Élections à la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire
« Les revenus et conseils aux agriculteurs ; la prise de risque collective à la Chambre »
Interview de Luc Jeannin, candidat à la présidence de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, porté par la liste commune FDSEA+JA71. L’éleveur de Saint-Eugène était déjà vice-président sous le mandat de Bernard Lacour (lire notre précédente édition), connait les dossiers et nous explique sa « ligne politique ».

Quelle est votre vision pour l’agriculture départementale ?
Luc Jeannin : Il faut garder comme priorité l’installation et le renouvellement des générations. Cette priorité est d’autant plus vrai avec la courbe actuelle des âges. Nos métiers sont des métiers passion et il faut continuer de les aider à s’installer. Chaque époque a ses soucis et ses contraintes, mais aussi ses solutions à trouver. Cela continuera ainsi. La profession et la Chambre d’Agriculture seront tous les jours aux côtés des agriculteurs, de leurs projets et pour leur permettre de relever les défis.
Mais est-ce que tous les projets sont réalisables, réalistes voire même souhaitables pour le porteur ?
L.J. : Il faut aider chacun à en vivre. Certains arrêteront quand d'autres reviendront à l'agriculture, l'important est d'avoir plaisir à mettre les bottes chaque matin et nous accompagnerons chacun. Mais, et c’est important, c’est là où la prise de risque doit être collective pour permettre à chacun d’avoir un revenu décent. Cela passe par des groupes d’agriculteurs qui réfléchissent ensemble. La chambre a pour mission de réunir des collectifs.
Quel est le principal défi technico-économique à solutionner dès lors ?
L.J. : L’adaptation climatique mais on peut avoir confiance en la capacité d’adaptation des agriculteurs comme toujours. Et ce, bien que la société ne s’en rende pas vraiment compte. On va vers des phénomènes météos violents donc on a besoin de tous les soutiens pour affronter ces excès. Ce sont défis techniques, économiques, sanitaires… mais le travail a déjà commencé. Notre Chambre d’Agriculture expérimente en élevage, en viticulture, en grandes cultures à Ferm’Inov, au Vinipôle, à Fontaines pour le lait, à Charolles pour les ovins… Nous avons de grands pôles d’innovations.
Est-ce à dire que les solutions sont forcément innovantes ou technologiques ?
L.J. : Non. Si les nouvelles technologies sont sources de progrès et de développement, il faut savoir les combiner avec les liens humains. Rien ne remplace ces liens pour se regrouper, travailler ensemble, réfléchir ensemble. L’être humain ne peut pas vivre seul. Il faut rompre l’isolement. La robotique, le numérique ou le virtuel ne remplaceront jamais un groupe de développement agricole qui a plaisir à se rencontrer. L’idée est de faire les deux : développer les nouvelles technologies car elles sont sources de progrès mais, on l’a vu avec le Covid, il faut absolument favoriser les rencontres entre agriculteurs. Et même au-delà, avec la société. Pour faire reconnaitre le savoir-faire des agriculteurs et leurs expertises auprès aussi des pouvoirs publics. C’est le rôle d’un réseau, syndical et consulaire, d’Hommes et de Femmes où chacun à un rôle à jouer.
On voit pourtant de plus en plus de décisions « hors sol » et d’agribashing ?
L.J. : Justement, il faut lutter contre les idéologies avec des faits, avec pragmatisme. Depuis l’arrivée des réseaux sociaux, chacun pense dans sa bulle. Ses communautés s’affrontent parfois et créent des idéologies. La priorité est donc de lutter contre ces nouvelles idées reçues, en s’appuyant sur la science, sur l’expertise terrain, au plus près des réalités des agriculteurs. Pour ne pas voir une règle inventée dans la Silicon Valley s’appliquer partout dans ce monde globalisé, même pour l’agriculture de Saône-et-Loire.
Concrètement, vous allez faire quoi pour les exploitations agricoles ?
L.J : Pour aller vers plus de réponse individuelle, c’est aux agriculteurs de nous faire part de leurs besoins. On ne peut pas avoir à Mâcon des recettes toutes faites. Faites-nous part de vos questions, on répondra en montant des collectifs dans les territoires, pour répondre à vos projets et surtout avec des réponses adaptées.
