Accès au contenu
Sommet de l'élevage 2025
Prédation de loups sur le secteur de Morey

Les louvetiers tirent, la brigade en renfort

Depuis la visite préfectorale à Morey la semaine dernière (lire notre précédente édition), les préfets ont modifié le cerclage, permettant d’autoriser juste après des tirs de défense. Les pro-loups ont porté plainte contre le préfet. Le loup a été tiré le premier soir mais manqué malheureusement. Les élus agricoles ciblent les législateurs à la base du plan Loup inadapté. Les éleveurs locaux restent tristes et en colère.

Par Cédric Michelin
Les louvetiers tirent, la brigade en renfort

Le loup est cruel. C’est sa nature de « super-prédateur », comme l’a décrit le préfet de Saône-et-Loire. Et ces « super prédateurs » sont de plus en plus nombreux. Sur les six communes autour de Morey, à peine le « boiteux » était-il réellement mort (après l’avoir été « administrativement » mais pas réellement), qu’un autre s’acharne depuis trois semaines sur « les mêmes parcelles, des mêmes agriculteurs ». C’est le triste constat du terrain et qu’ont redit les agents de l’OFB (Office français de la biodiversité). Cette analyse a été présentée lors d’un point presse à la préfecture de Mâcon, ce mardi 20 mai. Le préfet, Yves Séguy était accompagné de ses équipes préfectorales, des membres de la DDT, dont son directeur, Yves Picoche, de deux agents de l’OFB donc, du représentant des louvetiers de Saône-et-Loire, Hervé Cognard et surtout de deux membres de la Brigade mobile d’intervention (BMI). Le préfet ayant obtenu leur intervention.

La brigade mobile d’intervention des grands prédateurs terrestres, de son nom complet, a désormais la triste habitude de la Saône-et-Loire, qui est un front de colonisation et donc un département où les loups peuvent être de passage ou cherchant à s’installer. D’ailleurs, la multiplication des attaques certaines nuits, laisse penser que les loups suivent le même chemin depuis les meutes à l’Est. Comme à Morey, « des mêmes attaques sur les mêmes parcelles s’étaient déjà produites dans le secteur Charolais. Le loup réemprunte certainement les mêmes zones de passage, avec le marquage de voies depuis 5 ans », craint l’OFB. Une mauvaise nouvelle qui est aussi une information importante.

Le loup tiré mais manqué

Dès la signature du nouveau cerclage (lire encadré) jeudi dernier, et les tirs de défense simples donc signés dans la foulée pour deux éleveurs, Hervé Cognard a mobilisé des louvetiers pour tenir des postes, deux le soir (21 h à 1 h) et à la levée du jour (à partir de 4 h). Ces bénévoles se sont relayés de jeudi jusqu’à ce lundi 19 mai. Les deux agents de la BMI sont donc les bienvenus pour prendre le relais des louvetiers. Les deux experts préconisant aussi d’arrêter les postes du matin, de vérifier le sens du vent, de faire en fonction des bottes de foin… Mais déjà, avec leurs connaissances et expériences acquises, les louvetiers sont de « plus en plus spécialisés » et ont failli, dès le premier soir de poste, le tirer. « Le premier soir, en poste à 21h30, le loup a été tiré », sans le toucher visiblement, regrette-t-il amèrement. « Mais en cinq ans, c’est la première fois qu’on a un tir dès le premier soir », se consolait Hervé Cognard.

Le préfet, Yves Séguy les félicitait tous et insistait fortement pour que tous ces faits soient bien inscrits dans le registre qui « sera demandé par les associations », comprenait-on, les associations pro-loups (lire encadré). Yves Séguy en avait fait mention et insistait, ce sujet médiatique est source de « fortes tensions », comme il avait pu le constater lors de sa venue chez les éleveurs à Morey la semaine dernière, mais aussi de « grande sensibilité », avec des militants d’associations pro-loups et environnementalistes lui « adressant des courriers lui promettant le meilleur et des contrôles des plus rigoureux sur toutes les circonstances des tirs ».

Tirs autorisés dès jeudi dernier

Si ces tirs ont été autorisés rapidement, c’est grâce au retour en C2. Les lois, rédigés par les législateurs Français et des États Européens, du plan Loup sont toujours là pour protéger ce « super-prédateur ». Contre intuitivement pour un éleveur, le préfet doit veiller à ce que toutes les mesures de protection du cheptel soient bien en place pour autoriser un tir de défense. Les tirs sont une « dérogation » à la protection du loup, déchiffre Alexandre Saunier dans les textes de loi, qui viscéralement en tant qu’éleveur de mouton ne le comprend pas, mais en tant qu’élu à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire en charge de ce dossier empoissonné, sait que c'est la seule solution à l’heure actuelle concrètement sur le terrain.

