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Michel Duvernois, Bourgogne du Sud

Bon démarrage des cours

Mercredi dernier à Savigny-en-Valière (21), le directeur de la
coopérative Bourgogne du Sud, Michel Duvernois présentait les possibles
perspectives des marchés céréaliers. Retour.
Par Publié par Cédric Michelin
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L’an dernier, l’exportation française de blé aura été de 20 millions de tonnes (Mt) pour une collecte de 34 Mt. La Méditerranée reste un marché « énorme » et le Magreb représente 3 % de la population mondiale, mais 6 % de la consommation de blé et 18 % du commerce mondial. « À Fos-sur-Mer, vous verrez comment nous nous sommes équipés (en silos, ndlr) pour être plus proches de ces clients solvables, jeunes et d’avenir », indiquait Michel Duvernois, directeur de Bourgogne du Sud.

Un marché "positif"


Au niveau mondial, la consommation dépasse toujours la production. « C’est un marché positif » avec toujours plus de clients. Cette année au 10 mai, l’équilibre semble se faire entre production (670 Mt) et consommation. Les stocks sont chez les exportateurs « où on est sûr du compte et aussi en Chine, où on est sûr de rien ». Pour l’heure, il semble que la Chine soit touchée par la sécheresse. La Russie est, elle, revenue à une situation normale. Idem pour l’Ukraine et le Kazakhstan « même si ils sont un peu en retard, en ce qui concerne les semis de printemps ». Pour Michel Duvernois, dans toutes ces prévisions de récolte mondiale, le chiffre le plus « aberrant » est la hausse de 3 Mt produite en Europe. Les fondamentaux restent donc bons.

Pas de souci d’approvisionnement


D’autant que le rapport "stock/utilisation" sera « certainement au même niveau à la fin de la campagne 2011 que lors de la campagne 2010 », c'est-à-dire autour de 27,5 %. « Dès qu’on est au-dessus de 20 %, on n'a pas de souci pour approvisionner le marché », expliquait-il. Voilà les clients potentiellement rassurés…
Malgré cette « relative » sécurité, les prix Matif démarrent « pas mal » en 2011, à « déjà 240 €/t pour l’échéance novembre », soit le prix le plus élevé de ces cinq dernières années...

Tensions autour des maïs


Les prévisions sont bonnes pour la consommation de blé et de maïs. Toutes deux « n’arrêtent pas de monter ». Par contre, en maïs, « pour la troisième année de suite, la production serait inférieure à la consommation ». Résultat, les stocks baissent et le rapport stock/utilisation est lui « très bas », à 15 %, malgré une production record aux Etats-Unis. Ce pays est aussi en retard pour ses semis, empêchés au nord, par les pluies, et au sud, par le sec.
En Europe, le potentiel de production en maïs est actuellement « soit un scénario à la 2007 ou à la 2003 ». La prévision officielle de FranceAgriMer laisse donc perplexe avec ses +4 Mt...
En 2007, la coopérative avait fait son record de 113 q/ha de maïs « mieux que l’Alsace ». En 2003,un  record « dans l’autre sens », à 53 q/ha. Rien n’est donc gagné…

La Chine fera le marché du maïs


Pour Michel Duvernois, les marchés des maïs vont « suivre la Chine. Cette année, ils ont essayé de se cacher pour acheter. Ça s’est vu et les cours ont pris 20 €/t en un jour ». Le maïs est orienté à la hausse avec pour novembre 2011, des cours se situant déjà aux alentours de 220 €/t, des prix supérieurs à ceux des quatre dernières années.
« Il faut aussi garder les pieds sur terre. Même si je pense que cela ne peut pas baisser à un moment, ça s’arrête de monter », insistait Michel Duvernois. Solvabilité des clients oblige...

Quelles perspectives alors ?


