Trop élitiste ?
réunissaient pour faire le point sur l’offre bourguignonne, ses forces
mais aussi ses faiblesses. Si la Région possède indéniablement une
notoriété internationale, l’offre n’est pas forcément structurée et bien
compréhensible. La Bourgogne semble même cultiver le secret, repoussant
certains clients.
Les débats cherchaient donc à amplifier cette attractivité en mettant en place une stratégie globale et ciblée.
En effet, seuls 20 % des vacanciers repartent avec du vin en Saône-et-Loire. Inversement donc, 80 % repartent sans. Le potentiel de développement de ce canal de vente est donc important. Cartes des vins, labels Vignobles et découvertes, opération Déguster la Bourgogne et autres actions médiatiques… contribuent à « amplifier les éléments créés par des petits groupes » mais demandent de l'organisation collective.
Renfermée et compliquée
Sous-directrice ingénierie Atout France, Corine Lespinnasse Taraba faisait la synthèse d’une étude détaillant le profil de la clientèle en Bourgogne, « différente de la clientèle habituelle nationale ». Face à une concurrence directe s’organisant commercialement, la France reste néanmoins la première destination touristique dans le monde avec 78 millions de visiteurs.
Dans cette offre, la Bourgogne est « globalement attractive » de par la réputation de ses vins. « Plus centrée », « moins éclectique », « plutôt haut de gamme » voir « renfermée et compliquée » et même parfois jugée « distante », la Bourgogne semble cultiver un « sentiment d’élitisme », qui freine les visiteurs. Ces derniers hésitent alors à rentrer dans les caves.
Quarantenaires CSP+ en couple
Il s’agit donc de bien connaître les clients venant sur le territoire pour les rassurer. 72 % des visiteurs viennent en tourisme ou en vacances mais 18 % sont des "excursionnistes", c’est-à-dire ne dormant pas en Bourgogne. L’âge moyen des touristes est de 40 ans en Bourgogne contre 46 au national. « Cet âge n’a pas bougé depuis 2001 », notait Corine Taraba. Un vieillissement qui touche pourtant fortement le tourisme culturel.
Autre caractéristique, 49 % viennent en couple, suivis par les familles, notamment en été et enfin avec des amis. La clientèle professionnelle ne représente que 12 %.
Avantage indéniable pour la Bourgogne, cette clientèle a des revenus « plus élevés que la moyenne » (36 % de CSP+) et d'origine internationale (38 % contre 33 % en France). Sans surprise, Anglais, Belges, Allemands, Suisses et Américains sont fidèles, à l’image des chiffres exports.
Ne pas négliger les locaux
Côté français, 58 % des visiteurs sont d’abord des Bourguignons eux-mêmes et ensuite viennent ceux de Rhône-Alpes (28 %). Le reste étant principalement des Franciliens. 82 % vont dans des hébergements marchands. « On voit immédiatement l’intérêt des partenariats pour faire des opérations communes », expliquait Atout France. D’autant que les séjours sont de courte durée (4 jours), motivés par le triptyque : gastronomie, terroirs et patrimoine.
De Côte d’Or Tourisme, Pascale Lambert revenait sur la genèse du label Vignobles & Découvertes qui participe justement à cette mise en réseau. Elle jugeait la Bourgogne viticole comme une « belle endormie » qui se réveille progressivement. Pour elle, il faut désormais « fournir des clés d’entrée » pour que les visiteurs réussissent à « combattre la peur de se sentir idiots » avant de rentrer dans une cave bourguignonne. Les œnotouristes attendent de la lisibilité pour comprendre l’univers du vin bourguignon. Le concept du Divin Mercurey, proposant des vins en plus ou moins libre-service par l'ODG, était cité comme solution possible.
