Pourquoi la chasse au loup n’aura pas lieu
Le préfet, Yves Séguy a invité, les médias locaux — à la préfecture à Mâcon le 10 janvier — pour faire le point sur les « chantiers initiés et impulsés avec détermination » lors de 2024 et ceux à venir en 2025. Parmi ces derniers, la crise agricole et le loup ont fait l’objet d’explications, parfois vives.

Entouré de tous les sous-préfets et de la secrétaire générale de la Préfecture, Yves Séguy présentait les dernières recrues, notamment Salwa Philibert, directrice de cabinet du Préfet et annonçait l’arrivée d’Yves Picoche, nouveau directeur de la DDT 71. Surtout, il confirmait l’arrivée d’une petite centaine de policiers et gendarmes supplémentaires, dont une nouvelle brigade mobile, spécialisée dans l’environnement.
Sur les questions agricoles, le préfet commençait par donner son avis sur l’arrêt du dossier pour classer à l’Unesco, le bocage Charolais-Brionnais. « On va capitaliser sur les études et le travail fait. Je crois en l’avenir du bocage pour ses atouts touristiques et patrimoniaux ». La France ne portera donc pas de candidature au patrimoine mondial. Dommage pour l’élevage qui aurait pu ainsi faire reconnaître son savoir-faire en matière d’élevage durable.
Des contrôles uniques
L’agriculture, il en a été énormément question en 2024, avec les manifestations suite à la crise agricole. « On a énormément travaillé avec la profession depuis janvier dernier, on a multiplié les chantiers et on continue avec la Misa » (Mission interservices agricole), rappelait-il en préambule. Ce dispositif a été installé « officiellement » le 22 novembre et « vise à simplifier et rationaliser » les contrôles administratifs des exploitations, « en réduisant leur fréquence et en améliorant leur acceptation » par les agriculteurs. Le préfet saluait le travail effectué en Saône-et-Loire, à travers des chartes déjà existantes. « Plutôt qu’un contrôle global unique, la Misa coordonnera et planifiera les différents contrôles pour qu’une exploitation ne soit inspectée qu’une fois par an ». Le fameux contrôle unique qui, espérons-le, ne finira pas comme le non moins fameux « droit à l’erreur », souvent promis, difficilement appliqué. La Misa se réunira deux fois par an. Un accent sera mis sur la formation des contrôleurs et notamment pour repérer « le mal-être agricole ».
« Sans faille » face aux loups
Mais c’est un autre dossier qui hante Yves Séguy, visiblement tout autant échaudé par le dossier loup que les éleveurs prédatés. Le préfet redisait que ses équipes sont « mobilisées, heure par heure, après une saisine. Une mobilisation sans faille ». Il rappelait également le renouvellement de 25 lieutenants de louveterie dès le 1er janvier 2025, « dont dix vont se spécialiser et se former auprès des départements plus prédatés », donc dans l’arc Alpin, pour revenir avec les « bonnes pratiques ».
À la manière du hackathon sur la flavescence dorée, il veut « renforcer les systèmes de protection » face au loup et notamment « d’effarouchement ». Des dispositifs qu’il sait : « pas imparables, mais mieux que rien » face à un prédateur qu’il qualifie « d’opportuniste » avec nos troupeaux acculés dans leurs prés.
Lorsqu’on l’interroge sur le fait que les loups continuent de faire des ravages, le préfet insiste : il n’y a pas de réponse simpliste. Tout est compliqué dans ce dossier. Faire des tirs de prélèvements ? « C’est possible dans des situations très limitées et ce n’est pas le meilleur dispositif selon les experts ». La préfète de région les autorisant lui a refusé jusqu'à présent. Et de rappeler que depuis 2020, en Saône-et-Loire, trois loups ont été « prélevés » et « failli un quatrième » par des tirs de défense simples, mais surtout bien préparés en local. Le loup « boiteux » à trois pattes est même officiellement considéré comme mort.
