APPROVISIONNEMENT
Les emballages à la peine

Papiers, cartons, bouteilles, étiquettes… Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, la Covid-19 et la flambée des prix de l'énergie et des matières premières, de plus en plus de producteurs rencontrent des difficultés à trouver les emballages nécessaires à la commercialisation de leurs produits. Décryptage

 

Les emballages à la peine
Quentin Matthieu, économiste à la Coopération agricole.

Alors que les vendanges approchent, les vignerons sont inquiets. Beaucoup d'entre eux n'ont pas encore pu libérer leurs cuves et mettre en commercialisation leur cuvée 2021. En cause : des difficultés à se fournir en bouteilles en verre. L'aluminium permettant de fabriquer les capsules manque lui aussi à l'appel. Tout comme les étiquettes. Mais les viticulteurs ne sont pas les seuls producteurs touchés. Cartons, emballages papiers, plastiques, palettes, boîtes de conserve… Tous les consommables permettant d'emballer les produits alimentaires se font rares et chers. « On fait face à des augmentations de prix de 40 ou 60 % voire 80 % sur certains produits bruts », s'inquiète Fabien Ballouhey, directeur de Ballouhey imprimeur, spécialisé dans les étiquettes et papiers alimentaires en Isère. « On commence aussi à faire face à des pénuries, des délais de livraison qui s'allongent ». La situation la plus critique concerne les étiquettes adhésives, dont la matière première manque à l'appel. Dans ce cas, au contexte global s'ajoute une grève de quasiment quatre mois des sites de production du géant papetier finlandais UPM, achevée fin avril. Alors, Fabien Ballaouhey est obligé de « jongler » entre ses produits afin de proposer des solutions à ses clients. De son côté, Irène Baronnier, la directrice de Baronnier palettes du Lyonnais, refuse de nouveaux clients. « On ne peut pas parler de pénuries mais on est à flux tendu, avec des stocks bas. Alors je privilégie mes clients fidèles », avoue-t-elle. Possédant une scierie, la dirigeante estime tirer son épingle du jeu car elle peut se fournir majoritairement en bois brut français, dont l'augmentation reste limitée (30 % environ) par rapport au bois scié, qui a augmenté de 70 % en un an. En un an, le prix de ses palettes a pris entre 30 et 40 % de hausse.

Un phénomène multifactoriel

Si chacun a ses spécificités, aucun type d'emballage alimentaire n'est épargné. Le prix du carton est tributaire d'une colle fabriquée à base d'amidon de blé, dont le cours s'est envolé avec la guerre entre la Russie et l'Ukraine par exemple, les emballages plastiques dépendent de la hausse des prix du pétrole, on manque d’aluminium pour les boîtes de conserve et l'explosion des prix du gaz grève les coûts de nombreuses chaînes de production… Les tarifs sont devenus extrêmement volatils, changeant de jour en jour. Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs, explique Quentin Matthieu, économiste à la Coopération agricole. « Il y a d'abord un problème d'approvisionnement qui existait avant la guerre. Avec la Covid-19, les confinements et les politiques de stop-and-go, les chaînes de production ont été perturbées. Elles ont eu du mal à redémarrer. Fin 2020, les stocks sont arrivés à leur fin. On a eu des manques de disponibilités, couplés à une relance économique et une hausse de la demande. D'où l'augmentation des prix. » Ainsi, fin 2021, avant même la guerre en Ukraine, une note de l'Association nationale des industries alimentaires relevait que les prix des emballages plastiques avaient grimpé de 20 % en un an, ceux de l'aluminium de 24 %. Selon l'Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, le prix de la pâte à papier avait augmenté de 30 % entre février 2021 et février 2022.

La guerre en Ukraine : un accélérateur de crise

« Un deuxième facteur vient de l'augmentation des prix de l'énergie engagée en 2021, qui s'est accélérée avec la guerre en Ukraine, ajoute Quentin Matthieu. Or l'énergie représente une grosse part des coûts de fabrication du verre, du carton, de l'aluminium… À cela, se sont ajoutées les sanctions contre la Russie, notamment sur ses exportations de bois, qui ont alimenté la pénurie. De plus, il y a aujourd'hui une grosse inquiétude sur le verre, qui représente 40 % des importations d'emballages en France. Or, de nombreux fours à verre sont situés dans le Donbass. » Enfin, les récentes politiques de confinement en Chine, principal fournisseur mondial d'emballages, ont considérablement allongé les délais de livraison, passés en moyenne de 50 à 120 jours. « Cette crise révèle l'interdépendance de nos économies en la matière », juge l'économiste. En 2021, la France a importé cinq millions de tonnes d'emballages. À l’inverse, la France est le troisième producteur européen d'emballages. Et cette crise semble durable, comme le suggèrent les derniers indicateurs économiques. « On pensait avoir atteint un palier mais les prix des emballages sont repartis à la hausse en mars-avril », souligne Quentin Matthieu. Devant à cette instabilité économique, les négociations commerciales sur les prix de l'alimentaire conclues début mars, ont dû être rouvertes, afin d’intégrer ces hausses de charges pour les producteurs. En attendant, face à cette situation, chacun cherche des solutions, en orientant ses commandes vers d'autres produits plus disponibles ou moins chers, en réduisant la quantité d'emballages, ou parfois même en s'orientant vers le réemploi, le recyclage et la consigne.

Leïla Piazza