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Interprofession des vins de Bourgogne (BIVB)

2013, année test pour monter en gamme

Le 18 décembre à Beaune, l’Interprofession des vins de Bourgogne
tenait son assemblée générale. Le BIVB va devoir faire face à un budget
contraint par la faible récolte 2012 et par l’incertitude d’aides européennes. Dommage car les marchés, français et exports, sont
porteurs. Les cours sont en hausse. La profession entend en profiter pour
monter en gamme.
Par Publié par Cédric Michelin
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« Avec l’augmentation des cours du vrac en 2012 - en AOC bourgogne rouge notamment -, viticulteurs comme négociants allons être obligés d’augmenter nos prix et de passer dans un autre segment. Si les marchés et les consommateurs réagissent bien, alors il faudra se positionner collectivement pour conserver cette montée en gamme par la suite, avec le retour de récoltes normales ». Pierre-Henri Gagey, le président du BIVB, en appelait donc à l’ensemble des ODG à se préparer en 2013. Une politique de l’offre inhabituelle pour des négociants naturellement attirés par la demande. « Attention à maîtriser la hausse en tenant compte de la capacité de nos acheteurs », mettait néanmoins en garde le dirigeant de la Maison Louis Jadot.

Tous les voyants au vert


Président délégué, Michel Baldassini faisait un point sur la situation économique avec les chiffres à fin septembre. « Tous les indicateurs sont au vert », débutait-il. A l’exportation, les volumes sont en hausse de +6 % et même de +14 % en valeur. Dans une France moribonde, la Bourgogne s’en sort bien (+9 % en volume ; +14 % en valeur) avec une grande distribution (hypermarché : +4 % ; supermarché : +8 % en volume) plus valorisante (+7 %). Les circuits traditionnels voient les prix moyens augmenter de +2 % et le nombre de références de 4 dans la restauration gastronomique. En France, le crémant « caracole en tête » à +8%.

Pénurie de vins en Grande Bourgogne ?


Côté offre, les stocks sont « bas ». Cette situation ne va pas s’arranger et risque de compromettre des marchés. Avec une récolte 2012 en chute de -20 % et des sorties propriétés en hausse de +1 %, les cours vont continuer d’augmenter. Pour preuve, les cours des bourgognes rouges sont en hausse de +30 à +35 % par rapport à l’an dernier. La demi-récolte et les bonnes sorties de Beaujolais primeurs ne sont pas étrangères à cela.
Toujours sur le cours du vrac, les différentes appellations sont toutes bien positionnées « sauf les mâcons ». En effet, Chablis n’a pas connu trop de pertes de récolte et les transactions en vins blancs sont similaires à l’an dernier (+5 % même par rapport à la moyenne cinq ans).
En tout, 377.000 hectolitres (hl) se sont commercialisés (-5 %). « Les volumes sont faibles voire trop faibles dans certaines régions (Chalonnais et Beaujolais) », concluait le viticulteur de Cruzille. Des exploitations vont souffrir.

Un million d’€ en moins


Ayant pour vocation de « créer de la valeur », comme le rappelait le directeur, André Ségala, le BIVB sera malheureusement confronté en 2013 à un budget « revu à la baisse ». En cause, les pertes de récolte - grevant le budget de 540.000 € - et aussi la « non confirmation des crédits OCM », pour 575.000 €. Au total, 1.115.000 € manquent pour financer l’Interprofession, laquelle va débloquer des réserves et réduire certaines actions de promotion.
Plus « surprenant » encore, de nouvelles contraintes apparaissent pour obtenir ces aides européennes. Sur le volet promotion Pays tiers, les actions du BIVB devront se faire « en dehors de nos pays prioritaires », semblait interloqué Pierre-Henri Gagey, ne comprenant que trop bien la tactique.
Le nouveau directeur du Pôle communication, Tanguy Châtillon, dressait pourtant un bilan flatteur des actions marketing. Le BIVB est le 12e vignoble en terme d’investissements publicitaires, malgré sa "petitesse". Les actions à l’étranger ont permis de « toucher et former plus de 2.500 prescripteurs dans 17 pays ». Au final, « sur 100 €, 60 € sont consacrés à la communication et 14 € à la technique », résumait Christophe Ferrari, trésorier. Le contrôleur d’Etat, Eugène Julien, rajoutait l’ajustement « douloureux » des droits INAO à venir. « Saint-Vincent devra veiller à la prochaine récolte, à ses prix mais aussi aux impôts »...