Un cerclage trop contraignant
Oui, mais voilà, il continue de sévir. « Pour autant, je n’estime pas le problème résolu. Nous sommes sur des territoires de passage ou des fronts de colonisation. Mais, on ne va pas tirer un loup comme on tire un merle, une grive ou un renard ! Dans ce contexte, on doit passer un cap et renforcer singulièrement le niveau et la qualité des protections ». Le préfet pensait notamment au secteur de Morey, où les attaques de loup sont quasiment quotidiennes hors période hivernale. Ce secteur répond aux critères pour rentrer dans le cercle administratif C1 où la prédation est « avérée », sans l’ombre d’un doute. « La profession ne le souhaite pas », ne cachait-il pas son agacement, comprenant cependant certains arguments, dont des lots dispersés, difficiles à protéger. La profession craint également de perdre les indemnisations. En effet, en C1, « l’indemnisation des dommages dus aux loups (concernant les ovins et caprins) est subordonnée à la mise en place de mesures préventives raisonnables de protection des troupeaux » (sic), expliquent les services publics. En somme, l’éleveur ne sera indemnisé qu’à condition de mettre « en œuvre au moins deux types de mesures parmi les trois types suivants : gardiennage renforcé/surveillance renforcée, chiens de protection, investissements matériels (parcs électrifiés) ». Trop de frais donc à engager et à pérenniser pour un front de colonisation. La profession pousse plutôt pour une reconnaissance de non-protégeabilité partielle des troupeaux (RNPP) et d’autres dispositifs simplifiant les tirs de défense, bien plus efficaces. Même si cela prend toujours trop de temps aux yeux des pauvres éleveurs prédatés…
Simplification administrative : « on frise la méningite ! »

La faute à qui ? Aux parlementaires faisant trop de lois ou à l’absence de stabilité à l’Assemblée n’arrivant plus à les voter ? La France semble loin de tenir ses promesses de simplification administrative. Et les services de l’État, eux-mêmes, ont bien des peines à suivre… « Il faut simplifier quand on peut », prône pourtant le préfet en interne auprès de ses services. Yves Séguy a « constitué un pôle de compétences » dédié à l’action publique : dérogations, expérimentations sont au programme du pôle Sideex, placé sous l’égide du sous-préfet de Chalon, Olivier Tainturier. Ce dernier annonçait des expérimentations autour de « la réutilisation des eaux usées dans le cadre des vendanges avec l’ODG Bouzeron » en 2025. Chacun est invité à faire des propositions de simplification en ligne. Pour autant, tout ne semble pas fonctionner même sur des sujets emblématiques tels que la souveraineté énergétique. La guerre en Ukraine démontrant chaque jour à quel point la Russie pouvait contraindre nos économies Européennes. La Saône-et-Loire fait partie des départements en pointe pour la relance de la filière nucléaire. Le stockage de l’énergie est une des clés de réussite. Une usine veut produire « des piles nucléaires » veut s’implanter sur la zone Coriolis, près du Creusot. La parcelle est classée en zone humide. « Le projet est reconnu d’intérêt majeur pour la Nation par décret ». Pourtant, « toutes les semaines, on fait des réunions avec les porteurs de projet », pas que sur ce point certes.
Pour les autres projets à venir, la Pap (Plateforme d’accélération des projets) a été lancée au début de l’année 2024 afin d’accompagner le développement des projets économiques et territoriaux à travers un dispositif simple destiné aux entreprises. Questionnés à ce sujet, les porteurs de projets agricoles peuvent s’en saisir. En revanche, et malgré la charte sur l’agrivoltaïsme pour encadrer des dérives et mieux partager la valeur ajoutée entre propriétaire, exploitant et territoire, la préfecture a déjà eu des dossiers « avec des bovins dessous, un projet agrivoltaïque plus coûteux et complexe. On a frisé la méningite », ironisait le préfet qui préfère voir le verre à moitié plein. « On a travaillé pour un cahier des charges – technique, juridique… — qui pourra inspirer des projets nationaux ».
Enfin, dernier dossier, viticole cette fois, le logement des vendangeurs. Le préfet « défend l’expérimentation pour des hébergements de circonstance du XXIe s., sinon les vignerons ont beaucoup de mal à recruter et même fidéliser » sur le long terme des personnes cherchant à faire carrière en agriculture.