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Bourgogne Côtes du Couchois

Les vignes "plumées"

« Du jamais vu de mémoire d’Homme ». Samedi 5 mai, un violent orage de
grêle s’est abattu sur une cinquantaine d’hectares dans le Couchois. Trente
minutes auront suffi pour détruire le travail d’une année, voire plus.
Les viticulteurs grêlés ont non seulement perdu leurs espoirs de
récoltes mais aussi parfois, leurs terres…
Par Publié par Cédric Michelin
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A l’ombre du Mont Rome, à deux pas de Santenay, les viticulteurs du Couchois sont des gens discrets. Tellement discrets et « n’aimant pas se plaindre », que peu de gens savaient pour le terrible orage de grêle qui s’est abattu sur eux, le 5 mai dernier vers 16 heures.
Pourtant, selon les témoignages, « on n’avait jamais vu ça ici de mémoire d’Homme. Le ciel était bas. Il faisait quasi nuit. La grêle est tombée pendant trente minutes. Les voitures s’arrêtaient. C’était de la glace », se souvient Georges Budin, encore impressionné par ce déluge. Son fils, François –qui a repris le Château Miraudet–, est une des principales victimes de ce coup du ciel. Sur ses 13 ha, 12 ha ont été « ravagés » de 90 à 100 %. D’une largeur approximative d’un kilomètre, la grêle a "plumé" les vignes de Dracy-lès-Couches à Mazenay –hameau de Saint-Sernin-du-Plain relativement épargné– avant de prendre la direction de Paris-L’Hôpital et de Change. Cette « tornade » a même « couché » quelques arbres.

« C’est parti en vrille »


A cette date, la vigne était à peine à 25-30 cm de haut dans les parcelles précoces. « Les apex (bourgeons terminaux, ndlr) ont été sectionnés », provoquant le développement d’entre-cœurs, déplaisant aux professionnels. « On aurait dit des "sapins" ». Depuis, les viticulteurs s’attèlent donc à enlever les branches qui ressortent des rangs. « Nous avons la fierté du travail bien fait, mais cela reste moche », commentent les deux viticulteurs, qui se retroussent les manches. Après de longs travaux de rognage et d’accolage, il faudra encore adapter la taille l’an prochain...
Parmi tous ces malheurs, une bonne nouvelle si tant est qu'il y en ait : les maladies n’ont pas attaqué les feuilles, ni les grappes. Enfin, ce qu’il en reste. Soulevant au hasard quelques feuilles dans le vignoble, le constat est rapide. Le peu de grappes restantes sont à différents stades : aucune n’a ni la même taille, ni la même maturité ; toutes sont « décalées » sur un même pied. « Ce sont des conscrits, des kikis, des verjus ». Nulle trace de contre-bourgeons (ou pro-bourgeons) préfigurant de nouveaux fruits. « C’est parti en vrille ». D’autres baies sont millerandées. Sans espoir donc… « Cela fait mal au cœur. Par endroit, il n’y aura pas de récolte. Je sais que j’aurai un pincement quand je verrai passer en septembre les première bennes », reconnaît François.

60.000 € pour remonter sa terre


Les trombes d’eau et de glace ont également provoqué des dégâts de fonds. Dans une parcelle récemment plantée, ce n’est pas la grêle qui a fait le plus de dégâts. Les 8 à 10 cm de glace restés au sol –pendant 24 heures avant de fondre– ont « brulé » les jeunes plantations (5-6 cm de haut). Dans une autre parcelle, sur la pente dévalant le Mont Rome, l’orage a également provoqué d’importants ruissellements. Des « rivières » d’une telle force que même « les graviers ont été soulevés et se sont retrouvés en bas, en bout de rang », sur la route ou dans le pré en contrebas. « Les racines sont même parfois à l’air », rendant difficile le passage d’outils.
Une semaine de travaux sera au moins nécessaire pour refaire les contours embourbés. Les endroits enherbés devraient être plus facile à reprendre. Au-delà des travaux qu’il réalisera lui-même, François Budin a reçu les premiers devis pour remonter "sa" terre. Il devra a minima débourser entre 50.000 et 60.000 €. Un « choc » de plus, prévu pour le printemps prochain et qu’il ne pourra qu’échelonner pour parer au plus urgent.

VCI : pour ne rien demander à personne


Une demande de dégrèvement de la Taxe sur le foncier non bâti (TFNB) à été transmise aux services fiscaux avec l’appui de courriers des mairies. Les services de la préfecture n’ont pas encore répondu, accentuant l’angoisse. Le Domaine était assuré en tous risques. Reste néanmoins l’incertitude d’avoir les « reins assez solides »… Car, loin s’en faut, tout n’est pas assurable, comme par exemple les fûts réutilisés d’une année sur l’autre pour élever les vins et qui ne serviront pas cet automne. Au lieu des 750 hl produits habituellement, le château Miraudet espère faire –tout au plus- 100 hl du millésime 2012.
« Il faudrait pouvoir activer les VCI », ces volumes compensatoires d’une bonne année « mis de côté, notamment en cas de coup dur », tempête le viticulteur qui ne comprend pas pourquoi les règles ne sont toujours pas cadrées dans le domaine... L'expérimentation se poursuit à Chablis. Le VCI permettrait au producteur de se constituer une réserve lors d’années excédentaires, utilisable en cas de mauvaise année. « Comme ça, on ne demanderait rien à personne », veut pouvoir assumer le viticulteur.

Garder sa fidèle clientèle


« Je vais tout faire pour garder ma clientèle », promet de se battre François Budin. « J’ai mes quelques maisons de négoces habituées et je vendrai mes 10 % en bouteilles à mes fidèles clients… », concluent volontairement François et Georges Budin. Décidément, le Couchois est discret mais ne manque pas de courage…

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