Engraisser des bovins femelles rien qu’à l’herbe, c’est possible !
En optant pour du pâturage tournant, des éleveurs parviennent à engraisser des femelles à l’herbe sans complémentation. La Chambre d’agriculture et Alsoni suivent plusieurs exploitations depuis deux ans. Les résultats du printemps 2019 sont encourageants.

Au printemps 2020, la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et Alsoni Conseil Elevage suivront pour la troisième année consécutive des femelles engraissées rien qu’à l’herbe. Tout a démarré en 2018 lorsqu’accompagné par la Chambre d’agriculture et Alsoni, un éleveur du Charolais (Guillaume Mateuil) avait fini un lot de vaches rien qu’à l’herbe pâturée. Les performances élevées de ce premier essai se sont d’emblée révélées prometteuses. En 2019, le suivi a été élargi à six exploitations du Charolais et de la Bresse, histoire de voir si ce qui avait été observé sur les prairies à bon potentiel d’Oudry pouvait être confirmé dans d’autres terroirs. Au total, ce sont 36 génisses et 43 vaches de réformes qui ont été engraissées dans le cadre de ce suivi. Des femelles qui, pour la plupart, ont été finies au pré sans complémentation.
« Entre mars et juin, les vaches engraissées 100% à l’herbe – sans aucune complémentation - ont pris entre 84 et 149 kg en 120 jours », décrit Arnaud Godard, d’Alsoni. Cela équivaut à une croissance comprise entre 900 grammes par jour et 1.600. Les moins bonnes performances correspondent à des vaches âgées. Ces femelles sont passées d’une note d’état corporel de 2 – 2,5 à 3 – 3,5, complète Sarah Besombes de la Chambre d’Agriculture.
Des croissances élevées rien qu’à l’herbe
Pour les génisses, « les performances vont du simple au double : 900 à 1.950 grammes/jour pour une prise de poids allant de 82 à 200 kg », rapportent les techniciens. Ces croissances s’accompagnent d’une forte prise d’état : jusqu’à 1 point avec des notes atteignant 3,5 - 4. « Une croissance de plus de 1,5 kg rien qu’à l’herbe, c’est beaucoup ! », commente Arnaud Godard qui rappelle « qu’en bâtiment, pour atteindre 1,3 kg, il faut déjà donner beaucoup d’aliment ». Contrairement aux vaches qui ne font qu’engraisser, les jeunes femelles consacrent aussi une partie de l’herbe ingérée à leur développement, précisent toutefois les techniciens.
Dans chaque exploitation, la valeur de l’herbe ingérée était proche de 1 UF avec un pic à plus de 1 en avril. Des valeurs dignes d’un aliment du commerce. Les performances des 43 vaches suivies confirment que la croissance se dégrade avec l’âge. Les vieilles vaches peinent à faire de la croissance et c’est encore pire si elles élèvent un veau, signalait-on. Pour de meilleures performances, la note d’état idéale au départ se situe vers 2, estime Sarah Besombes.
Marge sur coût alimentaire intéressante
Le bilan de l’essai 2019 indique, pour les femelles engraissées rien qu’à l’herbe, un poids moyen de 845 kilos vif atteint avec un GMQ moyen de 1,4 kg par jour sur une durée moyenne d’engraissement de 127 jours. Le poids de carcasse moyen est de 448 kg avec un rendement de 54%. « Ce sont des résultats corrects », commente Sarah Bésombes qui fait état « d’une marge sur coût alimentaire intéressante de 392 € par animal ».
Pour parvenir à ce résultat, les éleveurs ont effectué une mise à l’herbe très précoce à moins de 350 degrés (somme de températures cumulées). Le pâturage tournant est alors obligatoire, sur un minimum de 5 paddocks, recommandent les techniciens. La conduite est à réserver à des vaches vides et sans veau. Ces femelles ne doivent pas être trop vieilles et leur état corporel supérieur ou égal à 2. « Il faut se fixer un objectif de croissance minimum de 1.000 grammes par jour et il faut aussi définir un objectif vache tuable avec un état corporel de minimum 3 et tenant compte du prix du marché », conseillent Sarah Besombes et Arnaud Godard qui rappellent qu’avec des vaches standards, ce sont les derniers kilos qui coûtent les plus chers à produire. Enfin, les femelles engraissées à l’herbe printanière ont besoin d’un peu de fourrage grossier à disposition, complètent les deux experts qui ajoutent que ces femelles n’ont pas besoin d’être beaucoup complémentées en hiver vu les performances à l’herbe. L’expérience sera reconduite ce printemps 2020 avec les éleveurs volontaires.
Gaec Dubrion à Ciry-le-Noble : un GMQ de 1.600 grammes par jour rien qu’à l’herbe

Le Gaec Dubrion est l’une des six exploitations à avoir expérimenté la finition à l’herbe de femelles au printemps 2019. Sur une exploitation de cent hectares toute en herbe, Jean-Baptiste Dubrion et son épouse élèvent un cheptel de 75 mères charolaises ainsi que 38 chèvres et trois vaches laitières pour un atelier de transformation fromagère. Les mâles charolais sont valorisés en broutards et en taurillons d’herbe. Les femelles sont toutes engraissées et valorisées en filière label rouge Charolais Terroir. Le Gaec s’est lancé dans le pâturage tournant il y a deux ans en suivant la formation dispensée par la Chambre d’agriculture. Au printemps dernier, 22 femelles vides dont 13 génisses de deux ans et 9 vaches de réforme âgées de 3 à 8 ans, ont été engraissées à l’herbe en pâturage tournant. Le lot a tourné sur une parcelle de 7,5 hectares découpée en 7 paddoks de 0,8 ha chacun desservis par deux couloirs d’1 ha chacun. « J’ai fait tourner les animaux tous les trois jours. A un moment donné, la pousse de l’herbe a pris de l’avance et j’ai du court-circuiter deux paddoks que j’ai récoltés en fauche précoce vers le 20 mai. Cela m’a donné un super fourrage ! J’avais aussi fait tourner des génisses de 18 mois sur une parcelle divisée en quatre. Mais la rotation a été plus difficile à gérer ; il faut davantage de paddoks », confie Jean-Baptiste. Au niveau des performances, les génisses de 2 ans, engraissées au pré (lâchées le 5 avril), ont réalisé un GMQ moyen de 1,13 kg/jour gagnant ainsi + 106 kg de poids supplémentaire entre le 16 mars et le 24 juin. Leur note d’état corporel est passée de 2,5 à 3. Le GMQ des vaches a quant à lui atteint 1,6 kg par jour pour une prise de poids de + 134 kg. Les vaches ont été lâchées dès le 26 mars et leur engraissement a duré jusqu’à mi-juin. Leur note d’état corporel est passée de 2,5 à 3,5. « Avant, nous complémentions nos femelles avec 2 kg d’aliment à partir du 15 mai pour un abattage vers juin-juillet. Or nous avions remarqué que celles qui mangeaient moins se finissaient comme les autres… C’est ce qui nous a donné envie de les engraisser rien qu’à l’herbe », explique Jean-Baptiste qui ajoute que son chevillard n’a pas relevé d’écart d’engraissement entre les bêtes finies rien qu’à l’herbe et celles qui étaient complémentées.
Les autres exploitations suivies en 2019 étaient le Gaec Vincent à Rancy, Thierry Préaud à Digoin, Guillaume Mateuil à Oudry, Simon Dumontet à Saint-Aubin-en-Charollais, l’EARL Demeule Frédéric à Rigny-sur-Arroux.