Maladie du bois de la vigne
Une mortalité croissante

Publié par Cédric Michelin
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Le 17 avril à Davayé, le Pôle Technique et Qualité de l’Interprofession des vins de Bourgogne (BIVB) organisait une matinée technique sur le préoccupant sujet des maladies du bois de la vigne. Désormais, les scientifiques privilégient une « approche multifactorielle ». Plusieurs chercheurs sont ainsi venus présenter leurs études, afin de les partager, avec les premiers concernés : les vignerons.
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« Je fais un appel aux dons... de bois. Si vous avez des échantillons qui vous paraissent intéressants à étudier, surtout résistants aux maladies du bois, contactez-moi », lançait Christophe Bertsch de l’Université de Haute Alsace. Comme lui, les chercheurs sont conscients de la détresse des vignerons qui voient leur patrimoine et leur outil de production dépérir de plus en plus rapidement. Depuis 2001, les données scientifiques montrent même une mortalité croissante des pieds ! Désormais, en 15-20 ans, une parcelle est entièrement à renouveler.
Face à ces défis des maladies (Esca/BDA/eutypiose), les laboratoires publics et privés comptent donc partager leurs savoirs et s’orientent sur une « approche multifactorielle ».

En quête du criminel



Car différents types de champignons - seuls ou en combinaison – sont impliqués dans les nécroses. Certains sont plus importants que d’autres dans l’expression des symptômes mais il faut prendre en compte en plus d’autres paramètres.
Mais comment ces champignons agissent-ils ? Pour le savoir, les chercheurs étudient les métabolites produits par ces champignons. Ils peuvent ensuite détecter ceux (toxines, peptides, protéines, polysaccharides…) qui infectent la vigne et par où « ils attaquent ». Après avoir sélectionné différents champignons, les scientifiques ont par exemple testé et constaté que celui provenant de Bourgogne est le « plus toxique » à ce jour : la vigne « n’a même pas eu le temps de se défendre » !
Car naturellement, la vigne se défend contre chacun de ces métabolites ou en face d’un « pool » (ensemble de protéines). Complexité supplémentaire, tous les cépages ne se défendent pas de la même façon. L’expression des symptômes peut également varier, par exemple entre chardonnay et gewurztraminer. La tolérance aux maladies du bois dépend donc également du matériel génétique.

La nature a horreur du vide



« Dans une parcelle, tous vos ceps portent des champignons. Qu’est-ce qui fait que certains s’expriment plus ou moins ? », questionnait Florence Fontaine, de l’Université de Reims. Et pourquoi davantage maintenant ? L’observatoire mis en place en France montre une augmentation de l’expression des maladies du bois dans l’Yonne pour le chardonnay (6 % du total) ou en Beaujolais pour le gamay (9 %). C’est moins que la moyenne nationale de 13 % d’expression des maladies du bois qui peut grimper à 37 % de pieds de savagnin dans le Jura ou à 45 % pour le cépage trousseau. Mais alors pourquoi la Champagne ne connaît-elle pas cette recrudescence de pieds malades (1%) ?
« Nous nous intéressons désormais à l’état de faiblesse de la plante qui fait qu’elle bascule et va exprimer des symptômes », indique Florence Fontaine. Car deux grands cas de figure existent : la forme lente ou la forme foudroyante. L’idée étant d’identifier les micro-organismes bénéfiques (ou antagonistes) pour ensuite stimuler ces molécules pour « tuer le champignon ». Les pistes envisagées sont soit naturelles, soit chimiques soit un mix des deux, solution la plus probable. Plusieurs essais de solutions commerciales ont déjà été effectués pour l’Esca : Ecobios Fortisève (oligo-éléments en perfusion) est « sans intérêt » ou le produit Esquive « n’a pas d’efficacité observée ». « Aucun effet n’est mesuré » encore au-delà de 70 ou 140 m pour la source sonore de "Genodics".

Flux en zigzag et inversion de sèves



Jean-Yves Cahurel - de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) du Beaujolais - s’intéresse lui aux itinéraires de production. Là encore, pas évident de conclure en terme de différences entre une taille en gobelet monté, en cordon simple ou double, ou en guyot à 3 ou 6 yeux. Les chercheurs remarquent néanmoins « différents flux de sèves (zigzag) et inversion de sève » auprès de la zone nécrosée par la taille.
Côté densité de plantation, il semblerait que plus la densité est faible, plus le risque d’Esca est important. Pas de conclusion hâtive pour autant. Pour le technicien de la chambre d’Agriculture de l’Yonne et pilote du groupe régional Maladies du Bois, Guillaume Morvan, il existe bien un « effet porte greffe », supérieur d’ailleurs à « l’effet clone ». Le porte-greffe, fercal par exemple se comporte mal sur sol asséchant et les essais montrent plus d’apoplexie.
Reste que « l’effet de l’Esca est très variable. Il est difficile de le relier à une pratique ». Complexe donc…