Volatilités amont et aval
coopérative Bourgogne du Sud dévoilait ses essais blé et colza. Les
adhérents ont pu comparer les variétés ainsi que les stratégies de lutte
contre les maladies, en intégrant les nouveaux fongicides. L’occasion
également de comprendre l’évolution des marchés céréaliers et en amont,
ceux des engrais azotés.
Récemment le groupe BASF - fournisseur européen majeur – a cédé son activité engrais à des qataris. « Comme le PSG ». Une rencontre récente entre eux et l’union d’approvisionnement interrégionale AREA, dont fait partie la coopérative, a montré leur volonté de faire partie des opérateurs majeurs du marché. Pour continuer de fournir des unités d’azote « aux alentour de 1 € », Bourgogne du Sud et les autres coopératives membres d’AREA planchent sur une solution de stockage à Fos-sur-Mer et envisagent de remonter ensuite l’urée le long de la Saône, le tout provenant de l’Algérie ou d’Egypte.
La coopérative compte surtout sur la « fidélité » des coopérateurs qui sont à 95 % engagés dans des plans d’approvisionnement annuels. Ces derniers, bien que commercialement « atypiques », permettent de substituer les engrais et ainsi laissent la possibilité à la coopérative d’acheter au « bon moment » ; les marchés étant volatiles. Par exemple, cette campagne 2012/13 voit la demande mondiale en urée augmenter (+600.000 ha de maïs aux Etats-Unis) mais l’arrivé prochaine d’engrais fabriqués à partir de gaz de schistes en Amérique du Nord « pourrait détendre » les marchés de fertilisation azotée.
Dégâts « surestimés »
A l’autre bout de la chaîne, les marchés céréaliers évoluent eux aussi sans cesse. De nombreux paramètres entrent en jeu. Nul ne sait si le monde sortira de la crise ou si l’Europe rentrera en récession. En attendant, la baisse de l’euro face au dollar est positive pour l’export français.
Côtés fondamentaux (production, stock report…), c’est une « photocopie » de l’an dernier même si Michel Duvernois avoue se méfier des chiffres de la récolte française annoncée à la baisse avec les dégâts du gel, « surestimés » selon lui. En juillet-août, le directeur aura les yeux rivés sur les Etats-Unis représentant un tiers de la production mondiale de maïs. Il doute aussi des déclarations de production communiquées par la Russie et la Mer noire.
En blé, « les équilibres de fond se sont dégradés et les prises de position se font plus tôt. Les stocks de reports sont plus bas que l’an dernier ». Avec la crise, les coûts du fret sont bas. La concurrence est rude sur les marchés historiques de la coopérative. « Ce qui guide les prix ici en Bresse, ce sont les marchés algériens et égyptiens », confiait Michel Duvernois. Quelques euros de différence et les contrats s’envolent…
Pour les maïs aussi, le marché est « tendu ». Sur les marchés à terme, « 16 € d’écart entre du maïs et du blé, ce n’est pas cohérent. Il faut suivre ça de près », remarque le directeur. En colza, malgré le gel en Europe, la coopérative vise un objectif supérieur à 400 €/t, « acceptable » au vu de la baisse des triturations en Europe, des importations de biodiesel et de la baisse du prix du pétrole.
On le voit, même si la tendance mondiale est à la hausse, le marché des céréales est de plus en plus concurrentiel. « Le monde est petit. 1 % de production en plus ou en moins et les cours bougent de 20 % », rappelait en guise de conclusion, Michel Duvernois. Un écho à celle sur les approvisionnements : « en 15 jours, les cours peuvent varier de 100 €/t sur l’urée ».
Dans ce monde financiarisé, les opérateurs physiques ne sont plus les seuls ; sauf que pour eux, la règle est de sécuriser au moins une partie des prix. Cela semble vital pour les producteurs...
Blé : qualités et défauts
Sur le terrain, Christine Boully donnait les résultats des essais variétaux. En blé, Richepain, Royssac et Aubusson ont souffert du gel. Comparant les données, les céréaliers notaient les avantages et faiblesses. En plus d’être résistant mosaïque, Royssac a un fort potentiel (premier des essais avec 115) mais son PS est faible (descend jusqu’à 69). Nucléo peut être semé tôt « en terre profonde ». Aubusson est devenu sensible aux maladies mais reste « intéressant » en terme de débouché pour la coopérative qui va lui attribuer une prime suite aux gels. SY Moisson est « le grand espoir pour remplacer Apache derrière maïs » puisqu’il présente le troisième score pour les PS et un P/L compris entre 0,6 et 1, lui ouvrant des débouchés. L’hybride Hyxtra est surveillé par la coopérative qui estime que « ce n’est pas encore ça » (dilue protéine et faible PS). Rubisko a un profil maladie intéressant mais est sensible à la mosaïque. Musik est lui résistant mais sensible fusariose. Connu, Graindor « peine un peu en rendement depuis l’an dernier ». Ascott est « une bête de course » (potentiel 109), résistant mosaïque mais avec peu de PS, peu de protéine et un P/L élevé (1,8). Arezzo se vendant en France, mais pas à l’export, a pour point fort d’avoir un bon PS. « Bien qu’ayant un look encore pire qu’Apache », Aprilio confirme (potentiel 105 ; bien en PS et protéine).
Côté variétés de colza, les hybrides sont mis en avant par rapport aux lignées, pour leur potentiel, leur rusticité d’autant plus que les nouveautés ont maintenant des teneurs en huile d’un bon niveau et que leurs caractéristiques agronomiques se sont améliorées (tenue à la verse, taille, sensibilité à l’élongation automnale).
Anticiper les réglementations environnementales
Partenaire du monde agricole et de la coopérative, la Fédération des chasseurs de Saône-et-Loire a présenté les avantages des intercultures, que ce soit sur le plan agronomique ou pour la faune. Les intercultures fournissent un couvert et un « casse-croûte » à de nombreuses espèces. Une étude dans la Sarthe a permis de comparer différents mélanges avec des parcelles en chaume. « Ces intercultures sont hyper attractives pour la faune sauvage, essentiellement des lièvres qui les fréquentent la nuit », commentait le technicien, Thierry Peyrton. Pas seulement : lapins, alouettes, bécasses des bois ; et en journée, des faisans, cailles, chevreuils… Il demandait de modérer la vitesse lors de la destruction de ces couverts. Pour Bourgogne du Sud, Pascal Chevrey présentait le mélange maison (40 % sarrazin ; 28 % moha ; 16 % sorgho ; 16 % vesce). « Chasseurs et agriculteurs n’ont pas forcément une bonne image auprès du grand public en matière d’environnement. Il faut désormais montrer ce qu’on fait de positif et éviter ainsi de voir des mesures imposées à nous ».