Ne mords pas la main qui te nourrit !
Visiblement énervés de voir l'agriculture plébiscitée à nouveau en France, les opposants à l'agriculture française multiplient les attaques dans les médias, en répandant des contre-vérités et des calmonies. L'agribashing n'a plus de limite, harcèlement et dénigrement allant maintenant à rendre les agriculteurs responsables de la diffusion du Covid-19. Billet d’humeur d’Éric Thirouin, président de l’AGPB.

Dans cette période où les agriculteurs et toute la filière agroalimentaire sont mobilisés dans des conditions difficiles pour sécuriser la production et l’approvisionnement alimentaires, il est assez incroyable de voir les mobilisations de certaines ONG demandant que nous cessions nos activités dans les champs.
Les « arguments » mélangent différents sujets : augmentation de particules dans l’air liée à l’utilisation d’engrais, traitements phytosanitaires, voire lien entre développement de l’agriculture et son impact sur la biodiversité et l’augmentation de risques de pandémie… Le tout au nom de la protection contre le Covid-19 !!! Tout cela n’a aucun fondement scientifique et encore moins médical, bien au contraire, c’est juste au service d’une idéologie écologique jusqu’au-boutiste et déconnectée de la réalité !
Si nous ne semons pas, si nous ne sommes pas capables de nourrir les plantes avec des engrais et de les soigner en cas de maladies avec des traitements phytopharmaceutiques ou d’autres moyens quand ils existent, il n’y aura pas de moissons et donc de récoltes pour l’année prochaine !
Comment ne pas voir à travers ces amalgames une volonté d’entretenir la défiance vis-à-vis de l’agriculture ! Il n’y a pas de télétravail, ni de chômage partiel pour les agriculteurs. Je trouve cela à la limite de l’indécence dans une période où nous restons mobilisés en première ligne pour assurer une mission responsable et essentielle au service de tous les Français !!! À l’heure où l’on parle de la nécessité de « rebâtir une souveraineté agricole », les efforts de tous mériteraient d’aller vers une réflexion collective et constructive pour préparer notre agriculture de demain.
Le Conseil d’État rejette la demande de suspension des épandages
Dans une décision rendue le 20 avril, le Conseil d’État a rejeté le référé déposé par l’association Respire, demandant la réduction des épandages agricoles et les autres activités agricoles polluantes et à durcir les conditions d’application du déclenchement des procédures préfectorales en cas de pic de pollution. « L’État assure strictement les obligations, y compris préventives , en matière de qualité de l’air », assure le Conseil d’État dans sa décision. Après avoir rappelé qu’aucun dépassement du seuil d’alerte journalière aux particules fines (PM10) n’a été recensé, contrairement à ce qui a été observé au cours de la même période en 2019. Pour justifier sa démarche, l’association Respire se basait sur trois études (chinoise, américaine et italienne) établissant un lien entre la pollution de l’air notamment par les particules PM10 et PM2,5 et le développement des maladies respiratoires et du Covid-19 en particulier. Ces études n’ont pas convaincu le Conseil d’État. L’étude chinoise datant de 2003 porte sur la pollution de l’air en général, essentiellement au dioxyde de carbone, laquelle a été fortement réduite à la suite de la diminution des activités de transport et non à la pollution aux seules particules fines PM10 et PM2,5. L’étude américaine datée du 5 avril 2020 se fonde sur une exposition à long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années. Quant à l’étude italienne réalisée en février 2020, en Lombardie, elle concerne sur le dépassement des seuils légaux aux particules qui n’ont pas été atteints en France.
L’air pollué par les polémiques !
Dans le contexte inédit qui oblige la France au confinement, les agriculteurs doivent répondre à l’appel du Printemps et sa promesse d’un nouveau cycle. Il faut en même temps semer et récolter.
Cette saison est aussi l’occasion d’observer le retour vigoureux des « coquelicots » et autres théories « invasives » sur le comment bien faire notre métier.
Nous aurions espéré que l’effort qui nous unit en période de crise, celui d’assurer la sécurité alimentaire des Français, puisse confiner l’écologisme totalitaire et sa cohorte animaliste à son environnement préféré, celui des salons. Mais force est de constater que l’inventivité de nos experts attitrés demeure sans limite. La dernière en date : le coronavirus serait transmis, ni plus ni moins, par l’agriculture !
Une information, répandue de manière virale, sans vérification scientifique sérieuse, donnant l’occasion à certains collectifs de réclamer la fin des épandages agricoles (effluents d’élevage, amendements et engrais) pour contenir l’émission de particules fines, soi-disant responsables de la diffusion du coronavirus. Nos « amis » nous avaient habitués à plus de subtilité !
Si l’objectivité n’est définitivement pas leur fort, rappelons-leur tout de même que si nos pratiques sont à l’origine de l’émission naturelle d’ammoniac, précurseur de particules fines à hauteur de 34 % en cette période de l’année (le pic annuel selon les données ATMO & Airparif), 66 % des émissions restantes sont la résultante de trois autres facteurs exogènes. Primo, les chauffages au bois individuels, secundo l’arrivée de particules depuis les industries d’Europe de l’Est et tertio, la présence de particules de sable en provenance du Sahara qui peuvent servir de support aux réactions chimiques. Et que dire des dernières données du satellite européen Copernicus, qui indique que 85 % de cette pollution serait d’origine étrangère ?
Suggérons vite de créer une ZNT aérienne à nos frontières et la solution à 85 % de nos problèmes serait toute trouvée !
Cette polémique injuste est en réalité le révélateur profond d’une société malade de ses peurs et de l’instrumentalisation faite par quelques prophètes auto-proclamés pour mettre à bas la dimension productive de l’agriculture française.
N’oublions jamais que la force de notre métier est de ne pas être géré par les théories mais par des réalités. À nous de les rappeler à chaque instant aux Français, pour combattre le dessein insensé de quelques-uns : celui de préparer une France sans agriculteurs.
Notre Printemps s’ouvre effectivement sur un nouveau cycle ; celui de l’offensive… tête haute !
Édito de Thierry Coué, Président de la Commission Environnement de la FNSEA