Année blanche, ABA, ICHN…
Des annonces pas neutres…

Publié par Cédric Michelin
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Le 20 octobre, Luc Maurer, conseiller du ministre de l’Agriculture, était en Saône-et-Loire. A cette occasion, il a réalisé quelques annonces qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Retour sur sa visite et ses annonces…
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A l’initiative des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, et en particulier de Jérémy Decerle, vice-président national des JA, Luc Maurer conseiller du ministre de l’Agriculture en charge de la Pac, du développement rural, du foncier, de l’installation et de l’Agriculture biologique, s’est rendu, le 20 octobre dernier, à la rencontre des organisations professionnelles de notre département.
Ce fut l’occasion pour les responsables des JA, de la FDSEA et de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire d’aborder avec lui la crise qui touche les éleveurs (crise de l’élevage, sécheresse estival, FCO…) et de discuter de l’installation des jeunes, dans un contexte peu attractif…
Le conseiller du ministre a rappelé que, dans le cadre du Plan de soutien à l’élevage, le budget alloué à l’Année blanche n’était pas défini mais, comme le Premier ministre l’avait annoncé et s’y était engagé, l’objectif du Gouvernement sera de couvrir les besoins exprimés, tous les besoins exprimés, pour ce dispositif. Plutôt une bonne nouvelle pour ceux à qui l’Année blanche apporterait la bouffée d’oxygène attendue et promise dans le cadre de ce plan. « Après, il faut que les banques suivent et à Paris, on voit que ce n’est pas toujours le cas », critiquait Luc Maurer. Un fait confirmé localement par la DDT de Saône-et-Loire : « pas un dossier n’est arrivé », constatait Christian Dussarat.

Des engagements clairs



Les perspectives de réforme de la Pac ont également été abordées. Se voulant rassurant, Luc Maurer a expliqué que la réforme du zonage ICHN n’exclurait pas des communes déjà classées en Zones défavorisées. « Ecuisses a perdu son statut ZDS. On est un secteur à faible potentiel agronomique et économique. Il faut mettre les bons curseurs – adapter les normes aux territoires - pour garder une production ici – en Saône-et-Loire – pour que les jeunes restent dans le métier », militait Bernard Lacour, président de la FDSEA de Saône-et-Loire. En réponse, si au vu des critères pédoclimatiques, la commune ne présentait pas les caractéristiques d’une zone défavorisée, le ministère proposerait alors une solution, acceptable par l’Union européenne, pour la rattacher au dispositif. « On aura des critères - comme la présence d’herbe - pour reclasser ces zones », rassurait Luc Maurer qui n’a cependant pas encore l’aval de Bruxelles.
Autre bonne nouvelle, il semblerait que cette année le budget de l’Aide aux bovins allaitants (ABA, ex PMTVA) couvrirait toutes les vaches déclarées. Les discussions sont en cours au niveau national avec la FNB sur l’attribution des références.
Ce qui amenait néanmoins le président de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire à mettre le doigt où cela fait mal et peur : « En moins de trente ans, on est passé d’une rémunération par les prix à un secteur très tributaire des soutiens publics avec une complexité administrative croissante. La société conteste de plus en plus ces aides et certains donnent de nous, une image de "massacreurs de l’environnement". Quelle modèle et vision à 20-25 ans ? », interrogeait Christian Decerle. Pour le Ministre, « l’agro-écologie est un modèle d’avenir » même si ce n’est pas le seul, répondait Luc Maurer, qui aimerait voir généralement « plus de valeur ajouté » dans les filières agricoles.
Au final, une rencontre intéressante « en comité restreint », et pour lui, une occasion de se rendre compte, sur le terrain, du quotidien d’un éleveur et de ses problématiques.

« Retoiletter » les outils de transmission



En 1978, Alain, Joël et Michel-Marcel Perrot constituaient le Gaec Ovibov sur Ecuisses. Aujourd’hui, l’exploitation compte 223 vaches et 360 ha (dont 50 ha de cultures). Approchants de l’âge de la retraite, les trois frères « avaient pourtant prévu » à l’avance pour transmettre - à Guillaume et Romain - dans les meilleures conditions possibles. Hélas, une décennie de crise en élevage a malmené leurs plans. « Nous sommes endettés (150.000€). Il reste un bâtiment à payer. On a serré à fond. On fait des montages juridiques entre nous mais ce n’est pas la solution. Alors, comment va-t-on faire, dans deux ans, pour rembourser 20.000 €/an de plus à chaque fois qu’un associé part ? », demandait Joël, 55 ans, le plus jeune des frères. De plus, même si l’exploitation est fonctionnelle, il « faudrait encore investir 300.000 € », estime Guillaume Perrot, pour faire face aux normes et continuer de bénéficier d’un outil productif et compétitif sur des marchés difficiles. Face à ce manque de visibilité, le conseillé du Ministre en charge de l’installation se contentait d’acquiescer : « au ministère, on est persuadé que cette filière a un avenir ». Pas suffisant comme réponse pour Jérémy Decerle. Même si le travail d’accompagnement des OPA fonctionne bien, « nos outils existants doivent être "retoilettés" pour des transmissions plus efficaces et plus fluides », proposait le vice-président des JA. Car, actuellement, la filière élevage doute. Et ce n’est pas la seule, malheureusement. Tentant de rassurer sur l’économie, Luc Maurer commençait à égrener les annonces ministérielles et autres plans de soutien. Joël le coupait : « en élevage, les investissements sont très lourds. Pour nous, une vache, c’est une vache. Il faut une place de plus en bâtiment, plus de foin, etc. ». Histoire de bien lui faire comprendre que les différences avec les autres productions pouvant plus facilement jouer sur des économies d’échelle (surfaces, matériels…). Mais cela n’est pas simple comme le prouvait l’évocation des références pour l’aide à la vache allaitante. Même si la mesure est positive en soi, Damien Lemière - secrétaire général des JA de Saône-et-Loire - n’est pas dupe aussi de « l’effet pervers » de la revente officieuse de ces primes entre cédant(s) et repreneur(s). Primes qui au final « surenchérissent » le prix de rachat d’une exploitation. L’existence de ce « marché des droits » est visiblement connu de Paris. Et que dire du « problème du portage des bâtiments ». Si les banques ne suivent pas le jeune alors « viennent des investisseurs extérieurs pour défiscaliser et mettre le jeune pour exploiter », expliquait Guillaume Gauthier, le président des JA de Saône-et-Loire. Luc Maurer avait donc bien des informations à remonter à Stéphane le Foll. Peut-être que cela décidera le Ministre à venir enfin dans notre beau département pour apporter de nouvelles solutions ?