Le préfet le redit à chaque fois : « On doit s’assurer que tous les éléments matériels et dispositions sont réunis et figurent dans le plan d’action ». Autant dire que la pression est grande au moment d’appuyer sur la gâchette. Et que ce « on » est bien collectif, car l’individu qui se risquerait à tirer le loup sans cadre légale, risque très gros.

La profession ne fera plus tampon

Avec ce système dérogatoire des tirs dans le plan Loup, la protection n’est qu’une autorisation administrative et « non une acceptation à vivre avec les loups. Ça on ne l’acceptera jamais. Mais la réalité concrète pour protéger du loup nos bêtes est de se protéger dans le cadre du plan Loup », invite le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard, joint par téléphone. Car, la profession – FDSEA, JA – a décidé de « boycotter » la réunion à Chalon-sur-Saône de mardi soir qui devait se tenir à Morey à nouveau. « On veut que le préfet revienne sur le terrain », mais ce dernier a été fortement échaudé la semaine passée « par des éleveurs ayant dépassé les bornes », apprenait-on de sources au sein de la préfecture.

La pression est forte sur le corps préfectoral donc, mais FDSEA, JA et chambre, ensemble, ne se trompent pas de combats, pas là pour défendre un plan Loup inadapté. « On va redemander fortement à nos parlementaires de faire évoluer le plan Loup, lié au statut Européen ». FDSEA et JA vont marteler ce message au cours des prochaines rencontres avec tous les parlementaires, dans le cadre du projet de loi Entraves à voter le 26 mai. Le loup faisant forcément partie du projet de « lever les contraintes » au métier d’agriculteur.

Mais le véritable « espoir » concret est plus opérationnel et émanait des deux agents de la BMI : « les louvetiers sont très présents et connaissent bien le secteur. Le secteur permet de faire de l’observation lointaine. On a des postes stratégiques, des moyens et du matériel plus performant ». Dernière information de cette réunion justement, de nouveaux louvetiers vont être mobilisés et la préfecture a lancé un appel à candidature pour recruter de nouveaux louvetiers. Amis chasseurs, feu.

Les préfets reviennent sur le cerclage, les ONG portent plainte

Chaque année, le préfet coordonnateur du plan national d’actions loup et activités d’élevage (PNA), en l’occurrence, Fabienne Buccio, préfète de la région Rhône-Alpes-Auvergne est amenée à définir le zonage en fonction des éléments remontés par les préfets et services de l’État et en fonction des objectifs du plan Loup. Ce cerclage évolue donc. Compte tenu de la récurrence des attaques sur le secteur de Morey, le préfet de Saône-et-Loire avait pris — avec elle — la décision de classer en C1, les six communes du secteur. Soit un niveau supérieur d’indemnisation (fonds Européens) mais aussi demandant davantage de protections (patous, gardiennage, clôture électrifiée…). Jeudi dernier, la préfète a signé pour repasser les six communes en C2 car « les éleveurs du secteur n’étaient pas prêts », explique le préfet qui a donc organisé une nouvelle réunion mardi soir à la préfecture de Chalon pour que la DDT réexplique les tenants et aboutissants, y compris aux maires des communes et parlementaires invités (la presse ne l’étant pas, N.D.L.R.). « C’est une suspension temporaire de l’arrêté Ministériel. Nous avons proposé de revenir en C2 pour accompagner les éleveurs. Ce n’est pas intuitif d’imposer moins de contraintes de protection alors que la prédation augmente ».

L’ONG environnementaliste One Voice s’en est déjà émue, « à peine arrivé, déjà traqué », accusant les « lobbys agricoles » — FDSEA et JA71 en tête – dans une lettre ouverte. Le lobby environnementaliste a également annoncé avoir déposé plainte contre le préfet de Saône-et-Loire, dans un communiqué du 18 mai, signé des associations « L’Observatoire du loup » et « Alliance avec les loups ». « Nous accusons le préfet de Saône-et-Loire d’avoir sciemment organisé les conditions d’un tir illégal d’un loup », expliquant l’insistance du préfet à respecter les règles de tirs.