Nos vignes qui gel de peur, la lutte collective doit être organisée contre le gel en local
Le 17 février à Lugny, l’Union viticole 71 revenait sur le gel d’avril 2021 et ses conséquences. L’occasion d’évoquer ses travaux avec la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire à Saint-Gengoux-de-Scissé. Les moyens de lutte individuels actuellement utilisés semblent devoir être complétés par une approche collective.
L’Union viticole accompagne tous les syndicats locaux souhaitant travailler sur les moyens de lutte face aux gels, avec l’aide technique du Vinipole Sud Bourgogne. Justement, l’expert du changement climatique à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Thomas Canonier venait présenter les premiers résultats de l’audit réalisé avec le syndicat de Saint-Gengoux-de-Scissé. Avec l’augmentation des températures, notamment hivernales, les risques d’un débourrage précoce et de gelées printanières sont exacerbés. 2021 le prouve même si ce phénomène a été amplifié par un gel advectif « atypique » (lire encadré).
« Le gel n’est plus un aléa car il n’arrive malheureusement plus de temps en temps mais bien régulièrement », déplorait-il. Son plan d’action ? « La lutte individuelle doit maintenant passer à un niveau collectif ». Et ce à plusieurs niveaux : d’un point de vue de la zone la plus appropriée pour lutter, sur les solutions de prévention ensuite, avec une amélioration du suivi météo et d’alerte et enfin sur le déploiement de moyens de lutte active les jours J.
Inverser la lutte actuelle
« Vous faites pourtant tout l’inverse », ne critiquait pas Thomas Canonier qui reconnaît que les instituts techniques n’en sont aussi qu’aux débuts des essais.
Il expliquait alors la démarche engagée à Saint-Gengoux-de-Scissé. D’abord, a été réalisé un recensement des zones gélives historiques, avec les connaissances des vignerons locaux. Ensuite, ces parcelles ont été cartographiées en fonction de la topographie de chacune, sur le portail web public de geoportail. « Il en est ressorti une forme de cuvette avec deux points bas sur le profil altimétrique ».
Deuxième grand axe de travail, évidemment, sur ces parcelles, pratiquer la taille tardive si possible avec un travail du sol (buttage…). S’équiper en stations météorologiques permet de mieux savoir quand le gel arrive. Et enfin, en plus des moyens de lutte individuels, surtout travailler à un moyen de lutte collectif à déployer en priorité. « Ici à Saint-Gengoux, nous avons identifié qu’un ensemble « d’éoliennes » brasseraient et pousseraient l’air froid sur l’axe Nord-Sud. Ce n’est pas LA solution miracle mais collectivement, vous aurez plus de chance de réussir qu’avec vos bougies individuelles ». Là encore, pas une critique mais un constat sur l’efficacité des bougies qui n’a pas été prouvée, lui qui a fouillé dans la bibliographie scientifique.
Dans la salle, la vingtaine de vignerons posait de nombreuses questions. « Ce sont des chantiers qui ne sont pas simples et il faut aussi voir le coût de la lutte par rapport au pourcentage de raisins sauvés », concluait-il. Les vignerons reconnaissaient aussi « qu’ils connaissent les vignes qui gèlent "de peur" "tout le temps" », s’interrogeant eux aussi sur l’intérêt de maintenir et travailler ces vignes en place.
La lutte collective semble donc à organiser car si le gel est le premier risque aujourd’hui, la grêle reste menaçante et même demain les sécheresses et canicules. Conseiller régional, Fabrice Voillot, éleveur bovin à Charbonnat, pouvait en témoigner et assurait faire remonter toutes ces priorités au GIP Vignes & Vins pour que les scientifiques cherchent des solutions croisées, ce que réclame aussi sans relâche l’Union viticole à tous les niveaux.
Lutte inutile, « sans certitude » ou « coûteuse »
Le gel 2021 aura été « atypique » à plus d’un titre. Par la semaine estivale montant jusqu’à 28 °C quelques jours avant cette vague de froid venue du Pôle Nord « bloquée » sur la France. Conséquence, un froid jusqu’à -7°C sur les stations météo pendant une durée extrêmement longue, « entre 30 et 40 heures de gel entre le 3 et le 10 avril ». « C’est exceptionnel et cela illustre pourquoi les dégâts sont considérables ». La Bourgogne viticole aura fait une moitié de récolte puisque le BIVB table sur 700,000 hl seulement.
À l’heure d’une polémique sur le brûlage des sarments, Thomas Canonier précisait que les luttes – bougies, pailles… - ont entraîné une « explosion » de particules fines lorsque le vent est tombé. « Le brûlage de paille ne marche que sur la partie occultation mais ne vaut pas le coup » globalement.
Dépité par ce gel, les vignerons n’ont pas de regret à avoir car ce gel advectif – qui ne concerne pas normalement les vignobles septentrionaux – sans vent donc, se caractérisait pas de l’air froid au sol et air froid en altitude. « Le brassage d’air – bougies, éoliennes, hélicoptères… - ne servait donc à rien ». Car oui, comme il le rappelait, l’efficacité d’une bougie n’est pas réellement de réchauffer l’air mais bien de le brasser. Les fils chauffants pourraient réchauffer les pieds mais, comme l’aspersion à l’eau (50 m3 d’eau/heure), ces systèmes sont coûteux et certainement « réservés aux Grands Crus ».
Le gel radiatif « habituel » caractérisé par de l’air froid au sol – « descendant des coteaux vers les fonds de vallée » - mais avec un « fort gradient thermique » avec de l'air plus chaud en altitude peut donc être combattu par « la mise en convection de l’air » « mais sans certitude ». Hormis celle que collectivement, les chances de réussite sont un peu plus grandes… et moins chères au final.