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Bourgogne du Sud

Anticiper l'imprévisible

Le 10 décembre, le Colisée à Chalon-sur-Saône faisait le plein pour
l’assemblée générale de Bourgogne du Sud. Il faut dire que l’actualité
2009/2010 a été riche en projets. Les marchés restent imprévisibles.
2011 s’annonce déjà chargé avec notamment le projet de Parc national
Basse vallée du Doubs qui menace l’activité de la coopérative et de ses
filiales.
Par Publié par Cédric Michelin
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« En 2010, patatras ! Qui aurait pu prévoir pareil scénario ? ». Le rapport du président de Bourgogne du Sud capte immédiatement l’attention des six cents personnes présentes. « Bérézina de la Russie, de l’Ukraine, de l’Australie, de l’Argentine, cataclysme sur les marchés céréaliers... », Didier Laurency rassure, il ne s’agissait pas de la coopérative, ni même de la France. Tous deux ont d'ailleurs connu une récolte 2010 record en volumes. Heureusement d’ailleurs, car repoussant le spectre d’une nouvelle crise alimentaire mondiale, comme ce fut le cas en 2008. Les paysans du monde le savent bien : en agriculture, « rien n’est jamais acquis ». La société, elle, a parfois tendance à l'oublier.

Retournement des marchés



Pour parvenir à conserver une agriculture, il faut bien sûr suivre le volet économique des exploitations. La remontée des cours a bien eu lieu mais tardivement. La récolte 2009 atteint une valorisation finale de 118,50 €/tonne (€/t) pour le blé, de 110 €/t pour le maïs, 112 €/t et 102 €/t pour respectivement l’orge de brasserie de printemps et d’hiver, de 272 €/t pour le colza, de 92 €/t pour l’orge de mouture, 269 €/t pour le tournesol et de 300 €/t pour le soja. « Avec le retournement des marchés, tous sont en dessous des cours actuels ou même ridiculement bas pour le blé. Surtout, ils ne permettent pas de couvrir les coûts de production », regrettait Michel Duvernois, directeur, qui constatait les résultats déficitaires des exploitants. La situation n’est guère plus réjouissante côté laitier, viande bovine ou viticulture, qui connaît un recul de 30 % en volumes. L’année est « moyenne » pour les producteurs de légumes. La qualité est là, mais les prix, « avec quelques centimes de plus, ne sont pas euphoriques », voire « insuffisants », résumait le président.
Des résolutions pour soutenir les revenus des coopérateurs ont donc été actées en fin d’assemblée générale. Pour aider les coopérateurs, 60 % du résultat final seront redistribués sous forme de ristournes. Le solde, lui, consolidera les fonds propres de la coopérative, qui s’est désendettée par ailleurs.

Optimisme raisonné



« Ayant anticipé ces difficultés dès l’été 2009, la coopérative s’est engagée dans un plan de maîtrise des coûts et de réduction des dépenses », expliquait alors Didier Laurency. La baisse des charges approche les 10 %, permettant de clôturer l’exercice avec un résultat « correct ». Le résultat est précisément de 3.607.149 €. Le chiffre d’affaires, lui, est proche de 160 millions d’€ en recul de 10 % par rapport à l’année précédente et ce, malgré une progression des volumes collectés (+9 % à 561.000 t), une hausse des tonnages commercialisés (545.000 t) et une activité élevage en « fort développement ».
« Depuis le 1er juillet, on est passé d’un état d’esprit défaitiste à un optimisme raisonné », expliquait la veille en conférence de presse, Michel Duvernois. Un état d’esprit qui vaut aussi pour les investissements faits par les coopérateurs. Moralité : 2010 prouve encore une fois qu’il ne faut « pas se fier aux experts qui ne voyaient aucune raison d’avoir à nouveau des prix en hausse »…

Agriculture de précision



En concurrence sur un marché des céréales mondialisé, Bourgogne du Sud fait partie de Cérévia, 4e metteur en marché mondial. Nouvelle venue dans cette Union de vente, la coopérative Seine-Yonne ouvre « le Bassin parisien ». Ce débouché permet toujours « de se rapprocher des clients jusqu’à leurs portes (Egypte, Grèce...), changeant le rapport de force et la dépendance à un nombre limité d’acheteurs potentiels ». Cérévia permet aussi de ne pas vendre uniquement au départ Saône-et-Loire. Reste que la « monnaie de rentier », l'euro, pénalise les exportations au contraire du dollar, actuellement utilisé comme « une monnaie de combat » sur les marchés.

