Mutagénèse
Mutagénèse : des projets de texte suscitent une levée de boucliers

Cédric MICHELIN
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Des projets de décret et d’arrêtés concernant la mutagenèse aléatoire in vitro suscitent une levée de boucliers chez les semenciers et les coopératives, face au classement de certains colzas en OGM réglementés. Le Haut conseil des biotechnologies (HCB) exprime pour sa part des réserves juridiques.

Mutagénèse : des projets de texte suscitent une levée de boucliers

« Si ce projet de décret est signé, l’ensemble de la filière colza sera impactée », a souligné le 8 juillet le président de l’UFS (semenciers) Claude Tabel. Des « problèmes d’organisation » vont se poser : le même type de produit pourra être soumis à la réglementation OGM en France, pas dans les autres pays de l’Union Européenne, d’après lui.

La France a notifié le 6 mai à Bruxelles un projet de décret et deux projets d’arrêtés concernant la mutagenèse aléatoire in vitro. L’un confère le statut d’OGM aux plantes issues de ladite technique. Les deux autres ciblent plus précisément des colzas Clearfield à retirer du catalogue des variétés. Cela fait suite à une décision du Conseil d’Etat le 7 février qui enjoint le gouvernement de modifier le Code de l’environnement : « Certains organismes obtenus par mutagenèse doivent respecter la réglementation OGM », ont estimé les Sages en visant les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Les projets de texte restent soumis à procédure européenne de consultation pendant trois mois. Viendra ensuite une consultation nationale, attendue en septembre.

Des « obstacles au commerce »

« En créant sa propre définition des OGM, la proposition française porte atteinte à un domaine harmonisé par la législation européenne, ce qui pourrait avoir de graves répercussions sur le fonctionnement du marché unique dans l’UE et la libre circulation des produits », estime la Coopération agricole dans son bulletin d’actualités le 10 juillet. Les produits obtenus à partir de variétés issues de techniques de mutagenèse in vitro seraient classés OGM et interdits de production et de commercialisation sur le territoire français, pas dans le reste de l’Union Européenne, selon la fédération des coopératives.

« S’il était adopté, le décret français ferait obstacle au commerce intracommunautaire non seulement des semences mais aussi des produits qui en résultent (graines, huiles, tourteaux). En outre, les obstacles au commerce ne se limiteraient pas aux frontières de l’UE, en créant des obstacles techniques non tarifaires au commerce des plantes ou des semences entrant sur le marché de l’UE, avec des risques de voir les pays exportateurs déclencher des procédures d’infraction auprès de l’OMC ». Dans le cadre de la consultation européenne, La Coopération agricole indique avoir invité Bruxelles à demander aux autorités françaises de revoir leur copie, faute de quoi il s’agirait d’« engager une procédure formelle d’infraction contre la France ».

Des « ambiguïtés » et « insuffisances »

Le Haut conseil des biotechnologies (HCB) a, lui, publié le 15 juillet les conclusions de sa saisine sur le projet de décret. D’un point de vue juridique, son Comité économique, éthique et social (CEES) note « des ambiguïtés ou des insuffisances » dans le texte. Si le projet de décret complète la liste des techniques entrant dans le champ de la directive européenne 2001/18 sur les OGM, il « ne fixe pas la liste précise des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps », regrette le CEES.

Par ailleurs, si le texte autorise à mener à terme les cultures qui ont été semées avant sa publication, « rien n’est précisé au sujet de la commercialisation de la récolte ». Saisi lui aussi, le Comité scientifique du HCB n’identifie de son côté « pas de différences biochimiques entre les mutations, qu’elles soient obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro, in vivo, ou spontanément, sur cellules isolées ou entités pluricellulaires. Il n’y a pas non plus de différences entre les phénotypes induits par ces techniques ».