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Les Rencontres À Table !
Syndicat caprin de Saône-et-Loire

La filière caprine fermière est victime de son succès

La filière caprine fermière se porte relativement bien en Saône-et-Loire. Les installations compensent les départs et les éleveurs caprins sont demandeurs de main-d’œuvre. Malheureusement, ce dynamisme empêche les éleveurs de lever la tête du guidon. Pourtant, il faut bien une mobilisation collective pour défendre une production fermière toujours vulnérable. 

Par Marc Labille
La filière caprine fermière est victime de son succès
Employer de la main-d’œuvre impose un certain nombre de contraintes et d’obligations légales, mais des structures comme le service emploi et paye de la FDSEA sont là pour accompagner les agriculteurs.

« La filière fermière n’est pas très grosse, mais elle constitue l’un des rares secteurs d’élevage où l’effectif se maintient avec une vraie dynamique d’installation et même d’embauche », introduisait Jean-Philippe Bonnefoy, le président du syndicat caprin en assemblée générale de 23 janvier dernier à Frontenard. « Avec deux AOP dans le département, des consommateurs en recherche de produits locaux et un savoir-faire brillant avec des médailles d’or sur les concours », la filière fermière ne manque pas d’atouts, poursuivait le président. Il évoquait aussi les « liens privilégiés entretenus avec les consommateurs », comme autant d’occasions de « passer des messages dans un cadre apaisé ». Mais devant la poignée d’adhérents d’un syndicat qui en compte une trentaine seulement, Jean-Philippe Bonnefoy regrettait que les actions collectives menées au niveau départemental ne déplacent pas davantage d’éleveurs de chèvres. GIEE Lait’s Goat, projet Cap Climat Territoire, groupe Cabri +… : les initiatives n’ont pas manqué ces dernières années, mais elles peinent toujours à mobiliser. Et ce sont plutôt les exploitations « qui se débrouillent le mieux » qui adhèrent à ces démarches sans qu’elles profitent aux élevages qui rencontrent des difficultés, se désolait le président.


« Une porte d’entrée sur tout un réseau… »


Le syndicat caprin fonctionne grâce à une convention avec la chambre d’agriculture qui lui permet de bénéficier d’une assistante et d’une animatrice. Il se fait le relais de projets nationaux s’inscrivant dans l’adaptation au changement climatique ou la valorisation de la viande de chevreau… Ses adhérents bénéficient de tarifs préférentiels sur des produits d’hygiène (Farago) ou la revue spécialisée La Chèvre. Le syndicat caprin dépend aussi de la Fédération Nationale des Éleveurs Caprins (Fnec). « Notre syndicat est une porte d’entrée pour tout un réseau », résumait Jean-Philippe Bonnefoy. « L’Anicap – interprofession caprine finance de nombreuses actions nationales. Ce sont beaucoup de connaissances techniques qui redescendent aux territoires et doivent aller dans les fermes ».


« Sortir de sa ferme… »


La difficulté à mobiliser les troupes s’accompagne d’une situation économique délicate pour le syndicat caprin. Aussi, l’objectif est-il de ne pas perdre d’adhérent, révélait Jean-Philippe Bonnefoy. Évoquant les élections aux chambres d’agriculture, le président poursuivait son plaidoyer pour l’engagement collectif en invoquant le besoin de jeunes. Il mentionnait aussi le côté « enrichissant » pour un éleveur qui grâce à ses responsabilités, à l’occasion de « sortir de sa ferme ». Et pour enfoncer le clou, un autre éleveur prenait l’exemple du lait cru, spécificité fermière qui est constamment remise en cause au profit de la production industrielle toujours prompte à imposer ses règles. « Tout seul, on n’arriverait pas à le défendre. Aux États-Unis, tout est déjà pasteurisé. Dans nos fermes, on utilise du lait cru sans y penser. Mais si jamais une nouvelle norme venait à compromettre cette pratique… », renchérissait le président.