2012 : pas de phyto, pas de récolte


Avec un budget qui a augmenté de façon « considérable », selon Pierre-Henri Gagey, le Pôle Technique du BIVB s’est considérablement renforcé ces dernières années. Son directeur, Jean-Philippe Gervais, développait les outils d’aide à la décision mis à la disposition des viticulteurs et des négociants producteurs, le travail sur la qualité des eaux, le futur réseau d’AgroMétéo « pour améliorer les modèles de prévisions de risques », l’implantation d’un conservatoire pinot noir et chardonnay « dès cette année dans l’Yonne »... Le Pôle renforce ses actions techniques avec l’ensemble des laboratoires de recherche, tel que l’Inra. « Nous élaborons actuellement une note nationale sur nos attentes en matière de recherche », expliquait Jean-Philippe Gervais qui espère ainsi accélérer les crédits et priorités sur les maladies du bois, l'Esca en particulier. Il faut dire que « l’explosion 2012 » est coûteuse pour la viticulture bourguignonne. L’arrivée de la flavescence dorée n’arrange rien. Le BIVB a débloqué une enveloppe de 200.000 € contre cette jaunisse. En revanche, ni l’Etat, par la voix du Draaf, Jean-Roch Gaillet, ni la Région, par celle du conseiller Jacques Rebillard, ne mentionnaient un quelconque soutien financier.

« La Bourgogne était pionnière en matière de lutte intégrée, cela va tomber », regrettait Philippe Gervais. Le « contexte particulier » de 2012 avec une « telle pression » des maladies « devrait inciter à méditer les objectifs EcoPhyto ». « Je pense que cette année, moins de phytosanitaires signifiait pas de récolte », concluait-il.





200 millions de bouteilles irréprochables


Claire Naudin intervenait rapidement pour parler de la modification du SAQ pour augmenter « la performance des contrôles ». Désormais, les défauts seront hiérarchisés en fonction du niveau de responsabilité de l’opérateur et de son historique. Faible responsabilité pour un défaut de bouchon, mais forte responsabilité pour un défaut de structure.

Cette commission est « complémentaire » d’Icone pour Pierre-Henri Gagey, qui veut une « prise de conscience » pour « en permanence avancer vers plus de qualité » et atteindre 200 millions de bouteilles « irréprochables ».





Rouges ou blancs à l’avenir ?


60 % de la production bourguignonne sont des vins blancs. Pourtant, l’export, en particulier vers l’Asie, semble - pour l’instant - à la recherche de vins rouges. Les Côtes de Nuits et de Beaune en profitent d’ailleurs. Mais à l’instantanéité des marchés, le cycle d’une vigne est inadapté. C’est donc un sujet fondamental qui était débattu sur « l’évolution à long terme de notre vignoble », introduisait le président. Ancien directeur de l’Entav, Robert Boidron ne cherchait pas à répondre mais comptabilisait les plantations de pinot noir. 90.000 ha dans le monde, dont 31.000 ha en France. La Côte-d’Or compte pour un tiers de ce dernier total. Au total, la Bourgogne "pinote" sur 10.500 ha, deuxième région française après la Champagne (13.000 ha). « La Bourgogne reste la référence », concluait-il après avoir fait un tour de piste des vignobles de pinot noir dans le nouveau monde (Etats-Unis, Nouvelle-Zélande…).

Directeur du Pôle Marché & Développement, Philippe Longepierre remarquait à l'inverse que le blanchiment de la Bourgogne « a fortement augmenté dans les années 1980 » pour représenter 60 % des surfaces. Le chardonnay étant techniquement « plus apte à produire des rendements élevés avec des vinifications réduites ». Ces dernières années, la forte évolution des crémants n'a fait que confirmer cette tendance. Des opportunités commerciales sont aussi à l’origine de ce phénomène. Les régionales blanches ont fortement augmenté (chablis, mâcon, bourgogne blanc) avec les cinq pays exports porteurs (Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon, Canada, Belgique). « La Bourgogne a su s’adapter aux opportunités », concluait-il, constatant « moins de concurrence sur les marchés des grands vins blancs ».

De Solving Efeso, Philippe Boublil conseillait de respecter deux critères pour faire le bon choix : « Qui vous êtes ? Et quel est l’ADN de vos appellations ? Ne chercher pas trop à les modifier ; Et quelles sont les offres où la compétitivité de la filière est forte ? ». La consommation mondiale des vins blancs s’établit à 35 % des volumes totaux, mais les Etats-Unis, l’Angleterre et le Canada sont au-dessus. La Bourgogne vend néanmoins plus de rouges aux Etats-Unis. La Chine et Hong Kong se développent par les rouges. Ce qui faisait dire à l’expert, que ces derniers sont « une tête de pont pour votre développement international ». Les ventes sont inférieures à 8 € pour les blancs, mais au-delà rouge pour les rouges, liés à l’art en Bourgogne, permettant « un marketing de l’offre et non plus de la demande ».

Sans souhaiter le retour des complantations et des « vins vermeils » du XVIIIe siècle, l’historien, Serge Wolikow, invitait à ne pas se baser trop vite sur « l’héritage bourguignon » « stéréotypé » qui « se doit d’être manié avec prudence », tant les évolutions passées ont montré d’énormes retournements.

Pierre-Henri Gagey ne semblait pas plus avancé par les non réponses et se permettait une impression personnelle : « Quand on voyage, les étrangers demandent des vins rouges et du pinot noir. Est-ce que demain la Bourgogne ne va pas se retrouver en manque de vins rouges ? Ce qui ne veut pas forcément dire qu’il y a trop de vins blancs ». Un sourire illuminait alors son visage en se remémorant les 90.000 ha plantés en Bourgogne avant le phylloxera. Une prochaine histoire de droits de plantation sans doute…


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