Bourgogne du sud
Plus que jamais dans l’accompagnement

Françoise Thomas
-

Entretien avec Christophe Marcoux, nouveau directeur général de la coopérative Bourgogne du Sud, en poste depuis juillet dernier. Une arrivée marquante, dans une période qui a cumulé contextes sanitaire, économique et climatique tout à fait particuliers.

Plus que jamais dans l’accompagnement
Christophe Marcoux, le directeur général de Bourgogne du Sud.

Entre période post confinement et nouvel épisode climatique de sécheresse et de canicule, comment s’est opérée votre prise de fonction ?

Christophe Marcoux : Dans ce contexte complètement inédit ! Je ne m’attendais évidemment pas à ce scénario lié au contexte sanitaire. Mais j’ai bénéficié d’un super tuilage avec Michel Duvernois et je souhaite à toute personne d’avoir ce genre d’accompagnement avec une personne aussi qualifiée. On s’est recentré sur la sécurité de nos salariés et de nos adhérents. C’était donc la santé en priorité, puis la continuité de la chaine alimentaire. Dès la première crise, toute l’agriculture était mise en avant et ça nous a boosté pour le faire. Il faudra juste que les gens s’en rappellent par la suite...

Il est vrai que nous ne faisons pas partie des entreprises véritablement impactées par le Covid-19. En revanche, l’impact que nous avons eu est celui de la sécheresse : nous constatons une baisse très importante de la collecte d’automne. Nous allons avoir 120.000 tonnes de collecte en moins : la saison dernière, nous étions à 530.000 tonnes, pour cette saison nous serons à 410.000 tonnes ! Soit notre deuxième plus mauvaise récolte après celle de 2016…

Justement quelles mesures d’aides et d’accompagnement Bourgogne du Sud a mis en place ?

C.M. : La coopérative a surtout souhaité anticiper le retour économique à ses adhérents, en mettant en place des mesures d’anticipation de versement de complément de prix. Chaque année, nous redistribuons entre 65 et 80 % du résultat. Cette année, une redistribution d’un million et demi d’euros va être effectuée sur le mois de janvier pour aider nos adhérents sur l’ensemble des métiers de Bourgogne du Sud, viticulture, élevage et grandes cultures et sur les cultures qui ont été les plus impactées. Nous avons pris aussi des mesures à destination des jeunes agriculteurs en prolongeant d’une année les aides qui durent habituellement deux ans.

Bourgogne du Sud s’est lancée dans la filière protéine il y a plusieurs années maintenant, comment allez-vous poursuivre dans cette voie dans le cadre du plan protéine ?

C.M. : On a en effet dégainé très tôt avec le déploiement du soja. Notre enjeu actuel est surtout que nos adhérents poursuivent la culture de soja, qu’ils ne baissent pas les bras par rapport à la sécheresse. Cette année, les 10.000 ha de soja ont fait en moyenne 14 quintaux, alors que le potentiel est plutôt de l’ordre de 25 à 30 quintaux/ha. Les outils sont là Extrusel et Selvah qui a vocation à faire des protéines végétales texturées de toute légumineuse : féverole, lupin, et même des bases blé. En fait, on ne peut que se réjouir de ce plan protéine, de cette prise de conscience, véritable plan de relance. Il faut désormais qu’entre les incantations que l’on peut lire partout dans les journaux et le marché très important qui est devant nous, cela se matérialise par des vrais contrats. Or, aujourd’hui, entre tout ce qui se dit et ce que le consommateur achète, il y a encore un décalage.

Dans le raisonnement avec les adhérents au moment de l’assolement, l’idée est donc de bien maintenir le soja plutôt que de partir sur de nouvelles cultures pour lesquelles nous n’avons pas de débouché assuré. Il y a une forte demande de nos adhérents vers ces nouvelles cultures, et cela nous intéresse, mais il convient avant tout de produire ce qui se valorise et ce qui se vend.

Est-ce que vous étudiez aussi le déploiement de débouchés avec des éleveurs, notamment pour le sorgho fourrager ?

C.M. : Ce sont tout à fait des axes de réflexions que nous avons avec les éleveurs pour produire des fourrages. Mais nous n’en sommes pour l’instant que dans la réflexion de la mise en place de ces cultures fourragères. Notre crédo est de gagner en autonomie fourragère sur l’exploitation, et on peut encore vraiment gagner en autonomie en optimisant la culture de l’herbe. Désormais, il y a en effet à réfléchir sur la complémentarité entre nos adhérents sur des productions fourragères et la possibilité que la coopérative puisse mettre tout le monde en relation.

Au 15 décembre, Bourgogne du Sud a dû se positionner sur le conseil ou la vente des produits phytosanitaires. Qu’est-ce que l’abandon du conseil aux agriculteurs change concrètement pour vos équipes ?

C.M. : Tout d'abord, notre objectif est de poursuivre la réduction de consommation de produits phytosanitaires sur les cultures, comme nous l'avons fait en vigne. Depuis dix ans, nous avons en effet réduit de 50 % notre chiffre d'affaires en activité viticole. Notre second objectif est de mettre en œuvre toute mesure alternative et d'utilisation des fiches CEPP, pour Certificat d'économie des produits phytosanitaires. En fait, nous n’avons pas choisi le conseil stratégique ni le conseil spécifique, nous avons choisi tout le reste ! Nous préférons le présenter ainsi. Au même titre qu'il est réducteur de ne parler plus que de vente, nous estimons qu’il y a eu un hold-up du mot conseil. J’ai le sentiment qu’on nous empêche d’utiliser un mot pourtant sacré dans notre métier. Les techniciens ne peuvent plus écrire de préconisations à la parcelle au moment de l’accompagnement des adhérents. En parallèle, le législateur nous autorise à poursuivre nos essais agronomiques et nos observations aux champs. On nous enlève donc une partie de ce que nous faisions. Mais on ne sait pas trop encore vers qui vont pouvoir se tourner les agriculteurs pour les conseils stratégiques et spécifiques. On imagine que d'autres opérateurs dont les chambres d’agriculture vont se positionner sur ce type de service, mais pour l’instant nous n’y voyons pas clair. Tout devrait se préciser dans les prochains mois.