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Drainage et environnement

Drainage d’idées reçues

Lors de la journée du 3 septembre à Mâcon pour avancer sur la définition d’une « Charte sur les zones humides et travaux hydrauliques ruraux », Antoine Villard, du service Sage de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, a détaillé les intérêts du drainage mais aussi, quelques inconvénients.
Par Publié par Cédric Michelin
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Les agriculteurs connaissent tous l’intérêt premier du drainage qui « permet d’élargir le choix de la culture (colza, moutarde…) sur les parcelles drainées et sur des semis de printemps précoces (orge, tournesol…) ». Autre point agricole observé : sur les parcelles nouvellement drainées, la chambre d’Agriculture a constaté « une augmentation des cultures d’automne (blé, colza…), mais aussi, une diminution des cultures de printemps (maïs…) », débutait Antoine Villard.
Faisant référence à l’actualité et les obligations de lutter contre la chrysomèle des racines du maïs, le conseiller rappelait que « la rotation des cultures pose problème essentiellement pour les parcelles non drainées ». En effet, le drainage élimine les excès d’eau. Résultats, le drainage diminue les risques d’asphyxie des racines en raison d’excès d’eau, évite le ralentissement de la vie microbienne, facilite la circulation du matériel et le travail du sol, lutte contre les adventices invasives et améliore le mauvais état sanitaire des plantes.
Avec l’amélioration de la praticabilité des terrains, les chercheurs ont constaté des changements dans les itinéraires techniques des agriculteurs. « Les interventions sont plus précoces au printemps, notamment pour le travail du sol et les semis de maïs. Pour mémoire, 10 jours de retard dans ces opérations peuvent induire une perte de 5 quintaux par ha », soulignait Antoine Villard.

Le drainage favorable à l’agriculture durable



Le fractionnement des interventions au niveau des doses d’azotes apportées ou encore lors du désherbage en post-levée des céréales militent en la faveur du drainage. La récolte en profite également et les semis sont plus tardifs à l’automne. « Il y a moins de risque de non récolte et de non semis à l’échéance. 15 jours de retard en blé et c’est une chute de 4 q/ha en moyenne ».
« Meilleure levée, meilleur enracinement, meilleure assimilation des éléments minéraux, meilleure résistance à la sécheresse en été, régularisation des rendements »… la liste est longue quant aux avantages du drainage limitant les risques de compactage et de battance des sols, notamment pour les maïs. Car oui, « le drainage est un préalable pour une agriculture raisonnée. Cela améliore la portance et permet d’intervenir en temps voulu », notamment pour le désherbage au printemps et pour les récoltes semi-tardives à l’automne. Régulariser les rendements en maïs, et autres cultures, restent délicats à quantifier puisque trop de paramètres dépendent du climat de l’année et de la date de semis. « En moyenne, on a l’habitude de dire qu’on peut obtenir + 10 q/ha sur la sole drainée. Arvalis cite aussi l’exemple de 14 q/ha pour les blés. Pour les fourrages, le gain approche + 500 à + 1.500 unités fourragères par ha ». Le drainage augmente aussi de 50 % la période des jours praticables en Bourgogne, permettant l’étalement des travaux. Des gains indirects se font jour ensuite, « on n’est pas obligé de "sur-dimensionner" le matériel car on garde une bonne capacité d’intervention, on économise sur les temps de travaux, sur les frais de récolte, sur les risques d’enlisement et on minimise les risque de non-récolte ou de non-semis à échéance », listait le conseiller grandes cultures.

Faut-il tout drainer ?



Antoine Villard s’interrogeait néanmoins sur « faut-il tout drainer ? ». Pour lui, pas forcément. « Drainer une partie de son exploitation, sécurise une partie des interventions. Le reste des parcelles ne peut se faire, de toute façon, en même temps ». Pour avoir « zéro risque » et pouvoir semer au moment voulu et récolter de même, « dans les zones "difficiles" des limons de Bresse, il faudrait drainer 80 à 90 % des parcelles », estime-t-il avec d’autres experts. Une donnée différente de celle pour sécuriser le niveau économique, quelque peu inférieure : « l’optimum se situant certainement entre la moitié et les deux tiers de parcelles drainées ». Actuellement, on estime qu’encore 40.000 ha restent à drainer en Saône-et-Loire.


