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Les Rencontres À Table !
Autunois-Morvan

Le castor fait des siennes dans l'Autunois-Morvan !

Le castor est aujourd’hui bien installé dans le département, et pas seulement au bord de la Loire et de ses affluents. A La Comelle, le rongeur a pris ses quartiers près d’un étang. Au printemps dernier, l’un de ses barrages avait provoqué l’inondation d’un pré et d’un chemin communal. 

Par Marc Labille
Le castor fait des siennes dans l'Autunois-Morvan !
Didier et Christian Talpin sur le chemin communal inondé l’an dernier à cause d’un barrage de castor.

Les castors sont aujourd’hui bien installés en Saône-et-Loire. D’abord réapparus sur les bords de Loire, ils ont depuis remonté le fleuve et ses affluents, au point qu’on peut observer leur présence jusque dans le sud Morvan et même parfois loin des rivières. Si ce gros rongeur un peu plus imposant que le ragondin avec sa queue plate caractéristique est réputé discret, les traces de sa présence sont bien visibles avec des conséquences parfois spectaculaires. Un arbre fruitier trop près d’un ruisseau a vite fait d’essuyer les coups d’incisives redoutables du castor. Ces premiers coups de dents ne mettent pas forcément la puce à l’oreille, mais la vue d’un saule de 30 cm de diamètre abattu après avoir été taillé en biseau comme un crayon lève tous les doutes. Les dégâts occasionnés par les castors sont régulièrement observés sur les bords de l’Arroux et de ses affluents et les agriculteurs commencent malheureusement à s’y habituer tandis que riverains, maires se retrouvent confrontés à des situations inédites. 


1,20 m d’eau dans un pré, 30 cm sur la route !


Au printemps dernier, sur la commune de La Comelle, Christian Talpin a découvert de quoi était capable le castor. Au lendemain des pluies incessantes de l’hiver 2023-2024, le fossé d’un pré exploité par Christian s’est mis à déborder au point de passer par-dessus une voie communale. L’eau est montée jusqu’à 1,20 m de hauteur dans la prairie, immergeant le fil de la clôture électrique et transformant ce pré de fond en étang. Sur le chemin, la hauteur d’eau est montée jusqu’à 30 cm. La commune a dû interdire l’accès à la voie en posant un panneau « route barrée », raconte Didier Talpin, frère de Christian et élu communal. C’était la première fois que ce chemin surplombant le pré était ainsi inondé. L’explication à ce phénomène inattendu était l’activité du castor. 
Le rongeur avait construit un barrage qui avait complètement bouché la buse d’environ 50 cm de diamètre qui passait sous le chemin. A peine visible depuis la route, ce barrage était ingénieusement conçu, composé de branches fraichement coupées et divers débris végétaux. Pour trouver les matériaux nécessaires à son ouvrage, le castor a tout bonnement coupé des noisetiers dans la haie surplombant le petit pont. Il y a effectué une véritable éclaircie en sectionnant des jeunes plants d’environ 1,50 m de hauteur, laissant les tiges rabattues à 20 cm du sol avec une coupe en biseau aussi nette qu’un coup de serpe.


Avis favorable de la DREAL


Devant le chemin inondé, la commune a sollicité la DDT qui a renvoyé les plaignants vers l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Les agents de l’OFB se sont rendus sur place pour constater les dégâts et ils ont immédiatement reconnu les traces de castors. La police de l’environnement a alors expliqué aux intéressés que le castor était un animal protégé et que dès lors il était interdit de détruire son barrage. Les agents ont aussi justifié cette mesure par le fait que le rongeur « avait besoin de 50 cm d’eau pour se protéger », rapporte Didier Talpin. Devant l’insistance du maire, des agriculteurs et des riverains, l’OFB a tout de même constitué un dossier de demande de démolition du barrage à la DREAL. Le chemin et les prés sont restés sous l’eau une dizaine de jours avant qu’un avis favorable soit finalement émis par l’administration.


Parcelle souillée…


Le fait que le dégât touchait une voie communale a probablement pesé dans la décision, estime Didier Talpin. Mais si la circulation a pu immédiatement reprendre sur le chemin, le pré a gardé les stigmates de ces dix à quinze jours de submersion : boue, sable, herbe souillée, sol gorgé d’eau… Sans parler de la clôture électrique qui était hors d’usage durant l’inondation… En cette fin avril début mai, la pousse herbagère avait déjà débuté et les bêtes commençaient à être lâchées. Cette eau stagnante était aussi favorable à la prolifération d’insectes, font valoir Christian et Didier. 
La zone concernée ne se trouve pas à proximité d’une rivière mais en amont d’un étang où le castor se serait installé depuis quelques années. De l’autre côté du chemin, le castor a laissé d’autres traces de son séjour avec quelques arbres abattus, des petits barrages édifiés çà et là sur les fossés, des arbustes sectionnés… Un arbre a même été abattu au bord d’un champ de céréales à une trentaine de mètres de l’étang, signale Didier Talpin. 


Sentiment d’impuissance


Le castor a visiblement bien recolonisé le territoire de l’Autunois-Morvan. Des riverains constatent régulièrement leurs ouvrages, quand il ne s’agit pas de dégâts, et l’animal, qu’on dit nocturne et discret, est même parfois observé en plein jour. Habitué à vivre au rythme de la nature, les agriculteurs n’ont à priori rien contre le castor. Mais ils n’ont pas envie d’être complètement impuissants face à des dégâts mettant en péril leur travail et par conséquent leur revenu. Avec l’accord de l’administration, lorsqu’une production agricole ou la sécurité des riverains est en jeu, la démolition d’un seul petit barrage ne devrait pas compromettre tout l’équilibre écologique. 

 

Attaque de loup dans la nuit du 29 au 30 janvier

Attaque de loup dans la nuit du 29 au 30 janvier

Dans la nuit du 29 au 30 janvier dernier, Christian Talpin a été victime d’une attaque de loup sur son exploitation de La Comelle. Au petit matin du 30, dans une parcelle située à environ 150 m de la ferme, l’éleveur a retrouvé son lot de 22 brebis gestantes complètement disloqué. Comme les autres éleveurs victimes du loup, Christian a connu l’éprouvant décompte des brebis mortes, blessées, apeurées… Deux ont perdu la vie sur le coup ; une autre agonisant la trachée littéralement explosée et le gigot arraché a dû être euthanasiée… Quatre brebis ont été soignées par le vétérinaire dont une qui était grièvement blessée. Devant ce spectacle insoutenable, Christian n’a pu s’empêcher de penser au bien-être animal si cher à ceux qui pensent à la place des agriculteurs. Les brebis ont été rentrées dans un bâtiment et depuis, elles ne veulent plus sortir, confie l’éleveur. Ce carnage a occasionné des frais vétérinaires et pour les agnelages prévus fin février, Christian s’avoue très inquiet. D’autant qu’une de ces brebis a d’ores et déjà avorté. L’attaque est survenue en pleine grève de l’OFB si bien que l’autorité compétente n’est pas venue réaliser le constat prévu dans la procédure. En revanche, un lieutenant de louveterie a été envoyé par la DDT, explique Christian qui a lui-même envoyé photos, localisation de la parcelle, inventaire du lot et numéros d’identification des animaux à l’administration. Il espère que l’instruction de son dossier d’indemnisation suivra bien son cours. En attendant, alors que les plaies et les contraintes se multiplient sur les exploitations, Christian estime qu’il « faut avoir le moral pour être paysan ! ».