lourds » et « sur un pas de temps plutôt long, de plusieurs années », rappelle la directrice du SNA (volailles de chair).

L’élevage plein-air questionné

L’endémisation de l’influenza vient aussi chahuter l’élevage des volailles en plein-air. « Le risque d’introduction du virus […] s’est étendu aux périodes pendant lesquelles les températures et la durée d’ensoleillement ne permettent plus le maintien des oiseaux à l’abri en permanence », a résumé le ministre de l’Agriculture lors de l’assemblée générale du Synalaf, le 22 septembre. Et Marc Fesneau d’ajouter que « la question de l’adaptation des mesures de prévention en fonction des périodes de l’année est posée ». L’Anses doit se prononcer fin novembre sur les propositions des professionnels quant à l’évolution des modalités de mise à l’abri. Le Synalaf demande un accès au plein-air dès l’âge de huit semaines (contre six semaines dans les cahiers des charges Label rouge), ainsi qu’un doublement de la surface des parcours réduits (à 1 m² par animal). Tout en proposant de conditionner cet accès à un audit de biosécurité favorable.

À plus court terme, le ministère de l’Agriculture a temporairement assoupli les conditions d’accès au parcours extérieur, en cas de risque influenza, pour les gallinacées (poulets, dindes, etc.) élevées en plein-air, sous Label rouge et en bio. Actuellement, d’après l’arrêté du 29 septembre 2021, ces volailles, lorsqu’elles ont plus de dix semaines, peuvent sortir en parcours (toutefois réduit), du 15 novembre au 15 mars, mais « exclusivement pour des questions de bien-être animal, après réalisation d’une visite vétérinaire et autorisation de la DDestPP » (préfecture), rappelle le cabinet du ministre de l’Agriculture. Cette obligation de visite vétérinaire et d’autorisation administrative « a été suspendue » dans l’attente de l’avis de l’Anses, via une instruction technique à paraître, précise la Rue de Varenne.

Ces tractations sur l’assouplissement de la mise à l’abri font grincer des dents.