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Egalim

Les propositions du Sénat pour renforcer la « marche avant »

Un rapport sénatorial propose de prolonger les lois Egalim en donnant plus de poids aux indicateurs de référence, sans instaurer une date butoir amont. En aval, il recommande des négociations plus courtes.

Les propositions du Sénat pour renforcer la « marche avant »

Dans l’optique d’une nouvelle loi sur les relations commerciales, annoncée par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard pour le premier trimestre 2025, le groupe de suivi des lois Egalim au Sénat a présenté un rapport, le 20 novembre en commission des Affaires économiques. Le document comporte une liste de recommandations « visant à mieux appliquer et fluidifier la logique Egalim » tout en assurant une certaine stabilité aux acteurs économiques. Parmi les plus marquantes, celles visant à renforcer la construction du prix « en marche avant ». Plutôt que d’instaurer une date butoir amont, comme le propose la FNSEA, le rapport recommande de donner plus de poids aux indicateurs de référence permettant de déterminer le prix, via différentes dispositions.

Tout d’abord, les rapporteurs Daniel Gremillet (Les Républicains) et Anne-Catherine Loisier (Union centriste) appellent les interprofessions à « prendre leurs responsabilités » en publiant les indicateurs de référence. Ensuite, ils recommandent que le « recours aux indicateurs de référence proposés par le producteur » soit systématique dans les contrats ou accords-cadres. Les sénateurs préconisent aussi de « donner une place prépondérante aux indicateurs de coûts de production au sein des formules de détermination et de révision du prix ». Enfin, ils recommandent que les indicateurs utilisés en amont soient mentionnés dans les conditions générales de ventes envoyées aux distributeurs. Ces derniers reprochent souvent à leurs fournisseurs un manque de transparence sur l’évolution du coût de la matière première agricole.

Développer la contractualisation

En outre, les sénateurs mettent en avant que le développement de la contractualisation est une condition indispensable au bon fonctionnement de la marche avant du prix. Ils appellent à une généralisation dans les filières où la contractualisation est obligatoire et à un réexamen des exemptions pour les filières volontaires (comme certains vins), ainsi que des seuils de chiffre d’affaires permettant d’être exemptés.

En aval, ils plaident pour des négociations plus courtes, tout en conservant une date butoir qui serait fixée au 1er février au lieu du 1er mars. Cette disposition « permettrait d’alléger les ressources qu’une entreprise dédie, un quart de l’année, à ces négociations commerciales ». Déjà pointé du doigt par le médiateur des relations commerciales, le fonctionnement des clauses de révision automatique serait à revoir, selon le rapport. En l’absence d’évaluation des effets du SRP + 10 pour les filières agricoles, ils sont favorables à une prolongation de l’expérimentation plutôt qu’une pérennisation du dispositif.

Le groupe de suivi s’est également penché sur les effets des deux derniers textes sur les relations commerciales. D’abord, l’avancée des négociations commerciales en 2024. D’après les observations des rapporteurs, cette décision a eu des effets négatifs sur la « sanctuarisation de la matière première agricole » avec un retour à la logique d’avant Egalim. « Contrairement à l’an passé, la hausse de MPA déclarée par les industriels n’a pas été couverte par la hausse des tarifs en 2024 », souligne un document du Sénat. La croissance des produits de marque de distributeur (MDD) pourrait également nuire à l’origine France, redoutent les sénateurs, qui demandent à la DGCCRF (Répression des fraudes) de produire un observatoire sur les MDD.

Adoptée en 2023, la loi Descrozaille, aussi dite Egalim 3, n’a pas résolu le contournement d’Egalim par les centrales d’achat internationales. Jusqu’à 50 % des produits (en volume) y sont négociés. Les rapporteurs « exhortent les entreprises à faire preuve de responsabilité en adoptant une charte visant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations avec les centrales d’achat internationales ».

Restauration collective : l’atteinte des objectifs « Egalim » semble stagner

La part d’approvisionnement de la restauration collective en produits durables et de qualité selon la définition et les objectifs fixés par la loi Egalim a été de 25,3 % dont 12,1 % en produits bio selon les télédéclarations pour 2023 ; des chiffres « en légère baisse » par rapport à l’an passé (27,5-29 % de produits Egalim, 13 % de bio), qui s’expliquent « par l’augmentation du nombre de nouveaux déclarants », selon un communiqué du ministère de l’Agriculture. Le nombre de télédéclarations a en effet doublé cette année, s’est félicitée Annie Genevard, qui s’exprimait le 15 novembre à l’ouverture du comité du Conseil national de la restauration collective (CNRC). Pour autant, elles ne représentent que 21 % des sites de restauration collective, et la ministre a souhaité que les télédéclarations montent en puissance. La ministre a aussi souhaité que la restauration collective, publique et privée, atteigne rapidement l’objectif Egalim de 50 % d’approvisionnements durables et de qualité dont 20 % de produits bio, sans pour autant prendre de nouvelles mesures en ce sens. Le bilan statistique de la télédéclaration 2024 (sur les approvisionnements de 2023) est en cours de finalisation et sera disponible dans la rubrique documentation du site ma cantine.

Relations commerciales : les grossistes s’inquiètent d’une éventuelle extension d’Egalim

Interrogée sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, la directrice générale de la Confédération des grossistes de France (CGF) Isabelle Bernet-Denin s’est inquiétée d’une éventuelle extension aux grossistes des dispositions des lois Egalim, visant à améliorer la rémunération des agriculteurs et pesant sur la grande distribution et ses fournisseurs de l’agro-industrie. « Le régime grossiste a ses spécificités et marche bien, on demande de la stabilité et de la lisibilité », a-t-elle expliqué, assurant que la relation entretenue par les grossistes entre leur amont et leur aval n’avait pas « le prix comme élément le plus important » de la négociation, contrairement aux négociations entre industriels et supermarchés. En pleine crise agricole en début d’année, le secteur des supermarchés avait appelé à étendre les obligations d’Egalim « aux acteurs de la restauration, ainsi qu’aux grossistes industriels », arguant que leur secteur « représente moins de la moitié des débouchés des exploitations agricoles françaises ». La FNSEA et Jeunes agriculteurs sont également favorables à une extension d’Egalim « à l’ensemble des débouchés commerciaux », ont indiqué les deux syndicats dans un document présenté cet été.