Drainage et crue



En présence de drainage, 5 à 10 % de l’eau ruisselle contre 90 % sans drainage. L’exemple d’Arvalis à La Jaillère (44) – « avec, il est vrai, pas tout à fait le même climat » - le prouve, la parcelle drainée voit s’évacuer 260 mm en drainage et 30 mm d’eau par ruissellement tandis que sur la parcelle non-drainée, plus de 215 mm « partent » en ruissellement. « Ce qui est intéressant, c’est que la pointe de crue moyenne est atténuée par le drainage. En sortie de parcelle drainée, les mesures sur le collecteur montrent un débit de pointe de 4 m3/ha et par heure, évacuant 7,5 mm de pluie en 43 heures, alors qu’il faut 17 heures (avec un débit de pointe de 14 m3/ha/h) sur une parcelle non drainée pour évacuer l’eau par ruissellement ». La parcelle drainée fait office d’effet « tampon ».



Quel impact environnemental ?



« Il peut y avoir un impact négatif de l’assainissement agricole », reconnaît Antoine Villard. Le surdimensionnement des fossés de drainage, souvent « trop rectiligne » ou la suppression des fossés qui limitaient les crues, en font partie. Premier conseil donc : « Il faut bien dimensionner » les fossés ou bassins de stockage, écrêteur de crue. Deuxième conseil pour éviter le lessivage trop important des éléments solubles tels les nitrates : « on va jouer sur l’assolement et on va pouvoir mieux ajuster les pratiques agricoles ». La fertilisation azotée ainsi ajustée est possible grâce aux plan de fumure qui visent des objectifs de rendements réalistes. Les fractionnements et dates d’apports au plus près des besoins de la culture, contribue à éviter le lessivage de grande quantité d’azote, tout comme la couverture végétale en interculture (Cipan). « Il faut surtout ne pas laisser le sol nu qui a un impact beaucoup plus négatif que le drainage », compare Antoine Villard. Au niveau du phosphore, il y a moins de turbidité et de matière en suspension dans les eaux de drainage, les flux de phosphore sont bien inférieur et les pertes par les drains sont de l’ordre de 10 à 50 % des pertes annuelles.



Et pour les pesticides ?



Dernier point, le plus médiatisé et diabolisé, les relations entre drainage et pesticides. « La concentration et les pertes par drainage sont en général plus faibles que dans les eaux de ruissellement », commençait le spécialiste, poursuivant : « la concentration et les pertes par drainage sont variables et comprises entre 0 et 3 %, contaminant les eaux ». À l’aide de schémas, Antoine Villard expliquait le transfert des pesticides dans le sol qui « dans les parcelles drainées posent moins de problèmes que dans les sols sableux ou de graviers où là, rien ne les retient ». Le transfert des pesticides dans les eaux de drainage dépend donc de la date d’application et l’état hydrique de la parcelle. Évidemment, cela dépend aussi de la dose du produit employé, même s’il est à noter que « les molécules sont de plus en plus efficaces et le risque a été divisé par un facteur cent, niveau quantité ». Deux autres paramètres plus techniques sont à étudier : la mobilité des produits (en clair s’ils sont fixés par le sol ou soluble dans les sols) et la persistance des phyto à 50 jours (DT50). Dans l’essai d’Arvalis sur les flux moyens annuels, « on retrouve les molécules phytopharmaceutiques essentiellement en ruissellement sauf trois, davantage en drainage ». Les principales molécules retrouvées restent l’atrazine interdite et l’isoproturon, « d’où la réglementation » interdisant l’utilisation de cette molécule en période de drainage. Le Glyphosate se retrouve plus dans les eaux de ruissellement. « Il peut poser un souci surtout s’il est appliqué en période de drainage », notamment en février-mars. « Il ne faudra pas utiliser les mêmes produits en zone drainée ou non. Il faudra regarder les dates de traitements ».