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Grandes cultures

A la recherche des "blés d’or"

Le Sedarb et l’association "Graines de Noé" ont récemment organisé une
journée de formation sur les blés anciens au technopôle de Bretenières, en Côte-d'Or.
L’occasion d’aller au-delà du pain quotidien pour retrouver les saveurs
et la richesse de pains "précieux", qui restent à portée de mains
suffisamment expertes.
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Parmi les 144 variétés de blés anciens présentées sur le site de Bretenières, certaines ont traversé les millénaires. Les premiers jours de la domestication des variétés primitives remontent en effet à près de 12.000 ans. Il faudra par la suite des siècles pour que l’Homme apprivoise ces variétés anciennes. C’est dans le Croissant fertile, entre Afrique et Asie, de la Mésopotamie au Levant, que s’épanouissent les premières gerbes d’engrain sauvage et que l’Homme entreprend le long parcours de domestication de la céréale. A force de sélection, on passera de l’engrain au blé et, à chaque étape, la technique y gagnera ce que l’Homme y perdra en valeur nutritive et en diversité. « Il y a un siècle, les hommes consommaient 800 grammes de pain par jour et un litre de lait. Mais c’était un autre pain et un autre lait, le blé et le lait ont la même histoire ». Les propos de Jean-François Berthellot, paysan-meunier-boulanger, expert reconnu dans son domaine, sonnent juste quand il retrace l’épopée du blé. Invité par l’association Graines de Noé pour animer cette journée de formation sur les blés anciens, ce passionné sait captiver son auditoire et imager son propos. A l’écoute, des agrobiologistes paysans/boulangers, des céréaliers bio, des agriculteurs en parcours de conversion et des conventionnels qui s’interrogent et s’informent.

« Essayer, pratiquer, regarder… »


Depuis près de quinze ans, Jean-François Berthellot cherche « autre chose » que les variétés existantes, un savoir ancestral disparu bien sûr, mais également des graines à redécouvrir. Le paysan boulanger a littéralement mis la main à la pâte pour sélectionner de « nouvelles » variétés très anciennes après de multiples essais de panification. Aujourd’hui, après des années de pratique et d’expériences, rien qu’en caressant une poignée d’épis, à l’œil et au toucher, il sait si une variété de grain sera adaptée à la panification ou si elle s’exprimera mieux dans la confection de pâtes alimentaires.
Autodidacte du blé, ce fils de paysan « a tout appris en pratiquant » et tout appris sur le blé en travaillant à la main les variétés anciennes. « Chacun doit découvrir ce qui lui convient le mieux ». Dans ce domaine il n’y a pas de recettes toutes faites, tout est affaire de recherche personnelle d’abord, il faut « essayer, pratiquer, regarder… », retrouver les gestes et la connaissance qui se sont perdus au fil de la simplification de l’approche et de la sélection de variétés mieux adaptées à l’évolution de l’agriculture et aux exigences de la transformation industrielle. Jean-François Berthellot remonte à contre-courant en conseillant de rechercher d’abord « la variété la mieux adaptée au climat, aux pratiques, au sol et au pain que l’on veut faire ». « Une telle recherche ne peut se concevoir à grande échelle, mais par petites touches ». Ainsi, en massifiant la production, « le blé a-t-il perdu les qualités initiales d’un pain qui nourrit », assorties d’une diversité des goûts et d’une digestibilité sans pareil.

De l’engrain au blé d’or


Tout n’est cependant pas pour le mieux dans le monde des variétés anciennes, car « il ne faut pas chercher à faire de tout avec tout… », insiste le sélectionneur. Il faut trouver la variété la mieux adaptée à ses besoins. Ainsi l’amidonnier –« le père de tous les blés »– ancêtre des blés durs et des blés tendres, est d’une utilisation contraignante car il est solidement « vêtu », il doit être « battu » en conséquence. Très dur, il sera préférable de l’utiliser pour produire de la semoule. Plus productif que l’engrain, il allie le goût à la digestibilité et il est idéal pour les pâtes. Il vit bien sur des terres peu productives.
Aujourd’hui encore, « les poches de survivance » des variétés anciennes se trouvent naturellement dans des régions trop hostiles pour faire pousser du blé : la Haute-Provence, le Haut Atlas, les Abruzzes… L’engrain, « grand ancêtre de l’épeautre et du blé », est de faible rendement du fait que les épillets contiennent un seul grain, d’où son nom… Mais « il est adapté à survivre ». Très riche en magnésium, en phosphore, en calcium, en oligoéléments, il contient les huit acides aminés essentiels. Sa farine donne un bon goût de gâteau aux préparations culinaires, comme les crêpes ou les sauces.
On trouve aussi quelques petites merveilles dans ces variétés anciennes, comme cette variété espagnole, « grand blé, solide et prolifique qui a dû inspirer la chanson des blés d’Or ». Ou ce poulard, « au fort potentiel de rendement qui produit des pâtes fort digestes et de grande saveur ». C’est « le blé des éleveurs » pour ses qualités nutritionnelles et « son important volume de paille ». Et l’on reste songeur devant ces hautes et solides tiges de plus de 1,5 mètres qui ploient légèrement sous le vent. Voilà qui pourrait donner des idées en ces temps de sécheresse…





Zoom


La dénomination "blés anciens" regroupe les blés de pays et les premiers blés des sélectionneurs-semenciers jusqu’en 1945, date où la sélection des blés s’est clairement orientée vers l’agriculture intensive (à pailles courtes, notamment) et la transformation industrielle.


Les blés anciens possèdent des arômes forts et typiques. Ils sont mieux adaptés à la boulangerie artisanale, en particulier au levain. Riches en protéines, ils disposent aussi de tous les éléments leur conférant une meilleure digestibilité que les blés modernes. Leur gluten est plus facilement assimilé. De nombreuses variétés présentent l’avantage d’une bonne tenue sur tige. Les pailles hautes entrent alors en compétition avec les adventices, sans être sensibles à la verse. Avantage également des hautes tiges peu feuillues : le grain est nourri jusqu’en fin de cycle, même en cas de sécheresse et malgré l’épiaison tardive.


On trouve également des variétés très riches en protéines (jusqu’à 17 à 18 %) qui se révèlent très intéressantes pour l’alimentation animale. Celles qui ne sont pas adaptées à la panification produisent d’excellentes pâtes et pâtisseries. En conditions limitantes (sols pauvres, sécheresse…), les blés anciens sont mieux adaptés aux pratiques de l’agriculture biologique et leurs rendements en grains et en paille s’avèrent généralement meilleurs que ceux des variétés modernes.







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