Grandes cultures
Maïs : des plantes appâts contre le taupin

Le leurre est une stratégie séduisante pour minimiser les dégâts que les taupins font subir aux parcelles de maïs. La larve de coléoptère qui vit dans le sol s’alimente en s’attaquant aux racines, bulbes, rhizomes, bases des plantes qu’elle rencontre sur son chemin. 

Maïs : des plantes appâts contre le taupin
Rangs d’orge au milieu de l’inter-rang de maïs.

Depuis de nombreuses années, Arvalis étudie la stratégie des plantes appâts en alternatives aux méthodes de lutte chimique qui s’amenuisent et dont les solutions restantes sont moins efficaces et peuvent présenter des limites comme la mise en place de ZNT de 20 m. Le concept est simple : il s’agit de proposer une nourriture alternative, c’est-à-dire un appât, aux larves de taupins de telle sorte que celles-ci se détournent du maïs cultivé. Les appâts sont appliqués au semis et attirent les larves de taupins permettant ainsi d’abaisser l’exposition des maïs entre la levée et le stade 6-8 feuilles, période de grande sensibilité de la plante aux attaques de taupins. Une fois ce stade dépassé, l’apex de la plante monte dans la tige et n’est plus exposé au ravageur. Si ce dernier continue de grignoter des racines, il en reste suffisamment pour que les dégâts soient mineurs.

Quelle plante appât faut-il semer ?

La première question a été de savoir quelle espèce semer. Seigle, blé, avoine, orge ont été choisis pour leurrer les taupins car ces graminées sont régulièrement attaquées dans la campagne. Du maïs peut également être utilisé pour détourner les larves de la culture de maïs à protéger. Parmi les modalités étudiées à ce jour, le meilleur niveau de protection est obtenu avec un appât constitué d’un mélange associant des grains de blé et de maïs. Si seul le blé est utilisé en appât, l’efficacité est plus limitée. L’orge et l’avoine ont été testées avec succès en 2019 et cette piste est à poursuivre.

Les appâts constitués de matière inerte (issue de céréales ou graines qui ne germent pas) apportent une très légère efficacité, mais celle-ci est malheureusement insuffisante comme le montre le graphique 1.

Graphique 1. Le mélange blé + maïs apporte une efficacité intéressante par rapport à la référence haute en traitement de semences.

Où positionner la plante appât ?

La plante-appât doit autant que possible être positionnée à proximité de la plante cultivée pour apporter une protection intéressante contre les attaques de taupins. Cependant, plus les appâts sont proches de la ligne de semis, plus la concurrence exercée sur le jeune maïs sera importante. Le compromis le plus intéressant est donc d’appliquer les grains en plein sur le sol, par exemple avec un semoir centrifuge, puis de les incorporer dans la couche superficielle sur 10-15 cm de profondeur au cours des dernières préparations du sol pour constituer un maillage dans le sol. Ensuite, les larves de taupins qui remonteront des couches plus profondes du sol devraient rencontrer les plantes appâts plutôt que de se concentrer sur les graines de la ligne de semis.

Graphique 2. Différentes positions du mélange blé-maïs dans la parcelle de maïs.

Quand faut-il semer la plante appât ?

Le meilleur compromis consiste à semer la plante-appât le jour même du semis du maïs. Un semis plus précoce des plantes appâts par rapport à la date de semis de la culture principale n’a pas permis d’améliorer l’efficacité de la stratégie dans nos conditions expérimentales comme on le voit dans les graphiques 3 et 4.

Graphiques 3 et 4. Dates de semis de la plante-appât.

Qu’en est-il de la concurrence de la plante appât ?

La stratégie de plante-appât présente des résultats intéressants dans le cadre de la protection du maïs contre les dégâts de taupins, mais elle peut s’avérer plus nuisible qu’une attaque de taupins si les plantes appâts ne sont pas détruites à temps par effet de concurrence. La technique apportant plus de sécurité consiste à utiliser des appâts à base de blé et de maïs sensibles à la cycloxydime, de semer une culture de maïs avec une variété tolérante à la cycloxydime puis de désherber au stade 3-4 feuilles à l’aide du produit commercial Stratos Ultra (substance active : cycloxydime). Ainsi, la lutte contre les graminées permet de détruire les plantes appâts tout en préservant la culture de maïs (si la variété semée est tolérante à cet herbicide) et ceci sans augmenter le nombre de passage de désherbage.

Si on utilise une plante appât telle que l’orge ou l’avoine, on diminue un peu l’efficacité de la protection contre les taupins mais on ouvre la possibilité de détruire les plantes appâts avec un produit de désherbage appartenant à la famille des sulfonylurées. Dans ce cas, l’action est assez lente et la destruction des plantes appâts est un peu plus aléatoire que lors d’application d’un produit à base de cycloxydime. La destruction mécanique est également envisageable, et c’est même la seule solution en agriculture biologique. La contrainte la plus forte reste la gestion du rang : soit les appâts sont répartis dans l’inter-rang ce qui facilite leur élimination grâce au binage mais diminue partiellement l’efficacité pour la protection contre les taupins, soit les appâts sont appliqués en plein ce qui assure une meilleure protection contre les taupins mais qui occasionne une nuisibilité sur la culture d’autant plus importante que le désherbage sur le rang sera compliqué (selon le matériel disponible).

La destruction des appâts est une étape à ne surtout pas négliger. Il est fortement recommandé de prendre en considération ce point critique dès l’élaboration de l’itinéraire technique, c’est-à-dire dans le choix de la variété de maïs et dans le choix de la stratégie de désherbage, chimique et/ou mécanique.

Didier LASSERRE / Philippe LARROUDE
Arvalis- Institut du végétal

Mélange blé + maïs en plein