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Les Rencontres À Table !
Portrait

La vigne de père en fille !!

Tiphaine Gaguin n’a pas peur des préjugés et heureusement car, même si les mentalités ont évolué, une fille sur un enjambeur cela fait toujours parler. Portrait.

La vigne de père en fille !!

Née en 1996, Tiphaine a grandi au milieu des vignes de « Papa » à Saint-Gengoux-de-Scissé. Et mise à part pour ses études (et encore), Tiphaine n’a jamais quitté son village. La vigne n’a pas toujours été une évidence professionnelle pour elle car, plus jeune, cela ne l’attirait pas vraiment malgré l’obligation d’aller aider pendant les vacances. « Je n’ai pas tout de suite su ce que je voulais faire. J’ai fait mes études un peu au fil du vent », avoue celle qui a obtenu un bac comptabilité avant de faire un BTS Assistant manager. 

L’heure a sonné !

Et puis le temps passe. Et pas seulement pour Tiphaine, mais aussi pour son papa Pascal qui commence à évoquer la retraite. C’est à ce moment que le déclic a lieu pour Tiphaine. « Quand mon père a parlé de retraite, je ne savais toujours pas ce que je voulais faire précisément mais la vigne m’attirait bien plus que quand j’étais enfant, ma vision avait bien changé, alors je me suis lancée ! ».  Tiphaine a alors passé un BPREA à Davayé avant de se lancer dans les démarches à l’installation. « L’installation est un processus assez long, on ne devient pas agriculteur du jour au lendemain. Il y a pas mal d’administratif et ce n’est pas toujours facile à comprendre ». Malgré les difficultés, Tiphaine n’a jamais renoncé et elle est officiellement installée depuis 1er janvier dernier. À ce jour, Tiphaine est double active, tantôt salariée chez son père, tantôt viticultrice à son compte. « Cela me permet de m’assurer un revenu minimum le temps de me lancer, c’est toujours rassurant. Pour l’instant, je ne me rends pas vraiment compte du changement car mon exploitation, celle de mon père et celle de mon frère fonctionnent ensemble ».

Une organisation familiale

Depuis le 1er janvier, Tiphaine est agricultrice, viticultrice plus précisément, avec 6,8 hectares de vignes dont la vendange est commercialisée via la cave coopérative de Lugny. « J’aime beaucoup la vigne mais je n’ai pas d’attrait pour la vinification. C’est une autre organisation quand il faut faire son vin soit même et le vendre. C’est pour ces raisons que je suis coopératrice à la cave de Lugny ». Et d’ailleurs en parlant d’organisation tout est plutôt bien réfléchi dans la famille Gaguin. Tiphaine et son frère ont chacun leur exploitation mais travaillent ensemble. Leur père Pascal, qui a aussi son exploitation, est propriétaire du matériel nécessaire à l’entretien des vignobles. Il réalise de la prestation de service chez ses enfants qui sont tous deux salariés à mi-temps chez lui. Et quand on parle d’avenir, tout est assez clair dans la tête de la jeune femme. « Au moment où mon père prendra sa retraite, on reprendra son exploitation avec mon frère. Une ou deux entités différentes on ne sait pas encore vraiment, mais une chose est sûre c’est que nous voulons que ça reste dans la famille ».

Au rythme des saisons mais pas le dimanche

Sur l’exploitation de Tiphaine et sur celle de Pascal son père, une partie de la vendange se fait à la main et une autre partie se fait à la machine. Ce moment de l’année est toujours un moment intense, notamment par la quantité de travail, mais aussi car c’est le résultat d’une année entière d’activité. « C’est vraiment le verdict, le résultat de tous nos efforts », nous confie la jeune femme. En dehors des vendanges, la taille est également un pic de travail et un moment minutieux. Du travail évidemment, ça ne manque pas quand on est viticultrice. Malgré cela, la jeune femme n’oublie pas de s’octroyer quelques moments divertissants en dehors de son métier. « Une fois par semaine, je vais au karaté à Azé avec mon père et ma sœur. Cela permet de penser et de se concentrer sur autre chose ». Vous l’aurez remarqué au travail ou en dehors, chez Gaguin, la famille c’est sacré. S'il y a bien une règle d’or que Tiphaine essaye de respecter, c’est celle de ne pas travailler le dimanche. À moins d’être en plein boum, le dimanche personne ne travaille !

Être une fille et alors ?

Tiphaine est fière de son parcours et même si elle ne s’était pas vraiment fixé d’objectifs précis, sa situation actuelle la satisfait. « Aujourd’hui c’est plus facile de s’installer en étant une fille mais c’est quand même une fierté supplémentaire de s’intégrer à ce secteur à tendance masculine » explique-t-elle avant d’enchainer « les mentalités ont changé dans le bon sens. De plus en plus de femmes sont agricultrices et la mécanisation a aidé notre accès au métier. Mais il reste tout de même quelques récalcitrants qui ne peuvent s’empêcher de nous dire qu'"être sur un enjambeur n’est pas la place d’une fille". Cela ne m’impressionne pas, au contraire ! Je leur prouve que leur préjugés ne sont pas justifiés ».

Aujourd’hui si Tiphaine devait recommencer, elle le ferait sans hésiter. Car même si « financièrement au début c’est difficile » elle assure que ça vaut le coup car « quand on fait ce qu’on aime, on n'a jamais l’impression d’aller au travail ». Tiphaine est fière de sa production car c’est une des plus représentatives du département et elle mérite que beaucoup de jeune s’engage dans la viticulture.

S’engager et communiquer

Tout comme son père, Tiphaine a décidé d’adhérer à un syndicat. « Je ne suis pas aussi engagée que mon père car il est vraiment très impliqué dans pas mal d’organismes. Mais je trouve ça très important d’adhérer à un syndicat. Adhérer aux JA me permet d’échanger avec d’autres jeunes qui ont encore peu de recul sur leur projet, comme moi ». Tiphaine est adhérente sur le canton du Mâconnais présidé par Jérémy Gravallon, agriculteur à Montbellet. Ce canton créé en 2018 est très actif notamment sur le sujet des ZNT, sujet "chaud bouillant" actuellement ! Et sur ce sujet, notre viticultrice n’est évidemment pas insensible. « Les ZNT impactent beaucoup la viticulture. Cela engendre évidemment une perte de surface et donc de revenu mais ce n’est pas le principal problème. Le souci numéro 1 c’est que la viticulture n’a pas bonne presse et que nous passons sans cesse pour des pollueurs. Chacun de nos apports est minutieusement calculé, la profession s’améliore quotidiennement sur ce sujet mais les citoyens ne s’en rendent pas compte. La communication est donc essentielle auprès du consommateur ».

Remerciements

Tiphaine tient à rappeler que le soutien de ses proches est très important quand on se lance dans un projet d’installation. Pour elle, le soutien de son entourage a été essentiel dans son parcours. « Je remercie tous mes proches qui m’ont poussé à concrétiser mon projet et particulièrement mon père Pascal sans qui rien n’aurait été possible et avec qui j’apprends encore quotidiennement. Je remercie également Grégoire mon conjoint qui lui aussi est devenu viticulteur récemment. Il m’a toujours conforté dans mes idées ».
À nous de remercier Tiphaine de nous avoir accordé de son temps pour la réalisation de ce portrait et nous lui souhaitons bonne chance pour la suite.
Évidemment on ne se refusera pas une dégustation à la cave de Lugny...