Grande culture
Evolution du rendement des plantes
L’étude de l’évolution du rendement des plantes de grande culture sur les 20 dernières années, montre un ralentissement de son augmentation sur certaines espèces alors que d’autres ne semblent pas ou peu affectées. L’Académie d’agriculture de France, dans sa séance du 5 mai 2010, a analysé diverses causes possibles : ralentissement du progrès génétique, pression parasitaire, contribution de la PAC à la modification des itinéraires techniques avec des économies d’intrants, dégradation de la fertilité des sols, déplacement de la zone de culture. L’effet climat parait dominant et le plus marqué, notamment le réchauffement climatique dont l’impact s’avère différent selon les espèces.
L’augmentation de rendement des plantes de grande culture, quasi linéaire aux déviations climatiques près, est le résultat de l’action combinée de l’amélioration génétique des variétés et de l’amélioration des techniques culturales. Mais sur les 20 dernières années on observe un ralentissement de cette amélioration pour le blé d’hiver, l’orge d’hiver, le colza, alors que l’orge de printemps, la betterave, le maïs semblent peu affectés, le tournesol ayant un comportement intermédiaire. Pour les céréales d’hiver cela est aussi observé dans d’autres pays d’Europe. Pour le blé d’hiver les rendements devraient être de 14 q/ha plus élevés que ceux observés et pour le colza de 4-5 q/ha de plus que ce qu’ils le sont, à la limite de signification.
Chez les espèces qui plafonnent (blé, colza), le progrès génétique semble bien continuer au même rythme, si on compare le rendement par rapport à un témoin constant, mais la valeur des témoins diminue régulièrement depuis 15-20 ans. Cela montre une évolution des conditions environnementales, incluant l’évolution des itinéraires techniques et un possible changement du climat. Pour le tournesol l’apparition de maladies comme le Phomopsis helianthi et l’émergence de nouvelles races de mildiou a masqué le progrès génétique.
La PAC pourrait avoir contribué à une évolution des itinéraires techniques avec des économies d’intrants : culture sans labour, diminution des fumures azotées et des pesticides, utilisation de semences à la ferme. La culture sans labour, qui s’est développée plus sur le blé et le colza que pour la betterave et le maïs, n’aurait qu’un faible impact, de l’ordre de 1 q/ha, sur le rendement. La fumure azotée, qui a diminuée de l’ordre de 10% sur toutes les espèces, est mieux optimisée, mais la réduction combinée avec le fractionnement pas bien optimisé pourrait entraîner une diminution du rendement de 2 à 3 q/ha. Chez le blé la réduction des fongicides ne peut pas expliquer une réduction importante des rendements, car les variétés sont devenues plus résistantes, mais on a noté une efficacité moindre de certains fongicides vis-à-vis de la septoriose. L’auto-approvisionnement en semences existe depuis longtemps et ne peut être la cause d’une réduction du rendement chez le blé, mais pourrait être un facteur du ralentissement chez le colza.
Une dégradation progressive de la fertilité des sols peut être en cause (structure physique, acidification, moins de matière organique…). Le facteur essentiel pour le blé parait être le changement de précédent (colza remplaçant le pois protéagineux), avec un effet variable de l’ordre de 3-4 q/ha.
Le déplacement de la zone de culture d’une espèce peut affecter son rendement lorsque les surfaces en cause sont importantes. Par exemple, pour le tournesol le ralentissement de la progression des rendements a certes accompagné une baisse des surfaces depuis les années 90, mais c’est la quasi disparition de la culture en Bourgogne, Champagne Ardennes et sa diminution dans le Centre, régions où le potentiel de rendement est supérieur à celui de Poitou-Charentes et Lauragais, qui est l’explication.
Pour le blé et le colza la somme de tous les effets précédents est insuffisante pour expliquer la perte de rendement par rapport à ce qui était attendu. Plusieurs faits ou arguments sont en faveur d’un fort effet climat avec l’augmentation des températures. Le rendement des variétés de blé cultivées en conditions optimales est lié négativement à la température, c’est ce qui est observé dans la moyenne des essais variétaux, qui reflète ainsi la tendance nationale. La réduction d’intrants et l’effet rotation ne sont pas les facteurs principaux, l’effet principal apparaît être celui du climat. C’est ce que montre l’approche statistique introduisant la variable température moyenne en plus de la variable année, qui montre un effet négatif très significatif de la température pour le blé et le colza, confirmé par des simulations à partir de modèles agro-physiologiques pour le blé. La température expliquerait une perte de rendement de 4 à 8 q/ha pour le blé et de 2 à 4 q/ha chez le colza sur 15-20 ans.
La comparaison des cultures de printemps (blé, orge de printemps, maïs, betterave) et des cultures d’automne (blé et orge d’hiver, colza) montre l’effet de l’augmentation de la température : ralentissement de l’évolution des rendements pour les seules cultures d’hiver et progrès continu pour les cultures de printemps, particulièrement pour la betterave. Les cultures d’été sont favorisées par la possibilité de semis plus précoces, alors que les cultures d’hiver sont défavorisées par la diminution nette de la photosynthèse au moment du remplissage des grains (plus de photorespiration) et risque d’échaudage accru chez le blé. Chez le colza, à rayonnement égal l’augmentation de la température diminue le nombre de siliques par plante et le nombre de grains par silique. Le maïs bénéficie aussi de semis plus précoces permettant la culture de variétés plus tardives avec un rendement qui continue à croître (efficience de la conversion de l’énergie lumineuse insensible à la température, plante en C4).
Ainsi le réchauffement climatique explique bien les évolutions de rendements observées chez plusieurs espèces avec des effets différents selon les cultures de printemps et de celles d’automne Pour le blé et le colza l’augmentation de la température apparaît comme le facteur qui contribue le plus à la réduction des rendements, avec cependant une part non négligeable de l’évolution des itinéraires techniques. Ces effets demandent à être confirmés par des études plus analytiques, mais il convient de prendre en considération cette évolution du climat à plusieurs niveaux : choix des espèces, critères de sélection d’une espèce et itinéraires techniques.