Mais, ce sont paradoxalement les rares viticulteurs présents qui se manifestaient en fin de Rencontres. De Mercurey, Guy Cinquin demandait à « ouvrir plus le label aux viticulteurs étant dans leurs vignes et ne pouvant pas forcément faire de la vente directe 24 h/24, 7 j/7 », ne souhaitant franchement pas perdre leur relation aux clients en embauchant un commercial. Une attitude de proximité qui dénote avec les études et interventions institutionnelles. Tout comme le mot de la fin qui revenait à une autre viticultrice de Chambolle-Musigny et qui mettait en garde les viticulteurs : « attention, c’est un travail à plein temps et mieux vaut être passionné par le tourisme ».
Finalement, la viticulture bourguignonne ne cultive pas de secrets, son offre est juste incroyablement riche et l'excellence recherchée de ses vins ne laisse guère de temps…
Epicuriens, explorateurs, experts ou classiques ?
Quatre profils de visiteurs se dégagent. Les épicuriens dominent en Bourgogne (42,8 % contre 40 %) avec des activités tournées autour du vin. Les explorateurs (20 %) ensuite sont en quête des "petits secrets" et cherchent à dénicher des "vignerons peu connus". Les Experts sont à 16 % de "vrais" connaisseurs, souhaitant aller « plus loin dans la découverte » en faisant des stages ou initiations tout en étant « forts dépensiers ». Enfin, les Classiques (24 %), au pouvoir d’achat en retrait, considèrent que le vin est un des éléments participant au choix mais pas uniquement.
Les concurrents de la France
Avec la facilité des déplacements transfrontaliers, la concurrence se fait rude. L’Espagne a développé un concept à travers les Bodega, dont le nombre a été multiplié par dix en dix ans. Ce mouvement permet actuellement une hausse de la qualité des vins et le développement de projets architecturaux et de musées, proche du concept du Hameau Dubœuf (100.000 visiteurs). L’Italie, elle, s’est organisée avec l’agrotourisme autour de l’œnogastronomie, en lien avec l’art de la table. L'Italie est donc proche de la Bourgogne en cela. La fréquentation se rajeunie là-bas. Aux Etats-Unis, les Wineries communiquent sur les vins de "marques", de façon simple et efficace. Pourtant, ce marketing "simpliste" laisse sa place à une montée en gamme et « presque un tri du public » avec des stratégies pointues.
Les recommandations pour réussir l’œnotourisme made in France
- Think global, act local : attirer les clients et les fidéliser systématiquement ;
- Régler les basiques (logement, prix…) et notamment faciliter les transports ;
- Privilégier les offres de courts séjours, plutôt avec des hébergements de charme ;
- Travailler la signalétique puisque 9/10 ne se voient pas ;
- Mettre à jour vos informations (site web) et avoir des "plus" (nouvelles technologies).
- Etre bien référencés sur les prescripteurs classiques, comme sur sncf.com.
Etre précis face à des clients plus pointus
Dirigeant de l’hôtel-restaurant L’Ermitage à Chorey-les-Beaune, Nicolas Chambon, faisait un rapide retour d’expérience sur le label Vignobles et Découvertes.
« Avec ma femme, nous sommes arrivés en Bourgogne en 2008 et avons alors demandé aux restaurateurs locaux, le cépage du vin servi. Mauvaise surprise puisque peu savaient. Pour nous, en tant que relai des viticulteurs, les restaurateurs ne peuvent se permettre de ne pas être pointus. Le label nous est apparu comme une stimulation pour veiller à ne pas s’endormir, nous permettre de nous former et ainsi donner une information claire et honnête. Car pour nous le vin, ce n’est pas que 75 cl, sinon les Chinois et le Brésil savent le faire ! On se doit de l’expliquer aux clients. Les bénéfices sont nombreux comme rencontrer des passionnés avec des anecdotes pour alimenter les conversations avec les clients. Si on ne peut pas donner l’information que désire le client, on se tourne alors vers le réseau pour le satisfaire. Pour être honnête, on n’a pas multiplié nos ventes. Mais, en mettant le label en avant, avec la confiance du ministère, nous vendons aussi du vin par cartons de six. Les agences de voyage cherchent aussi à en savoir plus et voient ainsi un package plus complet. Surtout que de plus en plus, les visiteurs sont "plus pointus que nous" ».