Les engrais dans la tourmente
La question russe a dominé l’assemblée générale de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), le 18 juin à Paris.
« L’Europe et la France sont dépendantes de la Russie pour environ 20 % de leur approvisionnement en engrais », note Jacques Fourmanoir, passé le matin-même de la vice-présidence à la présidence de l’Unifa, en remplacement de Delphine Guey qui évoque sans détour une « invasion des engrais russes ». Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie est entrée dans « une économie de guerre » et vend ses engrais « 10 à 15 % en dessous du prix de marché », explique-t-elle. « Nous sommes passés d’une dépendance au gaz russe à une dépendance aux engrais russes », étant entendu que « le gaz représente 90 % du coût de production d’un engrais azoté ». En conséquence : « 10 à 20 % des capacités européennes de production d’engrais sont à l’arrêt ». En France, où le marché de la fertilisation avoisine 2 milliards d’euros par an, les fabricants nationaux ne fournissent plus que 45 % des engrais minéraux (la proportion monte à deux tiers avec les tonnages en provenance des pays voisins).
L’UE impose des taxes
Consciente de la situation, l’Union européenne vient de décider (règlement du 12 juin 2025) de nouveaux droits à l’importation sur les engrais russes : 40 €/t à compter du 1er juillet 2025, 60 €/t au 1er juillet 2026, 80 €/t au 1er juillet 2027, 315 €/t au 1er juillet 2028. Cette augmentation progressive des taxes est censée donner aux professionnels européens le temps de se tourner vers de nouveaux fournisseurs ou de nouvelles approches techniques. Surtout, l’argent provenant des nouvelles taxes sera fléché vers les industriels de la fertilisation afin qu’ils accélèrent sur la décarbonation des engrais (hydrogène vert…). « Un ou deux ans ne suffiront pas. Il s’agit d’un effort de longue haleine et il y aura un surcoût », avertissent les dirigeants de l’Unifa. Il ne faut pas miser non plus sur une baisse du prix des engrais à court terme. Dans le contexte géopolitique actuel, qui « bouleverse » les marchés de matières premières, « le potentiel de baisse des prix [des engrais] est très limité », résume Arthur Portier, consultant senior chez Argus média. Il anticipe plutôt de la « fermeté ».