La compétitivité plombée



Ces circuits courts « exemplaires » n’évitent pas d’autres contraintes. En remplacement de la taxe professionnelle, « l’augmentation des taxes franco-françaises, plombant la compétitivité », oblige la coopérative à payer 750.000 € pour "pollution diffuse". Autres particularités nationales que la profession toute entière « a du mal à comprendre », Ecophyto 2018 ou les contraintes pour le développement du bio, avec des rotations culturales encore « durcies » en céréales. Les céréaliers hésitent donc. La rentabilité économique d'une conversion devient de plus en plus hypothétique. Pourtant, « il manque 60.000 ha en France. La filière bio importe et reste fragile », se désole la coopérative. Elle a pourtant déjà investi et possède une filière certifiée en céréales. En revanche, en viticulture, la progression du bio se confirme, bénéfique à l'image du métier et donc à la vente directe. Bien épaulés, les 550 viticulteurs adhérents ont accès à des conseils par le biais de contrats « du piquet à la vigne », mais toujours pas sur la vinification.
Au niveau de l’agriculture durable de précision, la coopérative vient récemment de s'engager dans le PIAE (plates-formes d’innovation agro-environnementales), avec d’autres, pour réaliser des expérimentations d'itinéraires techniques.

La menace du Parc national



Encore faudra-t-il avoir des terres pour mettre en application ces avancées ! Car, bien des coopérateurs sont menacés par le projet de Parc national Basse vallée du Doubs s’étendant sur 72.000 ha dans le secteur le « plus riche en potentiel de production » (voir en page 3). Les premières expertises font peur : la collecte réévaluée empêcherait de nourrir 400.000 personnes, dans un monde à la démographie galopante. L’approvisionnement et la pérennité de Daucy en légumes sont aussi menacés, puisque 50 % de sa collecte sont issus de cette zone. Idem pour le site d’Aiserey qui vient d'être redimensionné « avec des soutiens publics ! » Un manque de cohérence administratif dépitant donc.
Sorti « d’une boîte de polichinelle » par le Gouvernement, ce projet « n’a pas d’enjeux environnementaux, mais répond seulement à une obligation législative », fustigeait le président de la coopérative. « Incroyable même que l’attention de la profession à s’intégrer dans le Grenelle ces dernières années, se retourne contre elle ! », confiait-il.
Bouclant la boucle, il revenait à la charge sur les enjeux stratégiques de la sécurité alimentaire. « En quelques semaines, nous sommes passés d’une situation de stocks élevés à un risque de pénurie au niveau mondial. Cela montre toute l’importance de maintenir une production céréalière française », répétait le président. Avant de conclure, sans s'opposer à l'environnement, « la décroissance verte, mettant l'humain au rang des nuisibles, va démolir une activité bien assise : Ne cassons pas les outils ! ». Plus qu'un message, un véritable choix de société...


L'essentiel à retenir



Pour l’activité céréales :


- décision d’augmenter la capacité de stockage d’Ucosel Sud de 36.000 tonnes et la mise en service du nouveau séchoir sur ce site ;


- Extrusel va doubler sa transformation d'oléagineux en huile et tourteaux gras l'an prochain, passant à 80.000 t ;


- aménagement des capacités de stockage (22.000 t supplémentaires à Chalon en service pour la récolte 2011) ;


- construction d’un nouveau terminal céréalier de Fos-sur-Mer dans lequel la coopérative est engagée avec Cérévia. Ce nouveau terminal a une capacité de 55.000 t et donne accès à un quai de chargement en eaux profondes permettant l’accueil de navires avec un tirant d’eau et une capacité élevés. Ainsi, en novembre, ce quai a vu le chargement d’un bateau de 30.000 t d’orge de brasserie à destination de la Chine.


Au niveau des approvisionnements :


- lancement d’une nouvelle méthode de fixation du prix des engrais azotés par le biais d’un plan d’approvisionnement avec la centrale d'achats Transval. Fabriquée à Chagny par Philicot, la gamme Nutricoop (mash) rencontre un bon accueil chez les éleveurs adhérents de la coopérative ;


- développement des parts de marché sur le secteur de l’emballage en viticulture, confirme l’intérêt de la plate-forme de Savigny-lès-Beaune ;


- réaménagement complet du magasin de Sennecey-le-Grand au cours de cet exercice avec implantation d’un site de stockage de matières premières pour l’élevage et un nouveau bâtiment engrais vrac.


Enfin, on peut noter le franc succès du nouveau système de règlement proposé aux adhérents par le biais d’une facture et d’un prélèvement mensuel.


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