Les coopératives s’engagent à mieux rémunérer les producteurs, sous conditions

Les coopératives s’engagent à mieux rémunérer les producteurs, sous conditions

« Les coopératives laitières […] s’engagent à rétrocéder intégralement les hausses de tarifs qui seront concédées par leurs clients », les distributeurs (MDD, 1er prix et hard-discount) et la restauration hors domicile (RHD), aux producteurs, selon un communiqué de la Fédération nationale des coopératives laitière (FNCL) du 14 juin. « À condition que celles-ci soient effectives dès le 1er juillet sur l’ensemble des catégories de produits laitiers », a précisé également le syndicat. En parallèle, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a annoncé par communiqué, la levée des barrages qui se tenaient devant plusieurs coopératives, notamment dans l’Ouest, depuis deux jours. À entendre les éleveurs sur le terrain, les coopératives se seraient engagées à verser un prix du lait permettant de couvrir les coûts de production, soit 340 €/1 000 l pour les trois prochains mois.

Un prix de 340 €/1 000 l réclamé et obtenu par les éleveurs

Cette fois, les coopératives étaient visées par les éleveurs laitiers. L’an passé, à un mois près, c’était Lactalis qui était au centre des manifestations, toujours pour la même raison : une hausse de la paye de lait. À l’origine des actions de cette semaine, un mot d’ordre de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), lancée… deux jours avant l’assemblée générale de Sodiaal ! Depuis plusieurs mois, la paye de lait n’évoluait pas ou peu. En janvier, février, mars, le prix du lait avoisinait les 310 €/1 000 l à quelques euros près en fonction des laiteries. En avril, mai, juin, il tourne plutôt autour de 305 €/1 000 l, selon Florian Salmon, président des Jeunes agriculteurs 35. Or, au niveau des cours mondiaux, la situation semble s’améliorer légèrement, après deux ans de crise. Pour Emmanuel Aebicher, président de la FDSEA de Haute-Saône, « le prix du lait remonte partout en Europe sauf chez nous, comme le prix du beurre », dont le cours mondial est passé de 1 800 euros la tonne il y a deux ans à 5 400 euros. Un prix du beurre qui avait déjà flambé dès la fin 2016 et qui aujourd’hui inquiète également les boulangers et biscuitiers. « La pénurie de beurre apparaît comme une vraie menace pour la fin de l’année et entraîne un vent de panique sur les marchés », confirmait Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie.

Les coopératives renvoient la balle aux distributeurs

Dans ce contexte de manque, pourquoi le prix du lait n’augmente pas auprès des producteurs ? Réponse de la Fédération nationale des coopératives (FNCL) dans un communiqué du 13 juin : la hausse des cours sur le marché mondial ne pourra se répercuter aux producteurs que « si les distributeurs jouent également le jeu dans les négociations en cours sur les MDD, en acceptant les hausses demandées par les transformateurs, restées à ce jour sans réponse ». Les coopératives renvoient donc la balle à la distribution. Or, toujours le 13 juin, Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, avait justement rendez-vous avec Serge Papin, p.-d.g. de Système U, dans un magasin parisien U Express, pour montrer que « le partage de valeur » est possible. Serge Papin expose un contrat basé sur un tarif de 355 €/1 000 l payé aux producteurs. « La loi Sapin 2 permet, au moment des négociations, de garantir un prix minimum », souligne-t-il. Et, justement, la FNPL demande à cor et à cri l’application de cette loi qui permet de prendre en compte les coûts de production des producteurs dans l’établissement des prix entre industriels et distributeurs, induisant plus de transparence.

Système U, un distributeur plus blanc que blanc

Pour Serge Papin, il s’agit aussi de modifier la Loi de modernisation de l’économie (LME), dénonçant une « loi du plus fort ». Sur ce point, Dominique Chargé, président de la FNCL, est d’accord. Il assure que son syndicat « a fait des propositions pour une refondation totale des lois qui encadrent le commerce, notamment la LME, pour que l’on sorte de cette logique de spirale déflationniste qui a détruit énormément de valeur depuis dix ans et condamné beaucoup d’entreprises et d’exploitations ». La FNCL évoque aussi la nécessité de regarder le prix du lait sur l’année, un prix qui a été régulièrement au-dessus de celui des pays voisins. La demande des producteurs porte justement sur un prix, lissé sur l’année, de 350 €/1 000 l pour 2017, selon Philippe Cherdel, vice-président de la FDSEA 22. Il reste donc une marche à franchir pour les prochaines payes de lait. En outre, les industriels privés suivront-ils les coopératives ? « Oui », répond André Bonnard, secrétaire général de la FNPL, « car nous les avons à l’œil ! ». Dans tous les cas, selon plusieurs sources, il était prévu une hausse du prix du lait par les coopératives pour les prochains mois. Une réunion avec la distribution orchestrée par la FNPL doit encore se tenir le 16 juin afin « d’obtenir des enseignes [de distribution, ndlr] des engagements précis sur l’application de la loi Sapin 2 permettant d’avoir […] pour les producteurs un niveau de prix conforme à la bonne valorisation du marché français des produits laitiers », selon le syndicat. Le travail n’est donc pas encore fini. De son côté, les Jeunes agriculteurs s’interrogeaient le 15 juin dans un communiqué : « Faudra-t-il chaque trimestre mener des actions de barrage contre les collecteurs de lait pour que les producteurs obtiennent un prix d’achat décent ? »