L’Assiette est dans le Pré
Le parcours engagé de deux fils d’éleveurs

Marc Labille
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Fils d’éleveurs âgés de seulement 32 et 28 ans, Cédric Jolivet et Justin Lacroix sont à la tête de l’Assiette est dans le Pré. Sous cette enseigne, pas moins de cinq boucheries-charcuteries, pour la plupart relancées par les deux jeunes entrepreneurs et qui mettent en valeur la production d’éleveurs locaux.

Le parcours engagé de deux fils d’éleveurs
Cédric Jolivet et Justin Lacroix devant leur boucherie-charcuterie-traiteur de Paray-le-Monial.

Depuis quelques années, l’Assiette est dans le Pré s’est faite connaître sur les concours de bovins de boucherie de Saône-et-Loire. Aujourd’hui, cette enseigne au nom bien choisi compte pas moins de cinq boucheries-charcuteries artisanales pour un chiffre d’affaires total de 2,5 millions d’euros. À la tête de cette dynamique entreprise, deux jeunes qui ont grandi dans des fermes du Charolais : Cédric Jolivet, 32 ans et Justin Lacroix 28 ans. C’est en effet à Perrigny-sur-Loire pour le premier et à Châtenay pour le second que la vocation des deux futurs bouchers est née alors qu’ils côtoyaient au quotidien les bêtes de leurs parents. Enracinés au métier d’éleveur, les deux fils de paysans ont ressenti le besoin d’aller plus loin dans la filière, guidés par une attirance pour le travail de la viande ; un goût pour la bonne chair assumé et une envie d’aller au contact du client.

Début à Tramaye…

CAP en poche, Cédric s’est installé le premier en 2013 en reprenant la boucherie de son patron à Tramaye. En 2018, il rachetait sa seconde boucherie à Dompierre-les-Ormes avant d’en reprendre une troisième à Paray-le-Monial. Cette dernière n’allait pas bien du tout et Cédric a dû réaliser des travaux et reprendre les choses en main. En 2020, Justin, après une première expérience en tant que salarié dans le sud de la France, s’installait à son tour auprès de Cédric. Ensemble, ils décidaient de reprendre un quatrième magasin à Gueugnon. Un an plus tard, ils créaient une cinquième boucherie dans la Loire cette fois, à Saint-Etienne. En moins de dix ans, c’est une incroyable ascension que l’Assiette est dans le Pré a connu sous la houlette de deux entrepreneurs à peine trentenaires. D’autant qu’ils ont dû, pour la plupart de leurs acquisitions, repartir à zéro en remettant en état les magasins, en reconstituant la clientèle. Beaucoup d’énergie, beaucoup de frais, mais « un challenge » qui plaît beaucoup à Cédric et Justin.

70 bovins de boucherie par an…

L’entreprise emploie aujourd’hui 21 personnes. Toute la charcuterie est fabriquée dans le laboratoire de Tramayes. La cuisine de l’activité traiteur est à Dompierre-les-Ormes. Chaque boucherie a son propre responsable et découpe sa viande sur place. L’Assiette est dans le Pré écoule 70 bêtes par an équivalent à 36 tonnes de viande bovine. Cédric et Justin se fournissent auprès de quatre élevages dont celui du propre frère de Cédric – le Gaec des Maréchaux à Neuvy-Grandchamp. Les autres fournisseurs sont Jérôme Segaud à Montmort, Damien Raymond à Toulon-sur-Arroux et David Pierre à Volesvres. Les animaux choisis sur pied sont des bêtes conformées d’environ 520 kg de carcasse classées « U =, U + ou E- », confient les deux jeunes bouchers qui privilégient « des culardes à la viande tendre à peine persillée et idéalement maturée », décrivent-ils. Une qualité qui a un prix, concèdent les deux associés qui paient leurs animaux suivant une grille à l’année qui varie selon la finesse d’os, expliquent-ils. Il faut compter 6 € le kilo de carcasse pour une « U + » ; 6,50 € à 7,20 € pour une génisse « E- », complètent-ils. Fils d’éleveurs de charolais, Cédric et Justin sont très exigeants sur la finesse d’os car d’elle dépend le rendement final sur la carcasse. Un critère économique déterminant pour le boucher, rappellent-ils.

Achat en ferme sans intermédiaire

Cédric et Justin fréquentent les concours de bovins de boucherie (Autun, Saulieu, Saint-Christophe-en-Brionnais, Gueugnon, Festival du Bœuf). « Nous achetons toutes les bêtes de nos éleveurs », confient les deux artisans qui apprécient de pouvoir exposer les plaques de concours dans leurs magasins. « C’est un sacré budget », reconnaissent-ils. Mais ce sont aussi des retombées commerciales et médiatiques, complètent-ils. Les deux jeunes bouchers sont aussi très sensibles aux efforts consentis par les organisateurs de concours pour « mettre en avant les artisans qui achètent toute l’année ». D’ailleurs, ils aimeraient bien bénéficier « d’une estampille, mettant en valeur les viandes issues d’animaux achetés directement en ferme sans intermédiaire par des artisans bouchers qui paient un prix plus cohérent que les autres » défendent-ils.

Des ouvriers bouchers bien payés

Résolument optimistes, Cédric et Justin sont motivés par la passion de leur métier, leur attachement à la qualité des produits… Tous deux adhèrent au syndicat des bouchers que préside leur confrère Pascal Moine et ils sont tout de même préoccupés par la diminution du nombre de bouchers, la pénurie de main-d’œuvre, les goûts changeants des consommateurs. Les deux fils d’agriculteurs déplorent « un manque de culture du travail chez les jeunes d’aujourd’hui. Leurs préoccupations sont les horaires, les vacances, ne pas travailler le samedi… », regrettent-ils. Aussi, les artisans-bouchers ont-ils intérêt à mieux rémunérer leurs ouvriers pour les conserver. « Chez nous, le plus petit salaire est à 1.750 € par mois », révèle Cédric. Quant à la clientèle, Cédric et Justin se félicitent d’un retour des jeunes consommateurs dans leurs commerces depuis le Covid. Une tendance qui devrait perdurer selon eux avec cette aspiration à « manger moins, mais manger mieux ».

 

Charcuterie maison et porcs fermiers de Saône-et-Loire

Charcuterie maison et porcs fermiers de Saône-et-Loire

Dans leurs cinq magasins sous l’enseigne L’Assiette est dans le Pré, Cédric Jolivet et Justin Lacroix servent une charcuterie maison. Cette activité importante leur procure une bonne valeur ajoutée, confient-ils. Et ce malgré des prix de vente en magasin souvent inférieurs à ceux pratiqués en grande distribution, font-ils valoir. Loin des stratégies commerciales obscures des grandes enseignes, les deux associés servent pourtant de la charcuterie de qualité qu’ils élaborent sans nitrite ni conservateur. Depuis peu, ils ont mis en place un partenariat avec un élevage de porcs charcutiers sur paille (La Ferme de Limaye à Neuvy-Grandchamp). Ce dernier leur fournit quatre porcs lourds de 140 kg par semaine.