Coronavirus : Christiane Lambert rassure les Français
Les agriculteurs sont au rendez-vous et s’adaptent au changement des habitudes de consommation des Français induit par la crise. Une leçon dont il faudra tenir compte dans l’élaboration des politiques publiques, après la crise.

Près d’un mois après le début du confinement, les agriculteurs français sont toujours au rendez-vous pour assurer l’alimentation des Français. Certes, pas en première ligne comme les professionnels de santé, mais juste derrière pour qu’ils puissent se nourrir. Interrogée sur des craintes de pénurie, le 10 avril sur France Inter, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert a confirmé que toute la chaîne alimentaire était mobilisée (agriculteurs, salariés, transporteurs, transformateurs, distributeurs) pour éviter des ruptures d’approvisionnement. Et s’il peut y avoir ici ou là des rayons temporairement vides dans les grandes surfaces, c’est parce que les Français ont changé leurs habitudes de consommation. Ils se sont précipités sur les pâtes, la farine, le riz, les œufs, les légumes secs pour constituer des stocks et ont modifié leurs lieux d’achat. A la suite de la fermeture des restaurants et des cantines, le drive, les petites supérettes, les magasins de proximité ont bénéficié d’un afflux de clientèle, au détriment des hypermarchés, pour lesquels la fréquentation a diminué. Ainsi, les magasins de proximité urbaine ont vu leur clientèle progresser de 28 %, en zone rurale de 39 % et le « drive » de 65 % quand celle des hypermarchés a baissé de 14 % et même 24 % pour les plus grands. Les produits bio et locaux, ont la cote. Le panier moyen du bio a augmenté de 48 % !
Appel aux maires
« Les agriculteurs ont la capacité de répondre aux attentes des Français » a-t-elle assuré sur RMC, le 9 avril. Et si certains ont pu observer une augmentation des prix, Christiane Lambert l’attribue à la perturbation des circuits commerciaux et à l’origine française qui est désormais privilégiée par la grande distribution. « Les productions françaises sont soumises à des coûts du travail plus élevés, des normes sanitaires plus contraignantes que les productions concurrentes. C’est plus qualitatif et donc plus cher », a-t-elle rétorqué. Tout en soulignant qu’il ne fallait pas surestimer le dérapage des prix. « Une augmentation de 3 €/mois sur les 12 % que représente les fruits et légumes dans le panier de la ménagère », a-t-elle précisé. Reste que les marchés de plein air n’ont pas tous ouverts. Seulement 30 % d’entre eux sur les 10 000 qui existent dans notre pays. D’où l’appel aux maires de France et à son président François Baroin pour qu’il incite ses adhérents à donner leur accord à leur ouverture, dans la mesure où il existe un protocole sanitaire validé par les pouvoirs publics. L’appel de la FNSEA pour attirer les bonnes volontés à offrir leurs bras aux travaux des champs et pallier les travailleurs saisonniers d’origine étrangère a aussi porté ses fruits et au-delà de toute espérance. 240 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme « desbraspourtonassiette ». D’ores et déjà 5 000 d’entre eux ont pu trouver du travail pour participer aux premières récoltes de fraises et d’asperges et éviter de les jeter. « Il appartient maintenant aux employeurs de se déclarer », a déclaré Christiane Lambert.
De la place pour tous
Cette crise interpelle également sur notre modèle agricole. N’est-ce pas l’occasion de remettre en cause l’agriculture « industrielle », et de relocaliser la production agricole, en privilégiant les circuits courts ? Comme le lui a suggéré Ali Badou et un auditeur sur France Inter. Pour Christiane Lambert, notre modèle agricole dit « industriel » n’a pas que des défauts. Il permet de nourrir les Français dont 75 % des achats se font dans les grandes surfaces. Il permet aussi de satisfaire un courant d’exportation, vers la Chine pour les produits laitiers par exemple, et le pourtour méditerranéen pour les céréales qui ont de grands besoins et contribuer ainsi à l’équilibre alimentaire mondial. Pour autant, de nombreux agriculteurs ne boudent pas les circuits courts et le bio. « D’ores et déjà 25 % de la production agricole française est sous-signe officiel de qualité », a assuré la présidente de la FNSEA. En revanche, pas question d’ouvrir nos frontières à du poulet brésilien traité à l’eau de Javel et à tous les autres produits qui ne respectent pas les normes sanitaires imposées aux agriculteurs français. Quoi qu’il en soit, cette crise, observe Christiane Lambert, aura eu le mérite de réconcilier les consommateurs avec les agriculteurs et de mettre en exergue que « l’alimentation est stratégique ». Une leçon dont il faudra tenir compte notamment dans la future PAC qui est en cours de négociation. « Ceux qui pensent qu’on doit persister dans l’abandon des outils de régulation se trompent. Nous avons besoin d’outils d’intervention et de porter une attention particulière aux contingents d’importation », a-t-elle indiqué lors d’un point presse, le 10 avril.