Vous ne devez pas hésiter à appeler votre Chambre d’Agriculture, les portes sont ouvertes à toutes et tous, quelle que soit la demande même si cela peut paraitre un projet totalement innovant, il n’y a pas lieu d’hésiter à nous solliciter. Et, y compris dans des moments de difficultés. On a tous eu dans notre vie des moments compliqués à surmonter, avec un besoin de soutien, de conseil, de prendre du recul. Le pire serait de rester seul. Il y a forcément la bonne personne à la Chambre d’Agriculture, et dans le réseau, pour vous donner un coup de main. Car, notre travail est aussi de renforcer les complémentarités avec tous les partenaires de l’agriculture, les vétérinaires, les GDS… l’ensemble des acteurs doivent être complémentaires pour répondre à toutes les questions.
Et lorsque la question est le loup, la vivabilité du métier ou les contraintes administratives ?
L.J. : Aux jeunes de gérer les jeunes. Les jeunes agriculteurs ont travaillé sur le guichet unique au sein de la Chambre pour de bonnes installations. Si on peut mesurer la viabilité, reste le sujet de la vivabilité. Il y a le coût de l'installation et le portage des capitaux où il nous faut poursuivre la recherche de solutions collectives. Et puis, il faut maintenir les revendications pour identifier et résoudre les problèmes tout en valorisant ces beaux métiers de l'agriculture.
Sur le loup, on nous a menti. L’ambition des écologues était de préserver l’espèce avec 500 loups en France. Les comptages sont flous mais les dégâts sont énormes. Comment un pays peut envisager une stabilité de son élevage –et plus largement de son peuple– dans ces conditions où le contrat politique n’est qu’idéologique. Chacun se reconnaitra dans sa responsabilité. Là, on a besoin de pragmatisme. On demande zéro attaque contre nos animaux, aux décideurs d’atteindre cet objectif.
Pour y arriver, au milieu de 2024, a été inscrit dans la loi le fait que l’agriculture était d’intérêt général majeur pour la Nation. Cette notion juridique parle peu aux agriculteurs mais on va vers des ajustements importants avec une égalité de traitement devant un juge, entre un agriculteur et un castor par exemple. Ce qui doit donner plus de réalisme terrain.
Comment gagner la bataille de l’opinion ou du « tribunal médiatique » ?
L.J. : La tâche est immense pour réconcilier la société avec la nature. Le bouc émissaire est depuis trop longtemps l’agriculteur car la solution est globale et qu’il faut concilier des réalités multiples. Complexe. Prenons l’exemple de la gestion de l’eau. Tout le monde veut une gestion pragmatique en quantité et en qualité. Mais je le redis, en réalité, c’est l’assiette du consommateur et les produits dedans qui ont besoin d’eau. L’eau est indispensable à la vie des plantes et des animaux, aucune agriculture n’est possible sans eau. Et, les aléas climatiques nous obligent à gérer les manques et les excès.
Faut-il alors convaincre des consommateurs plutôt que des citoyens ?
L.J. : Oui et plein de choses ont été faites et restent à imaginer pour renforcer la proximité entre producteurs et consommateurs. La communication positive avec par exemple les émissions Agriculturez-vous. Ou en étant en liens étroits avec les collectivités territoriales (PAT…), lors des manifestations grand public, foires, concours… pour donner des explications sur nos métiers au quotidien, sans que ce soient des réponses à des attaques. 85 % des Français aiment leurs paysans, il faut arrêter de se focaliser sur les 15 % qui en disent du mal.
Mais on dirait en France que toute nouveauté est mal acceptée en agriculture, y compris par une partie de la profession ?
L.J. : Le Vinipôle travaille sur la robotique, le numérique…. A l’heure des smartphones et des applications, les possibilités sont infinies pour favoriser le travail quotidien des agriculteurs. Qui ne sont d’ailleurs pas en retard et même plutôt en avance. Est-ce un rêve ou une utopie de penser que demain, on pourra géolocaliser un animal ou une plante et avoir sa température pour combiner la gestion du troupeau, le bien-être animal, le sanitaire ?
Autre exemple, l’agrivoltaïsme. C’est un sujet marquant de ces quatre dernières années. Notre souhait est que l’agriculture puisse contribuer à la souveraineté énergétique de notre pays à condition de ne pas porter atteinte à notre souveraineté alimentaire. Nous avons donc travaillé sur des priorités : protection du fermier et du propriétaire, protection de l’accès au foncier pour les jeunes et partage de la valeur sur le territoire.
Que répondez-vous aux critiques ?
L.J. : Chers collègues, prenez du recul, questionnez-vous, informez-vous et analysez, faites-vous votre propre opinion. Puis, votez en votre âme et conscience aux élections Chambre 2025. Mais sachez, pour vous aider, qu’il ne peut s’agir que de responsables qui travaillent au quotidien sans compter leur temps.