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Agriculture bourguignonne

À la recherche de la compétitivité perdue...

La dernière assemblée générale de la FRSEA Bourgogne a été l’occasion de
se pencher sur un dossier épineux du moment, celui de la compétitivité
de l’agriculture bourguignonne. Avec, en ligne de mire, les distorsions de
concurrence…
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Ils étaient cinq représentants invités à débattre sur la compétitivité de l'agriculture bourguignonne, à l’issue de l'assemblée générale de la FRSEA, le 18 juin dernier. Luc Smessaert, membre du bureau de la FNSEA, Guy Fonteniaud, président de Charolais Horizon, Didier Laurency, président de Bourgogne du Sud, Fabrice Genin, président des JA de Bourgogne, et Damien Leclerc, directeur de la Chablisienne.
Tous partagent un même constat : la compétitivité de l'agriculture bourguignonne et française s'étiole, en Europe comme dans le monde, les gains de productivité s'essoufflent –alors que la productivité du travail s'accroît– et la production agricole stagne depuis quinze ans.
À qui la faute ? Luc Smessaert rappelait que lors de son congrès de Saint-Malo, la FNSEA avait clairement dénoncé les distorsions de concurrence. Des distorsions si manifestes et si importantes qu'une plainte a même dénoncé ce constat préoccupant au plus haut niveau européen. Et c'est en France que tout a commencé avec le coût du travail, les mises aux normes, des règles environnementales et sanitaires trop strictes, une manière très franco-française de laver plus blanc que nos partenaires européens... Pour le représentant de la FNSEA, ces problématiques renvoient également à la nécessité « de travailler la recherche, de renforcer l'autonomie alimentaire des exploitations, de faire évoluer la fiscalité, d'améliorer la gestion des risques et de progresser en matière de coûts de production ».

Un travail à mener collectivement


Sur le terrain régional, Guy Fonteniaud confirmait que « les exploitations comme les filières ont du mal à maintenir leur niveau de compétitivité, du fait de ces distorsions de concurrence qui ne facilitent pas l'équilibre des comptes ». Pour les exploitations, « la compétitivité passe par un travail technique de fond pour améliorer l'existant et répondre à la demande des marchés ». Mais la compétitivité, c'est aussi une affaire de filière et, sans stratégie partagée, pas de compétitivité mais une compétition interne contre-productive. « En s'organisant, de l'amont à l'aval, on devient compétitif sur les pays tiers, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas ». Pour Guy Fonteniaud, les enjeux sont clairement définis, « les éleveurs doivent investir dans les outils de transformation. Car la compétitivité n'est pas seulement liée à l'export. La transformation du 1er au 3e niveau a tendance à nous échapper, pourtant c'est avec elle que nous pourrons peser face à la distribution ». Il faut aussi penser à la proximité, au travail transversal entres filières végétales et animales. « L'interprofession a également un rôle important à jouer pour communiquer sur la filière bovine et progresser dans l'étiquetage, par exemple, lequel pourrait être beaucoup plus efficace vis-à-vis du consommateur ».

Le facteur limitant


Pour Didier Laurency, la première exigence, c'est déjà la capacité de production : il faut être capable de « faire le produit ». Et dans ce domaine, « le coût actuel du travail est un facteur limitant ». Ensuite, « il faut s'organiser à l'exemple de ce qui s'est fait avec Cerevia et Area ». L'une des clés de la compétitivité, c'est aussi de « décloisonner les filières, de rechercher des complémentarités et dépasser le clivage des régions pour trouver des alliances, car la taille permet de mieux maîtriser le marché ». À ces conditions, on pourra faire face à « la volatilité qui représente un vrai danger ». Reste que les filières céréalières comme les autres sont « confrontées à des normes qui nous pénalisent », insistait Didier Laurency, qui rappelait au passage l'importance de l'organisation collective pour conserver la maîtrise de la décision et de l'action. En matière de compétitivité il faut donc analyser d'abord l'existant : « quels sont les moyens dont on dispose par rapport aux autres ? Quelles marges de liberté et quelle possibilité d'utilisation du progrès technologique ? D'un point de vue politique, car la compétitivité dépend aussi des politiques publiques, quelle vision de l'avenir avons-nous ? »

S'organiser et se différencier


Pour la viticulture, Damien Leclerc rappelait que « notre marché, c'est le monde alors que l'on exporte dans 70 pays, il faut travailler l'image ». Et le scandale actuel très médiatisé, surtout à l'étranger, de la maison de négoce Labouré-Roi peut avoir des répercussions sur la filière. Là, comme pour d'autres productions « depuis vingt ans, nous nous organisons pour mutualiser les moyens », témoignait le directeur de la Chablisienne. « La force de notre vignoble, c'est son organisation de filière, avec des structures étoffées jusqu'à la commercialisation ». Et dans le domaine commercial, « la qualité et le marketing sont nécessaires pour être compétitif, il n'y a pas de place pour l'amateurisme ». Mais en dépit de tous les efforts « les contraintes peuvent représenter un problème de fond à moyen et long terme ». La compétitivité cela suppose aussi « d'être capable de se différencier par rapport à ses concurrents et de dépasser le niveau régional. L'organisation en Union permet de conserver le lien avec le producteur ». La compétitivité enfin, « est liée à la capacité d'adaptation aux changements du contexte, c'est valable pour les hommes comme pour les structures, ce qui suppose d'accepter la remise en cause ».

Se positionner sur le long terme


Fabrice Genin, représentant régional des Jeunes agriculteurs, estimait que la compétitivité passe « par le collectif, par l'organisation des filières ». Il alertait sur « la nécessité de faciliter l'appropriation des outils existant par les jeunes » qui n'ont pas participé de fait à leur construction. C'est en formant ces derniers, en cultivant « la confiance » et en assurant « la transparence » qu'on les amènera « à s'investir dans les outils collectifs ». Pour le représentant JA, « il ne faut pas avoir peur de complexifier les systèmes d'exploitation », la compétitivité peut être à ce prix et en plus « une trop grande simplification conduit à la diminution des actifs ». La compétitivité, « ce n'est pas seulement être compétitif sur les grands marchés internationaux, il nous faut aussi investir pour être compétitifs sur des filières où nous n'investissons pas assez comme les protéines végétales, par exemple ». Car la compétitivité participe également « d'une vision à long terme, de la capacité à voir ce qui peut se révéler commercialement plus intéressant pour répondre à nos besoins et limiter nos charges et notre dépendance à l'extérieur ». Certains choix s'imposeront peut-être à l'avenir, Fabrice Génin évoque ainsi l'éventualité qu'à moyen ou long terme « sur certaines productions gourmandes en intrants, nous ne pourront peut-être pas suivre très longtemps car notre compétitivité est assise sur notre haut niveau de productivité, un niveau que les Pays de l'Est atteindront forcément un jour et en plus, ils ont les hectares ».
La conclusion revenait à Francis Letellier, président de la FRSEA Bourgogne, « beaucoup de facteurs de compétitivité ne dépendent pas de nous ». Les facteurs extérieurs de la compétitivité, s'ils ne sont pas réunis, pèsent sur l'efficacité globale de l'ensemble économique. Les politiques (politique intérieure, Pac, choix de l'Union européenne), les réglementations, le coût du travail, le système social... Quand on parle de compétitivité, il faut d'abord « mettre en évidence les disparités entre les pays et travailler sur l'harmonisation des règlementations et des pratiques ». Les marchés sont diversifiés, les productions aussi, il faut donc « donner à tous les circuits la possibilité de se développer ».