Le sanitaire au menu de 2025


En 2025, le syndicat caprin a notamment prévu une demi-journée technique le 6 novembre prochain pour évoquer les alertes sanitaires et la réglementation à venir. Elle sera organisée avec la DDPP, le GDS 71 et Guillemette Allut, technicienne spécialisée dans la transformation fromagère. En 2025, la fréquence des autocontrôles de matière première devient mensuelle. La profession a la volonté de « réfléchir à son plan de maîtrise sanitaire et de l’adapter au fil de l’eau ». À l’échelon national, les fromagers en vente directe demandent une dérogation à la loi EGAlim. De même qu’ils se mobilisent pour échapper à la loi Agec (anti-gaspillage) qui vise à limiter le volume d’emballages dans le commerce de masse. Enfin, la valorisation de la viande de chevreaux constitue un gros dossier pour la filière caprine fermière. La démarche Cabri Plus promeut l’engraissement des chevreaux à la ferme ainsi que leur valorisation en circuit court (nous y reviendrons dans une prochaine édition).

 

Main-d’œuvre : un sujet que connait bien « la Guyotte Ferme Bressane »

Main-d’œuvre : un sujet que connait bien « la Guyotte Ferme Bressane »

Sur leur exploitation produisant fromages de chèvres, volailles de Bresse et bovins charolais à Frontenard, Delphine Cuvillier et Joseph Sachetat emploient huit salariés. Et à l’approche des fêtes de fin d’année, la ferme fait travailler une vingtaine de personnes. « Un salarié, c’est compliqué, mais quand on en emploie plus d’un, on maîtrise », résumait Joseph Sachetat. Les deux associés ne délèguent rien de ce qui concerne la gestion de leur main-d’œuvre, font-ils valoir. Ils possèdent même une pointeuse, comme à l’usine ! « Annualisation du temps de travail, prime de répartition de la valeur, retours réguliers aux salariés sur les résultats techniques de l’élevage… » : les questions de main-d’oeuvre n’ont plus de secret pour « la Guyotte Ferme Bressane » !

Cécile Parent, FDSEA : « être employeur, c’est un métier ! »

L’organisation du travail était le thème de cette assemblée générale du syndicat caprin. Cumulant les activités d’élevage, de transformation et de vente directe, la filière fromagère caprine est gourmande en main-d’œuvre. Alors que le nombre d’exploitants diminue et que le renouvellement des générations est difficile, la Saône-et-Loire emploie 14.000 salariés agricoles. « On s’attend à une augmentation du salariat dans le département », indiquait Cécile Parent, responsable du service emploi et paye de la FDSEA. « Quand on perd 1.000 exploitants, on gagne 1.000 salariés dans le même temps », confirmait pour sa part Luc Jeannin.
« Être employeur, c’est un métier ! », synthétisait Cécile Parent. De fait, la gestion de la main-d’œuvre est complexe, tant au niveau administratif, qu’organisationnel et humain. Et c’est bien pour cette raison que faire appel au service emploie et paye de la FDSEA n’est pas un luxe. Avant de recruter, il faut être très vigilant sur le besoin. « C’est à vous de déterminer votre besoin et pour cela, il faut connaître votre exploitation, votre équipement et construire une fiche de poste », expliquait Cécile Parent. C’est une étape incontournable avant de réaliser l’annonce, d’établir le contrat, etc. La fiche de poste est une étape clé dans l’embauche. Elle permet littéralement de « classer le salarié » dans une grille spécifique. C’est un outil indispensable pour lister les compétences, les missions et pour calculer la rémunération, expliquait Cécile Parent. Vient ensuite le choix du contrat (CDD, CDI, intermittent….). L’intervenante évoquait au passage le Tesa simplifié qui, pour les CDD de moins de trois mois, rend les démarches beaucoup moins contraignantes qu’auparavant. La profession a obtenu des allègements considérables avec des baisses de charges patronales appréciables, informait Cécile Parent. Employer des salariés sur sa ferme requiert aussi un minimum de compétences « managériales ». Même à l’échelle d’une ferme, Cécile Parent parlait de « dialogue social », avec la nécessité de « créer des moments conviviaux… », comme autant de prévention d’éventuelles tensions ou ruptures… Elle signalait « le plan individuel de formation » pour lequel, les employeurs bénéficient d’une aide. Dans l’organisation quotidienne de travail, anticipation, consignes claires, contrôles et sanctions font partie du job de l’employeur. La communication est essentielle. Remarques constructives et compliments sont opportuns. Un entretien annuel est important, mais pas obligatoire. En revanche, l’entretien professionnel, tous les deux ans, est obligatoire. Il fixe les besoins en compétences et formation, indiquait Cécile Parent.