« Ça va monter à moins que ça baisse », ne s’aventurait pas Michel Duvernois dans ses perspectives des cours à venir. Le climat en Europe n'aide pas à rassurer, à contrario de celui en Russie. Michel Duvernois préfère visiblement continuer d'observer : « est-on dans une période de croissance de l’économie mondiale ? Auquel cas, cela pourrait être baissier ». Aux Etats-Unis, « a priori », le programme Ethanol se poursuit. La consommation mondiale de viandes est à surveiller, tout comme la situation de la Mer noire, dont les pays du pourtours avaient décidé de ne plus exporter l’an dernier. Là-bas, les silos sont « pleins de blé ». Deux solutions alors : soit l’Etat russe veut des prix d’alimentation bas, en vue des élections de fin d’année ; soit la Russie veut reprendre la main sur les marchés mondiaux et « se faire pardonner auprès de ses acheteurs égyptiens », jamais livrés l’an dernier et contraints d’acheter au prix fort... Dans cette hypothèse, les prix du blé pourraient chuter de 30 €/t, prédit le directeur de la coopérative.
Seule conclusion concrète pour les adhérents : « si on imagine un revenu "pas terrible" de 150 €/ha, il faut faire 52 q/ha en blé à 200 €/t » sur les marchés. Les cours sont donc déjà supérieurs. « Déjà en place », la coopérative attend les moissons…

Retour sur la campagne blé 2010


« Je ne résiste pas au plaisir de vous commenter l’évolution du prix du blé de la récolte 2010, du mois de mai dernier à aujourd’hui. Car, durant la campagne, on observe des variations. L’explication ne vient que quelques jours après ». Le directeur pointait alors douze périodes « qui parfois n'ont rien à voir avec les règles traditionnelles de l’offre et de la demande ».
À pareille époque l’an dernier, Michel Duvernois pronostiquait « aucune augmentation possible » pour le prix du blé, alors à 145 €/t au Matif. Mauvaise intuition et tant mieux. Premier impact haussier avec la sécheresse en Russie - dès le 15 juillet - qui a « asséché les disponibilités de l’Ukraine et du Kazakhstan ». Les inondations en Europe du nord, avec des « qualités de blé déplorables » et en Australie ensuite, ont fait que seuls deux pays producteurs de blé meunier étaient en réelles capacités d’exporter au mois de décembre dernier : la France et les Etats-Unis. Quatre autres phénomènes se sont ensuite succédé. Fin septembre, « la date de clôture trimestrielle des fonds de pensions » de retraite a tout d’abord fait baisser les cours à la suite des ventes de positions sur les marchés boursiers et céréaliers. Puis ce fut au tour de deux « rumeurs » de hausse des taux d’intérêts en Chine, qui faisaient perdre 12 $ au marché. La mauvaise récolte en Argentine a retendu le marché blé pour l’alimentation humaine, entre Américains et Français. Début du printemps, la Révolution de Jasmin dans les pays du Maghreb a alors tiré à la baisse le marché mais dans une propension moindre que la baisse soudaine et « phénoménale » du tremblement de terre au Japon, provoquant « la panique à bord ». En une journée, les cours ont alors dévissé de 15 à 20 €/t pour cependant remonter peu après. Plus tard, les cours sont aussi revenus « un peu sur l’agronomie » au mois de mars avec des annonces de sec aux Etats-Unis. L’annonce du « gourou » gérant la banque Goldman Sachs incitant à vendre sur les marchés des matières premières, a une nouvelle fois, fait chuter les cours du blé. Dernier événement au mois de mai, « le dernier jour de l’échéance du marché à terme du blé, en une journée, on a vu 40 € de variations sur les prix et le cours de clôture par rapport au matin a été 27,75 € en plus. Record à battre ! », ironisait-il. Cela lui permettait de donner le conseil pour ceux "jouant" au Matif : « sortez tôt : Le dernier jour du mois qui précède l’échéance. Sinon, soit vous gagnez beaucoup, soit vous perdez beaucoup ».




Pétrole, dollar, euro


En colza, les cours sont « impactés par ceux du pétrole et du soja » avec des prix au Matif pour cette "nouvelle récolte" autour de 460 €/t. Des « prix pas trop vilains ». Mais, attention, « il faut se méfier, les prix du pétrole n’ont pas assez monté (112 $/baril) par rapport au colza » qui a lui « beaucoup plus grimper. C’est embêtant ». Si le pétrole est vraiment moins chers, les pétroliers préfèrent payer une amende plutôt qu’incorporer du diester. Les coûts des bateaux de transport sont eux aussi à prendre en compte. Plus « ils sont chers, mieux c’est pour nous » car cela affecte les contrats entre Afrique du Nord et Etats-Unis. Dernier grand paramètre, l’euro, dont la valeur est « toujours désespérante » à 1,40 $.