« Il faut que les fruits et légumes deviennent d’intérêt public »
La Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) tiendra son congrès annuel les 13 et 14 février à Champagne-au-Mont-d'Or (Rhône). Un congrès qui s’ouvre alors que la filière arboricole se trouve face à des enjeux de taille : sanitaire, main-d’œuvre, renouvellement des générations… Sa présidente, Françoise Roch, arboricultrice dans le Tarn-et-Garonne fait le point à une semaine du congrès.

Dans quel état d’esprit abordez-vous le congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) 2025 ?
Françoise Roch : « Je suis toujours très heureuse de me rendre à un congrès. C’est l’occasion de voir des producteurs de fruits de toute la France, de prendre la température et de voir dans quel état d’esprit ils se trouvent. Le congrès est un véritable moment d’échange. C’est une étape primordiale pour nous permettre d’encore mieux avancer après, de faire remonter les problématiques de terrain, de faire passer le bon message à nos élus politiques, même si actuellement la situation est un peu particulière. Participer à un congrès est toujours un plaisir. »
L’un des enjeux de la filière est le sanitaire et la disparition de certaines molécules. On pense forcément à la Drosophila suzukii. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
F. R. : « Il y a eu une très grosse erreur politique de commise quand l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est devenue juge et partie et qu’il n’y a plus eu de visa politique concernant ses décisions. Nous sommes le seul pays européen à avoir ce fonctionnement. Tous les autres pays ont ce visa politique sur les services sanitaires. C’est à mon sens primordial. Avant toute disparition de molécules, il faut que les arboriculteurs aient les moyens nécessaires de produire et qu’ils aient une alternative économiquement et techniquement viable. Nous sommes le pays le plus démuni au niveau européen. Des décisions politiques sont prises sans les avis des professionnels, alors que la recherche a permis de faire avancer beaucoup de choses sur les produits phytosanitaires. »
Quels sont les risques pour l’arboriculture ?
F. R. : « Nous sommes l’une des filières les plus touchées car nous sommes sur une culture pérenne. Nous ne pouvons pas, par exemple, compter sur des rotations de cultures. Avec le changement climatique, de nouvelles maladies et de nouveaux parasites apparaissent. Au fil des années et sans moyen de lutte efficace, nous perdons du rendement, nos coûts de production augmentent quand le marché des grandes et moyennes surfaces (GMS) se concentre depuis une vingtaine d’années. C’est la course au prix bas. Nous n’y arrivons plus. »
Quelles sont les revendications de la FNPF ?
F. R. : « Il faut qu’il y ait une reprise en main de l’Anses pour que nous puissions retravailler la question du phytosanitaire plus sereinement. En ce sens, nous fondons beaucoup d’espoir dans le projet de loi pour lever les entraves à l’agriculture présenté notamment par le sénateur de Haute-Loire, Laurent Duplomb. Il est important que les producteurs interpellent leurs parlementaires, députés et sénateurs, pour que cette proposition se concrétise. Nous devons, par ailleurs, continuer à expliquer le risque que nous prenons à vouloir un pays plus vert que vert, même si nous sommes d’accord que l’écologie est importante et que les agriculteurs en sont les premiers acteurs. Il est enfin primordial que l’État prenne ses responsabilités et continue à soutenir notre filière. Le plan souveraineté fruits et légumes a permis de déployer de faibles moyens, alors que sur le terrain les besoins sont forts. Nous avons besoin d’un guichet pérenne pour les aléas climatiques et de moyens pour nous protéger des insectes ou encore renouveler nos vergers, mais 30 % de l’enveloppe ont été sucrés pour des raisons budgétaires. Aujourd’hui, il est difficile de construire sur le temps long. En France, nous avons l’agriculture la plus saine au monde. Il faut que les fruits et légumes deviennent d’intérêt public et remettre l’alimentation au centre des dépenses. »
L’une des tables rondes du congrès est consacrée aux fraudes. Sont-elles plus nombreuses aujourd’hui ?
F. R. : « Nous avons une certitude : les consommateurs français veulent acheter Français. Toutefois, ils doivent être très vigilants car nous faisons face à un phénomène grandissant qui est celui de la francisation. L’origine France est affichée alors que les fruits vendus sont étrangers, que ce soit dans les GMS, parfois par négligence, ou sur les marchés de détail. L’État semble être de plus en plus vigilant à ce sujet et nous le sommes. »